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Capture d’écran : le journal télévisé de 20h d’El Watania, édition du dimanche 29 mars 2015.

 

Tout va bien. Il faut que tout le monde rentre dans le rang. Gare aux opposants qui refusent de l’intégrer. Ils seront exclus, voués à sombrer dans le blackout. Idem pour les bourdes présidentielles. Elles ne comptent pas. L’information non plus. Il faut faire sensation, influencer la perception des événements et des enjeux quitte même à tourner le dos à des faits. C’est la définition même de la propagande. Le journal télévisé de 20h d’El Watania 1 y adhère pleinement dans son édition du dimanche 29 mars.

C’est dans d’autres médias qu’on reviendra sur la bourde du président Béji Caïd Essebsi confondant l’actuel président français François Hollande et son prédécesseur François Mitterrand qui a quitté le pouvoir depuis mai 1995. Et c’est carrément sur une chaîne tv française, Canal+, qu’on verra un Béji Caïd Essebsi colérique et agressif face à la caméra de France 2. Mais pas sur la première chaîne du service public tunisien.

Si la deuxième bourde n’avait pas été captée par l’équipe du journal télévisé (JT) d’El Watania 1, la première a bien été filmée en direct par la chaîne. La rédaction du JT dispose donc des images du discours. D’ailleurs, elle en a fait usage tout en coupant la bourde livrant ainsi un montage saccadé. Les larges sourires des présidents et autres hauts représentants d’Etats présents aux côtés de Caïd Essebsi trahiront les efforts du monteur.

Le choix de la rédaction du JT d’El Watania 1 relève clairement de la désinformation et ne pourrait absolument pas être confinée dans la case de l’anecdotique aussi spectaculaire peut-il paraitre aux yeux de certains. La marche du dimanche contre le terrorisme s’est tenue en réponse à un appel du gouvernement. Les autorités tunisiennes y ont invité plusieurs chefs d’Etats. Le principal objectif de cette démarche est la portée symbolique de l’événement. De telles bourdes entravent sa réalisation. Des faits qui valent bien la médiatisation sauf que dans le JT de dimanche dernier, l’information est loin d’être une priorité.

Dans cette édition, cinq grands titres ont été consacrés à la marche contre le terrorisme tenue 10 jours après l’attaque du Musée de Bardo : « Marche internationale contre le terrorisme », « les chefs d’Etats en visite de soutien à la Tunisie », « les Tunisiens unis face au terrorisme » et « le président inaugure une stèle en hommage aux victimes » et « Forte présence sécuritaire à marche ». 12 minutes lui ont été réservées. Aucune mention du nombre de manifestants. La rédaction du JT se contente d’observer « des milliers ». Aucune mention non plus des slogans entonnés par certains manifestants hostiles à Rached Ghannouchi, président du parti islamiste conservateur d’Ennahdha.

Pas la peine non plus d’évoquer la présence du président gabonais Ali Bongo. Connu pour avoir pris le pouvoir suite au décès de son père et prédécesseur en 2009, il a brigué la présidence après des élections dont la légalité est largement contestée par ses opposants souvent violemment réprimés. De quoi lui valoir le titre de « dictateur mal élu ».

Toujours selon le JT, « la marche a réuni tout le peuple tunisien. Elle a rassemblé toutes les catégories jeunes et moins jeunes ». Le refus de participer du Front populaire, principale formation politique de l’opposition, a été complètement zappé. Les motifs de cette décision aussi. Idem pour la controversée présence qatarie. C’est le triomphe du ton sensationnel, la détresse de l’information.