La démocratie participative en Tunisie à la loupe du Programme d’Appui à la Société Civile (PASC)

Le 27 février dernier, le Programme d’Appui à la Société Civile (PASC) a tenu une conférence d’information sur les préceptes de la démocratie participative. Cette conférence a été l’occasion de réunir autour de cette problématique acteurs publics, société civile et journalistes afin de mieux cerner les tenants et aboutissants de cet « idéal à atteindre » pour certains, d’un non sens absolu pour d’autres.

Le Programme d’Appui à la Société Civile (PASC)

Le programme PASC, signé par le Ministère du Développement et de la Coopération Internationale et la Délégation de l’Union Européenne en Tunisie en Juillet 2012, est le résultat d’une consultation élargie entre la société civile (près de 200 partenaires), et des partenaires économiques et financiers (60) y compris des organisations internationales et les autorités tunisiennes sur 20 gouvernorats. Parmi ces partenaires, nous trouvons le Forum Tunisien des droits Economiques et Sociaux (FTDES), l’ Association Tunisienne d’Etudes et Recherches en Démocratie et Affaires Locales (ATERDAL), le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation (CFAD) ou encore l’Ecole Nationale d’Administration (ENA).

Financé par l’Union Européenne à travers l’Instrument Européen de Voisinage et de Partenariats, ce programme « œuvre pour la mise en place de partenariats stratégiques afin d’accompagner au mieux la société civile dans le développement d’actions, favorisant les principes de compréhension mutuelle, de concertation et de partenariat avec les acteurs publics ».

L’objectif de la PASC serait ainsi de renforcer la contribution de la société civile auprès des autorités. En renforçant cette dernière, la société civile sera amenée à jouer un rôle prépondérant dans la prise de décisions politiques, économiques et sociales. Ce renforcement des capacités de la société civile et la création d’un cadre d’échange entre les acteurs publics et la société civile sont les leitmotivs du PASC, dont l’ensemble des actions est animé par ce dessein.

Présent dans 6 villes telles que Tunis, Sousse, Gafsa, Tozeur, Le Kef ou Médenine, le PASC axe ses activités sur 4 priorités :

● Renforcement des capacités et compétences des organisations de la société civile ainsi que de leurs vis-à-vis, les acteurs publics, aussi bien au niveau national, régional que local.

● Actions d’amélioration de l’environnement législatif des organisations de la société civile.

● Concertation et partenariat entre acteurs et capitalisation de bonnes pratiques.

● Accompagnement des actions pilotes de terrain et appui en matière de suivi et de plaidoyer.

C’est dans ce cadre que Bechir Bouraoui, coordinateur du bureau régional de Sousse, est venu présenter dans les locaux de la PASC à Tunis, ce qui pourrait s’apparenter au degré ultime de cette collaboration entre acteurs publics et société civile, à savoir la démocratie participative.

La confiance : clé de la démocratie participative

La thématique de la démocratie participative est peu ou mal connue du grand public. Forme de partage et d’exercice du pouvoir à travers la participation des citoyens dans la prise de décision, la démocratie participative semble s’être développée dans les limites de la démocratie représentative.

La démocratie représentative, celle que l’on connait aujourd’hui, semble souffrir de certains maux indéniables : poids de la majorité qui dicte ses lois aux minorités, professionnalisation de l’arène politique, effectivité de la représentativité, conflits d’intérêts ou encore instabilité liée aux changements successifs de gouvernants.

C’est en partant de ce constat que s’est érigée la pensée d’une démocratie participative, offrant un rôle et un pouvoir aux citoyens dans la prise de décisions.

La participation du citoyen dans la prise de décision peut prendre de nombreuses formes : consultation, concertation, collaboration ou encore référendum.

Cependant, pour qu’une démocratie participative puisse voir le jour, le facteur « confiance » doit être de mise entre acteurs publics et société civile. Ainsi, celle-ci doit suivre un certain schéma ou processus d’interactions sur 5 niveaux :

1 Le premier niveau représente la communication et l’information des acteurs publics aux citoyens,

2 Ceux-ci écoutent ces informations, les dissèquent et les remettent en cause,

3 Puis vient la phase de consultation, où ces informations sont discutées et débattues,

4 Une fois les informations débattues, les citoyens et les acteurs publics passent en phase d’engagement,

5 Enfin, une fois la phase d’engagement dépassée, l’on parvient au partenariat, voir à la co-élaboration dans la prise de décision entre acteurs publics et citoyens.

democratie-participative-Tunisie-PASC

Il en ressort que sans volonté et confiance des autorités publiques et des citoyens, l’on parvient difficilement à cet idéal. Et c’est cette confiance qui sera déterminante dans le lancement du processus de participation. En effet, sans confiance c’est l’ensemble du processus d’interaction qui serait en panne, et ce, dès le premier niveau (communication et information).

D’ailleurs, cela est remarquable au niveau national. Il n’existe aujourd’hui aucun modèle de démocratie participative nationale. Seuls des exemples de démocraties participatives locales existent. Cela s’explique principalement par la méfiance que se vouent citoyens/société civile et gouvernants. C’est cette même méfiance qui est la cause d’une opacité au niveau des informations communiquées aux citoyens dans la plupart des pays.

