munitions

Le site Global Fire Power vient de publier le classement 2015 des plus grandes puissances militaires dans le monde. Selon cinquante critères pris en considération à travers de nombreuses sources, la Tunisie y est classée 7e puissance militaire africaine et 58e mondiale.

Quelques chiffres sur la force militaire de la Tunisie issue du rapport :

Ce rapport prend en compte une cinquantaine de critères afin d’établir un « power index ». Comme présenté, la valeur parfaite à obtenir devrait être de « 0,0000 », ce qui est réellement inatteignable.

La Tunisie obtient sur la base de ces nombreux critères le « power index » de 1,4449. Selon Global Fire Power, la Tunisie est composée de 10 937 521 personnes, dont 5 798 752 sont actifs.

4 481 813 sont en âge pour le service militaire. Chaque année une moyenne de 177 782 personnes atteint l’âge légal pour faire son service militaire. 40 500 militaires sont actifs tandis qu’il existe 12 000 réservistes.

En prenant en compte ces chiffres l’on se rend compte qu’il y a donc 1 militaire pour 270 personnes. L’on passe même d’un militaire pour 208 personnes, si l’on compte les réservistes. Ainsi sur une population de près de 11 millions d’habitants, près de 0,37% de celle-ci est dans l’armée. Il serait intéressant de comparer ces chiffres avec les pays les mieux classés dans cet index, à savoir les États-Unis d’Amérique, la Russie et la Chine, respectivement premiers, deuxième et troisième de ce classement :

– Les USA ont une population de 320 302 220 habitants dont 120 022 084 sont en âge pour être dans l’armée. 4 217 412 personnes sont susceptibles de rejoindre l’armée chaque année. Les USA ont 1 400 000 militaires actifs et 1 100 000 réservistes.

Ainsi, il y a aux USA un militaire pour 278 personnes. L’on passe à un militaire pour 128 personnes si on prend en compte les réservistes.Selon ces chiffres, 0,437% de la population américaine est dans l’armée.

– La Russie compte 142 470 272 habitants dont 46 812 553 sont en âge d’être dans l’armée. En moyenne 1 354 202 personnes sont susceptibles de rejoindre l’armée russe chaque année. Celle-ci compte 766 055 militaires actifs et 2 485 000 réservistes.

Ainsi en Russie il y a un militaire pour 186 personnes. L’on passe à un militaire pour 44 personnes si l’on compte les réservistes. En Russie, 0,53% de la population est dans l’armée.

– La Chine compte 1 355 692 576 habitants dont 618 588 627 sont en âge pour être dans l’armée. En moyenne 19 538 534 personnes sont susceptibles de rejoindre l’armée chinoise chaque année. Ils ont 2 333 000 militaires actifs et 2 300 000 réservistes.

Ainsi en Chine il y a un militaire pour 581 personnes. L’on passe à un militaire pour 292 personnes si l’on compte les réservistes. En Chine donc 0,17% de la population est dans l’armée.

A la lecture de ces chiffres, l’armée tunisienne est autant présente en proportion que l’armée chinoise. Le quotient de personne par militaire est quasi analogue à celui des USA.

Comparons à nos voisins Égyptiens et Algériens, respectivement premier et deuxième pays africains dans le classement :

– L’Égypte compte 86 895 099 habitants dont 35 305 381 sont en âge pour être dans l’armée. En moyenne 1 532 052 personnes sont susceptibles de rejoindre l’armée chaque année. L’Égypte a 468 500 militaires actifs et 800 000 réservistes.

Ainsi, il y’a 1 militaire pour 185 personnes. L’on passe à 1 militaire pour 68 personnes si l’on compte les réservistes. En Égypte, il y’a 0,54% de la population qui est dans l’armée.

– L’Algérie compte 38 813 722 habitants dont 17 249 199 sont en âge pour être dans l’armée. En moyenne 672 993 personnes sont susceptibles de rejoindre l’armée chaque année. L’Algérie compte 512 000 militaires actifs et 400 000 réservistes.

Ainsi, il y a un militaire pour 75 personnes. L’on passe à un militaire pour 42 personnes si l’on compte les réservistes. En Algérie, 1,3% de la population est dans l’armée.

Si l’on compare la Tunisie à ses voisins, force est de constater qu’en proportion, l’armée tunisienne est moins nombreuse que ses pays voisins. Cependant, si l’on compare aux 3 premiers pays de ce classement, la Tunisie est mieux lotie que la Chine et est même au niveau des États-Unis. Cela s’explique par différents facteurs : tout d’abord, l’Égypte et l’Algérie sont des dictatures militaires au sein desquelles les complexes industrialo-militaires dirigent depuis des années ces pays. Quant à la Chine, l’absence de conflit armé de terrain explique cette faible proportion de militaires de terrains actifs. Cependant, pour la Chine comme pour les USA la proportion de réservistes quasiment égale à celle des militaires actifs est un atout majeur dont la Tunisie ne dispose pas.

L’arsenal militaire tunisien :

Le rapport de la Global Fire Power présente également l’arsenal militaire terrestre, aérien et naval de chaque pays. Selon lui, la Tunisie disposerait de 180 tanks (incluant les chars de combats, chars légers et destroyers) 679 véhicules de combats blindés, 19 armes automatiques, 162 canons d’artillerie remorquable. Elle ne dispose cependant pas de rocket multi-lancement.

