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Capture d’écran : L’émission « Au-delà de l’information » sur Al Jazeera.

Largement accusée de partialité par le camp séculier et par de nombreux politologues et analystes médias, Al Jazeera leur a donné encore une fois raison avec « Au-delà de l’information », une émission quotidienne de débat politique. Retransmise sur la chaîne qatarie à partir de 19h30 (Heure de Tunis), elle s’est donnée pour mission de traiter à chaud l’attaque du Musée du Bardo tout en privilégiant doublement le leader islamiste Rached Ghannouchi.

Diffusée en direct de Doha après sept heures du début de la prise d’otage, l’émission invite l’essayiste et « analyste politique » tunisien Slaheddine Jourchi et « l’expert en sécurité » Fayçal Cherif, en duplex de Tunis et de Paris. Telle qu’elle est exposée par le présentateur, elle s’articule autour de deux axes : « Qui est à l’origine de cette opération et quelles sont ses motivations ? » et « Quel est son impact sur la stabilité politique et sécuritaire en Tunisie ? ».

Dérapage clair six minutes et demie après le début de l’émission. Slaheddine Jourchi est interrompu par le présentateur alors qu’il répondait à sa première question. Et pour cause, une transmission en direct de Tunis d’une allocution de Rached Ghannouchi, président du Mouvement Ennahdha. Une minute et 55 secondes lui ont été consacrées dans cette émission d’une durée globale de 26 minutes et 34 secondes. Aucune information supplémentaire n’y a été donnée. Aucun apport aux deux axes supposés être traités par l’émission. Aucune réaction aux propos du leader islamiste après la reprise du débat.

L’irruption du speech de Ghannouchi n’est absolument d’aucune utilité. Il s’agit tout simplement d’un privilège. D’autant plus qu’une déclaration spéciale accordée par lui-même à Al-Jazeera a été rapportée par la voix off accompagnant un compte rendu diffusé en introduction du débat. 20 secondes lui ont été consacrées. Une durée identique à celle dédiée à une déclaration publique de chef du gouvernement Habib Essid.

Le président d’Ennahdha est donc doublement privilégié par cette émission. Il a non seulement un temps de parole largement supérieur à celui du premier ministre a partisan mais c’est aussi le seul leader d’un parti politique à s’y exprimer. Au grand mépris du pluralisme politique, Al Jazeera a négligé les responsables de Nidaa Tounes, détenant la majorité parlementaire et régnant en alliance avec Ennahdha, ainsi que ceux de l’opposition essentiellement représentée par le Front Populaire.

Auparavant, certaines parties en accusaient d’autres de laxisme et de favoriser une atmosphère à un certain moment. Est-ce qu’avec ce qui s’est passé, ces accusations vont cesser et la classe politique va prendre conscience de la situation ?

C’est la question posée par le présentateur à Slaheddine Jourchi, 19 minutes et demie après le début de l’émission. Qui sont les premières « parties » ? Qui sont les deuxièmes « parties » ? De quelle « atmosphère » s’agit-il ? Une information ne peut pas être plus approximative. La règle journalistique fondamentale des « Cinq w » est complètement zappée. Le présentateur évite carrément de nommer Ennahdha quand il évoque les reproches de ses détracteurs en les gardant sous couvert d’anonymat. En même temps, il s’érige en tant que baromètre de la conscience de la classe politique tout en liant son salut à l’arrêt des accusations contre le parti islamiste.

Une performance en termes de désinformation et de propagande partisane. De quoi mériter l’indifférence croissante de l’audimat et contribuer à la chute libre de l’audience d’Al Jazeera en Tunisie ainsi que dans certains autres pays du Monde Arabe.