Tel est le cas pour le moment en Tunisie, où l’on observe petit à petit l’émergence d’une démocratie participative locale à travers l’adoption d’un budget participatif, au sein de laquelle, les citoyens et la société civile sont « co-preneurs de décisions ».

La municipalité de Sayada, un précurseur en la matière

Si le concept de démocratie locale tend à se développer en Tunisie, la mairie de Sayada en a été le précurseur en la matière. A travers le travail de l’association CLibre, la mairie et la société civile ont su se réapproprier leur ville. Comme expliqué dans la vidéo ci-dessus par Béchir Bouraoui, l’open data a permis de restaurer la confiance entre citoyens et l’administration municipale, de telle sorte que les revenus générés par les impôts a considérablement augmenté. Le cercle vertueux de la confiance a même amené les habitants de Sayada à l’étranger à faire don d’une benne à ordures à la municipalité.

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L’exemple de la réussite de la municipalité de Sayada commence à faire adeptes. Monastir, La Manouba et d’autres villes suivent ou comptent suivre son exemple.

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Tel est le cas de la municipalité de La Marsa. Suivant l’exemple de Sayada, cette dernière à travers une convention entre la municipalité et la société civile, a permis de fixer les règles du jeu du budget participatif, procurant ainsi à chaque partenaire un rôle dans l’établissement de cette démocratie participative locale.

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Civil Society

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4Comments

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  1. 1
    Henda Chennaoui

    Une démocratie participative offerte sur un plateau par des fonds étrangers qui n’ont aucun intérêt à voir une réelle révolution dans notre pays. Une démocratie participative prisonnière d’un cadre réformiste qui n’a d’autres objectifs que d’amadouer les nouvelles méthodes d’organisation de la résistance et qui vise à tuer le réel contre pouvoir qui fera la différence. Une démocratie participative qui essaye de nous faire croire que la représentativité est un mal nécessaire. Et C’EST FAUX!!!! Je ne vois pas grand intérêt à faire ce genre de workshop sur la démocratie participative si le but serait en fin de compte de servir à légitimiser les décisions de la Banque Mondiale et l’UE. Ce qui se passe est grave. Ah oui, je ne pense pas que c’est ça la démocratie participative. Avec tout mon respect à Béchir et ses efforts.

    • 2
      Béchir

      Salut Henda,

      Comme toujours décrit dans mes présentations, je ne donne jamais de vérité absolue, c’est une notion et comme décrit dans l’Interview c’est de l’expérimentation.

      Le premier slide que je développe est un Slide extrait du contrat social et qui mesure ainsi combien le concept de démocratie en son cœur même et des millénaires durant, la volonté d’échapper à toute coupure entre le “peuple” et une “élite politique” qui s’en distinguerait, à toute conception du pouvoir comme “chasse gardée” réservé; lors même que toute transmission héréditaire était abandonnée-à une aristocratie de notables spécialisée de facto dans son exercice. C’est bien d’ailleurs pourquoi Rousseau, quelques décennies avant Sièyes, avait farouchement combattu toute idée de “Démocratie représentative”, et était resté obstinément attaché à l’idée d’une souveraineté que le peuple ne peut aliéner ou abandonner sans se perdre. C’est bien pourquoi Rousseau tentera d’inventer un nouveau concept de la politique dans son ouvrage du Contrat Social, l’arrachant à cette violence sociale originelle et maintenue.

      Tout est question de thèse et d’anti-thèse

  2. 3
    volvert

    La démocratie de représentation ne parvient plus à motiver l’électeur. Sa crise est manifeste partout où elle a cours, en témoigne le pourcentage de votants, à chaque fois en recul, sauf exception.
    Alors, apparut cette notion de démocratie participative. Pour susciter l’intérêt et légitimer leurs décisions, les politiques tentent d’enroler le citoyen en lui faisant endosser une responsabilité qui va bien au-delà de sa contribution.
    En effet, bien souvent on argue de la complexité des questions à traiter pour les construire et les élaborer dans les cénacles habituels; on les soumet au débat mené par “les décideurs” ou “les techniciens” avec un public réputé au mieux motivé pour ne pas dire incompétent. Ce procédé permet de partager autour des questions en débat, il influence peu la prise de décision, tout au plus lui fait-il une publicité plus grande.
    En réalité, il existe une forme démocratique aussi aisée à pratiquer: le contrôle des élus par leurs mandants. Rendre possible la révocation serait un moyen utile de contrainte pour s’assurer contre le reniement des engagements pris.
    Mais, la politique suscite les ambitions, ceux qui y entrent y prennent vite goût par le prestige qu’ils en tirent et les profits capitalisables ( profits symboliques et matériels) qu’elle leur offre.

  3. 4
    Rania Chaabane

    Bonjour Mr Bouraoui, pouvez vous m’envoyer votre adresse e-mail ? je suis doctorante et je travaille sur le thème de la démocratie participative. J’ai besoins de quelques informations sur la GIZ. Merci

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