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Néjib Darouich, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable lors de la conférence de presse tenue le 4 Avril 2015.

Suite aux déclarations de monsieur Néjib Darouich, Ministre de l’Environnement et du Développement Durable lors de la conférence de presse, tenue le Samedi 4 Avril 2015, à la Kasbah, nous avons lancé une consultation afin de transmettre les prodromes des environnementalistes de la société civile à propos des 5 priorités du ministre durant les 100 jours. Epluchons-les, point par point.

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1 Résoudre le problème du traitement des ordures dans l’île de Djerba à travers le démarrage des travaux de la décharge au niveau de Sidi Salem

Cette réforme opte pour la mise en place d’une unité de compression et d’emballage des déchets. Une solution provisoire à moyen terme qui durera 2 ans, le temps de trouver des solutions radicales de collecte et de traitement des déchets.

Ce plan a été élaboré lors du forum sur la gestion des déchets qui a eu lieu à Djerba, impliquant le secteur public, le secteur privé, la société civile et toutes les parties prenantes. Ce ressort, malgré les réticences, a été consenti vu l’absence de stratégie alternative immédiate et lucide.

Cette stratégie de gestion des déchets commune et participative a été imposée grace à la pression maintenue par les citoyens qui ont longtemps croulé sous les déluges des déchets et qui n’ont pas été sollicités ni impliqués dans le processus de prise de décision.

Cependant, les écologistes considèrent cette disposition comme étant une solution futile et non durable qui ne fait qu’ajourner le renouvellement de la crise de contamination de l’environnement.

2 Augmenter la capacité d’accueil de la décharge de Borj Chakir, en ajoutant un nouveau casier qui recueillera les déchets jusqu’à la fin de l’an 2017

La décharge de Borj Chakir suscite de la polémique et préoccupe tant la société civile et les parties prenantes, qui, querellent la situation de précarité des riverains et contestent le désastre environnemental que cause ladite décharge.

Pour certains, ce projet parait être la seule solution étant immédiate et inévitable. Pour eux, c’est en quelque sorte un arrangement à court terme, mais à condition d’aménager l’entourage de la décharge. D’autres, pensent que le problème de la décharge de Borj Chakir est lié à la stratégie caduque de gestion des ordures ménagères depuis sa mise en œuvre. Une stratégie qui engendre des volumes importants à stocker.

Que ce soit pour la décharge de Sidi Salem à Djerba, la décharge d’Enkhila dans le gouvernorat de Nabeul, celle de Oued Laya/Naggar dans le gouvernorat de Sousse ou celle de Borj Chakir, la stratégie d’enfouissement des déchets mélangés, sans tri ni contrôle, est une approche perdante qui a longtemps persisté malgré qu’elle a prouvé sa défaillance.

Il faut absolument engager une réflexion sérieuse sur le long terme impliquant toutes les parties prenantes : ministère de l’Industrie et de l’Energie, ministère du Commerce, ministère de la Santé, industriels et municipalités pour envisager un nouveau cycle de tri et de traitement des déchets (incinération, recyclage, etc).

L’ANGED, pour sa part, doit réellement jouer le rôle de consultant et prendre les choses en main auprès des différentes parties impliquées.

3 Exécution d’un programme pour éliminer 80% des zones noires dans tout le territoire tunisien

D’après le communiqué de presse du ministère, cette étape se réalisera dans le cadre d’un programme impliquant toutes les institutions environnementales sous tutelle du ministère de l’Environnement et du Développement Durable.

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Mounir Majdoub, Secrétaire d’Etat chargé de l’environnement, lors de son intervention dans le cadre du 5ème forum régional du programme SWEEP-Net* de la GIZ lancé le 14 avril 2015, a déclaré que la prolifération des déchets solides, des dépotoirs et des points noirs est le résultat de l’augmentation de la consommation des citoyens.

En absence d’un plan d’information et de communication adapté à la situation de crise, et contre la situation financière et logistique difficile des communes, on s’est retrouvé face au problème de l’accumulation sauvage et l’envahissement des déchets de toutes natures le long des chaussées et des trottoirs dans tous le territoire tunisien.

Tout d’abord, il faut restructurer et renforcer les communes au plus vite. La deuxième étape étant le financement pour qu’on puisse se charger de la collecte des déchets … Nous, les citoyens qui produisent les déchets, ne sommes pas en train de contribuer financièrement, Mounir Majdoub.

Les questions qui ont interpelé la majorité des environnementalistes par rapport à ce point précis se résumaient comme suit : 1. Comment peut-on perdre de vue les points noirs des résidus industriels chimiques très toxiques pour la nature et la santé humaine ? 2. Comment faire la traçabilité des déchets et sanctionner sérieusement les contrevenants tant que le centre de traitement de Jradou est encore condamné ?

4 Instaurer un projet pour recycler les déchets de construction et de démolition à la décharge de Borj Chakir

Sans doute, les déchets de construction et de démolition présentent un véritable casse-tête pour les autorités. Ce projet semble bien être apprécié, à condition d’encourager l’acheminement de ces déchets, et de le faciliter de façon institutionnelle et légale.

En revanche, cette priorité a suscité le tiraillement de la majorité des environnementalistes. Pour eux, les déchets des bâtiments présentent un problème mais pas une priorité. Par rapport aux périlleux problèmes environnementaux et aux défis de calibre que doit affronter le ministère, ce projet ne devrait pas être inscrit sur la liste des priorités.

