Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Ce n’est pas seulement une fausse réforme que vient de nous proposer le ministre de la Justice, c’est aussi une insulte à l’intelligence des Tunisiens. Et c’est de la part du président de la République une violation caractérisée d’une promesse ferme de dépénalisation du cannabis en Tunisie.

Une loi à peine révisée

En annonçant une réforme se limitant à l’exonération de la peine de prison et de l’amende pour une première consommation, le ministre ne fait que confirmer que le caractère répressif de la loi 52 est maintenu.

II est même renforcé en donnant au juge la liberté d’adopter une peine en fonction des cas de l’espèce. Surtout, cela ne protège nullement les jeunes des éventuelles bavures et des abus multiples de la part des agents de l’ordre. Comme si ces derniers n’ont rien d’autre à faire que de pister les innocents consommateurs des drogues douces au lieu de s’occuper des trafiquants exclusivement des trafiquants et des terroristes.

Le ministre reconnaît bien que les criminels ne sont pas les primoconsommateurs; mais il a tort de mettre sur le même plan les dealers et ce qu’il appelle consommateurs invétérés, puisqu’il assure qu’ils ne bénéficieront d’aucune circonstance atténuante.

Une réformette sous influence islamiste

Où est l’intention sincère de réforme ? peut-on honnêtement mettre sur le même plan un trafiquant qui se nourrit de son commerce et des victimes de ce commerce ? Ces dernières n’ont-elles pas plus besoin d’aide que de répression?

On reste sidéré sur le sens éthique de ce gouvernement supposé libéral et dont le souci est juste de faire la politique de son encombrant partenaire islamiste. Car il est clair qu’une telle fausse réforme est taillée sur es ure sur les exigences d’Ennahdha.

Aussi, il est impératif que tous les militants pour les valeurs humanistes disent en bloc non à une telle mascarade de réforme !

Au lieu d’inviter à chercher des peines alternatives, le ministre doit comprendre que la seule politique utile pour contrer le fléau des drogues est celle d’aide de ses victimes dans un cadre légal libéral où la consommation est totalement décriminalisée.

L’ONU recommande la dépénalisation de la consommation

Que le ministre s’inspire du récent rapport de l’ONU que nous mettons ici à son intention et qui exhorte à une telle dépénalisation ! C’est un véritable camouflet à la supposée réforme du ministre et tous ceux comme lui qui tiennent à la pérennisation de la honteuse et inefficace législation répressive en matière de drogues.

Intitulé «Prendre le contrôle : Sur la voie de politiques efficaces en matière de drogues», ce rapport que l’on doit à la Commission globale sur la politique des drogues fait des recommandations pertinentes pour remplacer les mesures ciblant les consommateurs souvent bien innocents et dont on fait des criminels.

La répression de la consommation est inefficace Le rapport rappelle d’ailleurs cette loi que tout bon juriste ne devrait pas ignorer, à savoir que la répression aveugle la plus sévère ne saurait éradiquer un phénomène social si elle en néglige les vrais ressorts. Or, en matière de drogue, le ressort principal reste la filière des revendeurs, jamais les consommateurs.

Et il insiste sur la nécessité de distinguer entre l’usage et  la vente de la drogue, le premier ne devant pas être criminalisé à l’encontre de la seconde, surtout quand elle est le fait de filières et de bandes organisées.

Notre gouvernement confronté au terrorisme ne doit pas se tromper d’ennemi et ne pas occuper les agents de l’ordre à courir après des innocents et risquer de laisser courir les vrais coupables.

Il se doit d’humaniser véritablement l’idéologie dominante en matière de lutte contre la drogue, «seule manière de réduire à la fois la mortalité, la morbidité et les souffrances liées à la drogue et la violence, ainsi que la criminalité, la corruption et les profits illicites favorisés par les politiques prohibitionnistes inopérantes».

C’est le trafic qui est à surveiller

Comme le dit le rapport, c’est le marché qui doit être surveillé et réglementé, l’État veillant surtout à «ôter du pouvoir au crime organisé» tout en s’employant avec les associations concernées à «atténuer les dommages sociaux et sanitaires» causés par ce fléau.

On en est bien loin, quand on sait que les trafiquants ont souvent les coudées franches. Que le ministre fasse donc de ce rapport salutaire sa lecture de chevet et qu’il refuse sa copie bâclée et inacceptable e une Tunisie se voulant un véritable État de droit dans une société de droits.

À notre que parmi les recommandations révolutionnaires du rapport, il y a cette préconisation fort efficace d’une règlementation de libéralisation de l’usage sur prescription médicale et délivrance par un pharmacien autorisé et une vente sous licence.  Car, assure le rapport, c’est bien la seule manière efficace de nature à permettre à l’État, si sa volonté est sérieuse, de finir par prendre le contrôle du marché. Ainsi mettra-t-il en échec efficacement les menées des trafiquants tout en adoptant des politiques sociales et sanitaires sensées et qui évitent de pénaliser encore plus les victimes que sont les consommateurs de la drogue, surtout occasionnels.

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