Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Monsieur le candidat Moncef Marzouki, Vous vous présentez toujours comme militant des droits de l’Homme; et c’est à cette qualité que je me suis fié en adhérant à votre parti fin 2012. J’y étais venu avec les valeurs qui sont toujours miennes croyant les retrouver au CPR, affichées en valeurs fondatrices.

Vous le savez, j’ai quitté le parti avant la fin de 2013 après avoir tout essayé pour ramener le parti à ce que je croyais être ses valeurs d’origine. Pour cela, je n’ai pas manqué de vous écrire directement, osant appeler à un canal historique au sein du CPR, constatant le décalage énorme entre les positions du parti et les vôtres.

Quand j’ai compris que le principe vital était lui-même altéré à la base, je vous ai quitté la conscience tranquille, m’étant gardé du moindre préjugé en ne vous appréciant que sur vos actes.

Aujourd’hui, vous persistez et signez au nom de valeurs que vous n’avez cessé de violer. En voici donc un florilège que je vous rappelle pour le cas où vous les auriez oubliés ou que vous auriez à nouveau changé d’avis à leur propos, vous ayant connu par trop erratique dans vos professions de foi.

Abolition de la peine de mort

Vous avez fondé votre action sur cette question éminemment symbolique, manifestation ultime de démocratie et d’humanisme.

Or, votre parti n’a jamais milité pour une telle cause, ratant par le vote négatif d’une partie de ses députés l’occasion propice qui s’était présentée à l’Assemblée constituante pour abolir cette honteuse tare des systèmes politiques.

J’avais pourtant démontré dans divers de mes écrits que l’abolition était conforme à l’esprit de l’islam, et même à sa lettre, pour qui veut faire une lecture saine du Coran. Ce fut en vain; vous vous êtes aligné sur les plus dogmatiques des islamistes sur la question.

Aussi, si vous êtes élu président de la République, vous engagez-vous à abolir la peine de mort en proposant l’adoption d’une loi en ce sens, sachant que cela est juridiquement possible, la Constitution y ouvrant paradoxalement la voie en consacrant le droit à la vie ?

Abrogation des mesures attentatoires aux libertés privées

Parmi les questions sur lesquelles ma surprise a été grande de vous y voir vous dérober puis adopter une attitude négative, c’est l’homophobie. Je n’ai pas caché, en adhérant à votre parti, que je militais pour l’abrogation de toutes ses manifestations dans notre législation, qui sont d’autant plus exécrables qu’elles n’ont aucun rapport avec l’islam qui n’interdit nullement l’homosexualité.

Cette question capitale pour l’instauration d’un vivre-ensemble paisible dans notre société, je l’avais aussi traitée dans des articles et même un essai publié en arabe et en français. C’est l’humanisme qui me motive et le refus de la moindre discrimination, outre la justice à rendre à une foi caricaturée et violée par les intégristes qui tuent des innocents au nom de l’islam.

Or, vous persistez à stigmatiser l’homosexuel, rejoignant les plus homophobes de nos prétendus musulmans. Alors, si vous êtes maintenu à la présidence de la République, vous engagez-vous à abolir enfin toute manifestation d’homophobie dans notre législation ? Ainsi serviriez-vous et l’islam et l’humanisme et la tolérance dans le monde !

Dans ce même cadre du toilettage de l’arsenal juridique de l’ancien régime de ses lois scélérates, vous engagez-vous à édicter, pour le moins, un moratoire à l’application de toues les mesures attentatoires aux libertés privées ?

Je citerais juste ici les mesures discriminatoires en matière d’apostasie que l’islam admet contrairement à ce que l’on croit, la fameuse loi sur les stupéfiants qui pénalise les innocentes victimes de la simple consommation au lieu de se concentrer sur les trafiquants, ou encore toute inégalité entre les sexes dont, à terme, l’inégalité successorale ?

Confirmation de l’appartenance de la Tunisie à la Méditerranée

Vous vous faites le héraut de l’authenticité tunisienne en voulant l’articuler à un attelage bancal ayant son axe en cet Orient en pleine décadence morale et matérielle. Or, le centre de la Tunisie, son âme même, est au Maghreb qui est au coeur de la Méditerranée, la Tunisie étant le pont de convergence entre l’Orient spiritualiste et l’Occident matérialiste.

Vouloir couper la Tunisie de son milieu méditerranéen naturel, c’est tout simplement la condamner, au mieux, à rester sous-développée alors que ses richesses — notamment la maturité de son peuple — lui autorisent toutes les innovations majeures. Pour cela, une condition est impérative : qu’on s’en sente capable, mettant enfin un imaginaire dégagé de ses inhibitions au service d’un volontarisme à toute épreuve.

Parmi les questions sur lesquelles on a divergé au sein de votre parti figure la nécessité pour la Tunisie de rompre avec le paradigme ancien sur le plan des rapports internationaux. Vous savez donc que je milite pour un espace de démocratie en Méditerranée et pour une aire de civilisation entre l’Orient et l’Occident dont la Tunisie serait le fer de lance.

Alors, si vous êtes élu, oserez-vous exiger au nom de la révolution tunisienne ce à quoi j’avais appelé dès le lendemain de son occurrence : la levée du visa pour un libre mouvement des Tunisiens en Méditerranée ? Pour ce faire, j’ai suggéré son remplacement par une formule tout aussi respectueuse des réquisits sécuritaires qui est celle du visa biométrique de circulations.

Dans ce même cadre d’action, irez-vous jusqu’à déposer la candidature officielle de la Tunisie pour une adhésion à l’Union européenne ?

Nul n’ignore qu’elle est fatale à terme, car l’imposent et la situation de dépendance structurelle et à sens unique de notre pays à l’Europe ainsi que la globalisation de plus en plus poussée des régions du monde.

Voilà quelques questions parmi d’autres sur lesquelles on a divergé dans le cadre du militantisme de chacun pour les valeurs, le mien se voulant concret, le vôtre — et pour le moins — purement putatif.

Aussi, vos réponses, si vous ne snobez pas cette ultime tentative de saisir en vous votre vérité, pourront mieux éclairer les électeurs demain. Ainsi, je le crois, servirez-vous concrètement votre patrie comme vous l’affichez !