Laissez-les ! À la limite ça n’altèrent pas la santé des citoyens comme les groupes chimiques de Gabès ou les décharge soit disant contrôlées !, s’insurge l’une des intervenantes.

5 Adoption de la technologie « Internet-Mobile » pour renforcer et réactiver les opérations de contrôle à travers la mise en place d’un projet relatif à la surveillance des dépassements environnementaux

Une technologie mobile va permettre aux acteurs le monitoring environnemental, la gestion, l’élaboration et l’évaluation des politiques environnementales. A cet égard, on pourra produire des données fiables et poser un diagnostic dans une perspective de prendre des décisions informées.

Néanmoins, cette solution mobile sert d’innovation, qui, d’après certains acteurs, ne nécessite pas un effort exceptionnel. Ce n’est qu’un simple processus qui devrait être intégré dans toute une stratégie de surveillance de l’environnement. Aujourd’hui nous avons besoin d’un système factuel d’observation et d’expérimentation pérennes dans le domaine de l’environnement.

L’avis des environnementalistes

Les 5 priorités estimées urgentes paraissent être issues d’une analyse superficielle par rapport aux véritables problèmes environnementaux. La fonction du ministère de l’Environnement et du Développement Durable s’est réduite à la gestion des ordures, notamment ménagères. Certes, ça aurait dû être une priorité, mais pas une ligne directrice de toutes les préoccupations. Les dangers sur l’environnement et les écosystèmes sont également alarmants, parce que là c’est notre patrimoine écologique qui est en question.

Les solutions proposées sont, d’après les intervenants, des solutions sobres et dépourvues de rationalité qui ont y négligé l’impact socio-économiques.

L’environnement en Tunisie ne se limite pas à embellir les villes, c’est une vision benaliste qui a été incorporée dans ses stratégies de développement, témoigne un expert qui a préféré garder l’anonymat.

Les projets de résolution des flux de déchets avancés par le ministre sont des « bricolages » et des extensions, non pas des réformes menues d’une politique environnementale bien fondée. On ne peut pas résoudre le problème des déchets, ni aucun autre secteur, sans faire les réformes institutionnelles, juridiques et opérationnelles nécessaires. Ces priorités prouvent que le tableau de bord et les manuels de procédures institutionnels sont inexistants.

On a besoin d’une révolution dans l’administration et non pas des solutions populistes, estime l’écologiste Abdelmajid Dabbar.

Cet article met en exergue les proclamations des environnementalistes qui ont fait des plaidoyers pour la création d’un ministère de l’Environnement indépendant, et se mobilisent aujourd’hui pour mettre leurs compétences au profil du ministère dans le but d’offrir un environnement sain digne de notre capital écologique.

Les projets de l’an 2015 ont été donc décidés et lancés. Le rôle des acteurs de la la société civile est de faire le suivi et d’intervenir afin d’améliorer et recadrer lesdits projets.

La consultation de la société civile sur les priorités à adopter et la révision de la stratégie nationale relative à l’environnement est de ce fait une action nécessaire. L’implication de toutes les parties prenantes dans la prise de décision est un des piliers de réussite de toute stratégie de développement environnemental.

Les environnementalistes qui ont participé à notre consultation se sont mis d’accord sur des réformes claires qui, pour eux, sont les conditions d’un développement efficient et surtout durable. Ainsi on note :

● le développement des textes de lois relatives à la délimitation des responsabilités des différents sous tutelles du ministère de l’environnement et du développement durable,

● la restructuration des institutions environnementales,

● l’élaboration du code de l’environnement qui est en cours de rédaction depuis 6 ans,

● et enfin l’application d’une politique de sanction rigoureuse sur la pollution et le respect des normes environnementales, inexistantes en Tunisie, et qu’il fallait élaborer.

Pour le thème des priorités du ministère, qui est la gestion des déchets, les environnementalistes proposent de renforcer les capacités des collectivités locales en terme de moyens financiers et de ressources humaines et de créer un système de gestion des déchets qui se base sur une approche d’échange et de transparence.

Aujourd’hui, les écologistes lancent un ultimatum à l’exécutif. La responsabilité du ministre étant énorme.

Les suggestions évoquées

● Développer l’économie propre et les énergies alternatives,

● Lancer une consultation sur l’extraction du gaz de schiste et les énergies renouvelables (et propres) et lancer le code des ressources minières,

● Relancer le programme de lutte contre la désertification et l’érosion des plages,

● Enrayer l’érosion de nos ressources biologiques et imposer le respect de la loi dans la protection de certaines espèces (tortue marine, par exemple) et préserver notre faune et notre flore fragilisées,

● Réduire l’utilisation des pesticides et contrôler leur flux dans le pays,

● Développer des mécanismes de lutte contre la corruption et veiller à la bonne gouvernance des ressources naturelles, notamment vivantes,

● Lancer des campagnes de sensibilisation contre la dégradation de l’environnement et inciter le citoyen à avoir un comportement responsable,

● Appliquer le principe « pollueur-payeur »,

● Faire un audit sur la gestion de l’environnement par les anciens ministères,

● Mobiliser une équipe spécialisée pour une intervention urgente dans le golfe de Gabès…

La liste est longue…

* Réseau régional d’échange d’informations et d’expertises en matière des déchets solides dans les pays du Machreq et du Maghreb.