legislatives2014

Les élections législatives sont prévues pour la fin de cette semaine. Grâce à la base de données, désormais accessible sur nawaat.org , diverses lectures peuvent en être faites, sur la forme et sur le fond, mais aussi sur les forces en présence et les grands absents.

L’inconnu de ce scrutin est, pour sûr, les électeurs. Sont-ils plus soucieux de l’idéologie, de la ligne politique d’un parti, ou de la personnalité des candidats ?

Une forte abstention favorisera-t-elle les grands partis ou doit-on s’attendre à une participation massive ?

La réponse à ces questions sera la clé des résultats du scrutin du 26 octobre prochain.

Tunis 1 La circonscription Tunis 1 compte 46 listes. 32 représentent des partis, 8 listes indépendantes et 6 listes unifiées. Ainsi 414 candidats se disputeront 9 sièges.

Les favoris

Dans ces listes nous retrouvons quelques têtes de listes connus du grand public : Khalil Ezzaouia pour le Forum Démocratique pour le Travail et les Libertés (Ettakatol), Samir Bettaieb pour l’Union Pour la Tunisie, Ali Laarayedh pour Ennahdha, ou encore Moncef Cheikhrouhou pour l’Alliance Démocratique.

– Khalil Ezzaouia, numéro 2 d’Ettakatol, ancien ministre des Affaires Sociales en 2011 sous le gouvernement Jebali, élu à l’Assemblée Nationale Constituante en 2011 à Tunis 2. Ses errements communicationnels, depuis 2011 pourraient lui porter préjudice, auprès de certaines franges électorales.

– Samir Bettaieb, membre de l’Assemblée Nationale Constituante et élu du Pôle Démocratique Moderniste à Tunis en 2011 ; il se présente en tant que candidat de l’Union Pour la Tunisie, pour ces élections 2014.

– Ali Laarayedh, membre influent d’Ennahdha, ancien ministre de l’intérieur et ex premier ministre, il reste l’homme des basses besognes d’Ennahdha. C’est lui qui a saigné les hauts cadres du ministère de l’intérieur. C’est lui aussi qui fut l’homme fort du gouvernement, durant les assassinats de Chokri Belaid et Mohammed Brahmi. Il apparait, dans la conscience collective, comme celui qui a matérialisé l’échec de la Troika.

– Moncef Cheikhrouhou, membre du PDP, lors des élections de 2011, et élu à Tunis 1, Il est connu pour avoir hérité et dirigé le groupe d’Assabah à la mort de son père. Ancien membre du Conseil économique et social des Nations Unies, il est, actuellement, vice-président du Cercle des économistes arabes, il a également occupé le poste de vice-président de la municipalité de Carthage. Il est aujourd’hui candidat pour l’Alliance démocratique.

Les outsiders

Les outsiders de Tunis 1 se trouvent plus du côté des listes indépendantes, bien que certaines figures partisanes, moins connues, puissent créer la surprise. On pense, notamment, à Mehdi Rebai d’Afek Tounes ou encore à Abbes Mohsen, menant la liste destourienne unifiée.

– Mehdi Rebai, ancien membre du bureau politique d’Al Joumhouri, il a suivi Yassine Brahim, lorsque celui-ci a présenté sa démission. Homme de confiance de c dernier, il se qualifie de personnage « non médiatique », mais jouera, probablement, les trouble-fête, lors de ce scrutin, surfant sur la tendance ascendante de son parti.

– Abbes Mohssen, ancien maire de Tunis entre 2000 et 2010. Ancien ambassadeur au Yemen, au Brésil et aux Pays-Bas, il fut aussi secrétaire permanent du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), de 1995 à 1997, et membre du Comité central, dès 2008. Reconnu pour ses compétences et apprécié pour sa bonhommie, ses accomplissements, en tant que maire de Tunis lié aux nostalgiques de l’ancien régime, pourront faire de lui la surprise de cette circonscription.

– Leila Ouled Ali, candidate de Nidaa tounes et directrice du centre méditerranéen des énergies renouvelables. Bien que méconnue du grand public, elle pourra compter sur la force de rassemblement de son parti pour obtenir son sésame au Parlement. Sous les feux de la rampe, depuis cette fameuse photo du 14 octobre dernier, elle pourrait en payer le prix, au vu de sa récupération par les franges les plus conservatrices.

– Samia Abbou Hammouda, candidate du Courant Démocratique, et élue du CPR, à Nabeul en 2011, elle a été l’une des chevilles ouvrières de l’ANC, depuis son institution. Son omniprésence pourra lui assurer un poste au futur parlement.