Quant à la force aérienne du pays, la Tunisie disposerait de 138 aéronefs, 12 avions d’attaques à voilures fixes, 12 avions intercepteurs, 86 avions de transport militaire et 75 hélicoptères.

La force navale serait constituée, toujours selon la Global Fire Power, de 50 navires et de 25 navires de défense côtière.

Autant dire que l’arsenal militaire de la Tunisie selon ce rapport est famélique. Ces chiffres sont d’autant plus frappants lorsque l’on sait que le Myanmar, le Singapour, le Bangladesh et l’ensemble de nos voisins sont mieux armés que nous.

Cela s’explique principalement par un budget gouvernemental alloué à la défense assez faible par rapport à de nombreux pays.

Selon la Global Fire Power, le budget alloué à la défense pour l’année 2015 est de 550 000 000 dollars américains. Aucun des autres pays de la région n’a un budget aussi bas pour sa défense. La Libye, l’Algérie, le Maroc et l’Égypte ont un budget alloué à leur défense au moins 6 fois plus important que celui de la Tunisie.

L’aide internationale comme solution ?

Cet état des lieux explique aussi aujourd’hui le « nouvel Eldorado » que représente la Tunisie pour certains complexes industrialo-militaires. En effet, l’ « aide » (entre prêts et dons) américaine pour notre armée est estimée depuis 2011 à 100 millions de dollars pour divers équipements d’ores et déjà livrés, mais aussi des formations et une aide médicale aux soldats tunisiens blessés. Pour cette année 2015, une aide de 60 millions de dollars de la part des États-Unis est prévue. Cette aide servira à s’équiper en matériel de détection de bombes artisanales et d’engins explosifs, ainsi qu’à l’achat de nouveaux bâtiments pour la marine tunisienne.

Force est de relever que le domaine de la défense en Tunisie est aujourd’hui entrain de panser ses plaies. Longtemps mis au ban par le régime de Ben Ali, il essaie,malgré les conditions matérielles difficiles,d’être le dernier rempart dans une région à enjeux majeurs.

Qu’en est-il de l’authenticité des chiffres de ce rapport ?

Global Fire Power explique sur son site que ces chiffres sont issus d’une multitude de sources : le site internet de la CIA, le World Factbook 2015 de la CIA, Wikipédia, d’imprimés officiels, de médias et de contributions personnelles. Autant dire une multitude de sources non officielles et dont l’authenticité peut être sujette à caution.

Citons pour l’exemple le budget de l’année 2015 alloué au ministère de la Défense qui est différent des sources officielles tunisiennes. Si le rapport fait état de 500 000 000 dollars US de budget, la loi de finances complémentaire pour l’année 2014 prévoit un budget de 1 564 879 dinars tunisiens , soit 810 280 000 dollars US (taux de convertibilité en date du 25/02/2014). On relève ainsi un écart de près de 300 000 000 dollars US entre les chiffres de la Global Fire Power et ceux officiels.

Nous avons contacté le ministère de la Défense afin d’avoir son avis sur ces chiffres présentés par la Global Fire Power. Malheureusement, il s’est refusé à tout commentaire.

Ainsi, nombre d’informations du rapport semblent être opaques ou du moins approximatives. Nous avons tout de même contacté Global Fire Power afin d’obtenir une explication de leur part,mais sans succès. Aucune présentation ni de l’origine du site,ni de l’équipe la composant, ni des missions qu’elle effectue n’existe sur leur site internet. Seul un lien vers le site militaryfactory.com est présent. Ce dernier recense des informations sur les armes militaires, mais aussi sur les forces armées américaines. Sur celui-ci également, il n’existe pas d’informations sur les origines du site.

De la nécessité de la transparence du ministère de la Défense :

Nombreux sont les médias ayant relayé cette information sans s’assurer de l’exactitude d’une telle étude. Citons en quelques-uns : l’Économiste maghrébin , le site investir en Tunisie, ou encore Businessnews pour ne citer que les médias en ligne qui ont repris en chœur Global Fire Power.

Le ministère de la Défense a refusé tout commentaire à propos du rapport de Global Fire Power car ne souhaitant pas communiquer sur les moyens humains et matériels de l’armée tunisienne. Or, de telles informations devraient être accessibles au publiccomme dans toute démocratie.Il en va de la responsabilité de l’État et du ministère de la Défense de communiquer lui-même ces chiffres afin de ne pas tomber dans le fantasme, ni même dans l’inexactitude que pourraient révéler de telles sources.

Il est même du devoir du ministre de la Défense de communiquer de telles informations à l’Assemblée des Représentants du Peuple chargée de voter et de contrôler le budget dudit ministère, sans toujours brandir le « secret défense ». Que le budget de la Défense soit discuté et justifié comme tout autre budget devant les élus du peuple est une nécessité dans cette démocratique auquel nous aspirons.

Le ministère de la Défense comme tout autre ministère au budget issu de l’argent du contribuable se doit d’être transparent. Il est du propre des grandes démocraties de communiquer à ses citoyens ce genre d’informations. Que les emplacements stratégiques ou les lieux de stockages soient des informations confidentielles soit. Que cette confidentialité s’étende au nombre de militaires ou encore à l’arsenal militaire de la Tunisie est absurde, d’autant plus que l’on retrouve ces informations accessibles au grand public sur différents sites « spécialisés » ou encore dans des publications étrangères.