Les challengers

La dernière place risque de se disputer très chèrement. Entre Amor Chtioui pour le Congrès Pour la République, Ahmed Seddik pour le Front Populaire, et, probablement, Yamina Zoghlami, seconde sur la liste d’Ennahdha, favorisée par le plus fort reste.

– Amor Chtioui, élu CPR à l’Assemblée Nationale Constituante, à Kebili en 2011, avocat chevronné et homme de confiance de Moncef Marzouki, ces chances paraissent infimes, même s’il peut glaner un nombre de voix, grâce à un discours populiste, auprès d’un électorat en mal de reconnaissance.

– Ahmed Seddik, porte-parole du parti Ettaliaa et candidat du Front Populaire. Il a été le premier à demander la dissolution des Ligues de Protection de la Révolution. Homme fort au sein de son parti, il bénéficiera surement de l’appui de la classe ouvrière.

– Yamina Zoghlami, élue Ennahdha à Tunis 1, en 2011, et présidente de la commission des martyrs et blessés de la révolution. A son actif, le fait d’être l’une des députées les plus assidues à l’Assemblée Nationale Constituante.

Tunis 2 La circonscription Tunis 2 compte 45 listes. 33 représentent des partis, 5 listes indépendantes et 7 listes unifiées. Ainsi, 360 candidats se disputeront 8 sièges.

Les favoris

Comme sur Tunis 1, et plus globalement sur le grand Tunis, les « grands partis » semblent être au rendez-vous sur la liste de Tunis 2. En effet, nous retrouvons des figures connues de l’Assemblée Nationale Constituante, à l’instar de Lobna Jeribi pour Ettakatol et Salma Mabrouk pour l’Union Pour la Tunisie. A leurs côtés, se trouvent d’anciens ministres post-révolution, à savoir Said Aydi pour Nidaa Tounes et Azzedine Bachaouch pour le CPR.

– Lobna Jeribi, élue Ettakatol à l’ANC en 2011, vice-présidente de la Commission du préambule, des principes fondamentaux et de la révision de la Constitution. Elle apparait comme le point fort d’Ettakatol, lors de ces élections.

– Abdelfattah Mourou, élu indépendant, en 2011, dans cette même circonscription. Celui qui joue au « je t’aime moi, non plus », avec Ennahdha, semble s’être fait une raison. Candidat du parti islamiste de ce scrutin, cet avocat apparaît comme le candidat idéal pour Ennahdha. Entre traditions et modernité, ses discours se démarquent des prises de position abruptes de son parti. Cependant, sa volte face et son rapprochement de Rached Ghannouchi, dont il est le conseiller personnel pour les questions d’intérêts générales, pourraient renverser la donne.

– Salma Mabrouk, élue Ettakatol, à Ben Arous, en 2011. Elle quitte son parti pour rejoindre le groupe démocratique au sein de l’ANC. Membre de nombreuses commissions, elle vient grossir les rangs de l’Union Pour la Tunisie qui compte sur son background, lors de ces élections.

– Said Aidi, transfuge d’Al Joumhouri vers Nidaa tounes, non sans avoir tout décapé sur son passage, cet ancien ministre de la formation professionnelle et de l’emploi en 2011, et chef d’entreprise reconnu, est une figure de proue de Nidaa Tounes. Sa jeunesse et son allant font de lui un candidat apprécié par les plus jeunes, bien que son arrogance agace de plus en plus tant, au sein de son parti qu’au dehors.

– Azzedine Bachaouch, ex-ministre de la Culture en 2011, tête de liste du CPR aux prochaines législatives. Cet historien, auteur du livre « la légende de Carthage », apporte le poids de son expérience, lors de ce scrutin.

Les outsiders

Le scrutin de Tunis 2 risque de se passer sans grandes surprises. Les partis « traditionnels » comptent, dans leurs rangs, des figures politiques ou des technocrates bien rôdés, qui ne laisseront que peu de chance aux listes indépendantes de croire en leur bonne étoile. La bipolarisation annoncée du scrutin entre Nidaa et Ennahdha laisse, fortement, présager le passage de leurs numéros 2 respectifs sur leurs listes. Les deux partis ayant, d’ailleurs, misé sur deux figures féminines en deuxième position de leurs listes : Aroua Ben Abbes pour Ennahdha et Bochra Bel Haj Hmida pour Nidaa Tounes.

– Aroua Ben Abbes, architecte d’intérieur de formation, semble être l’image parfaite du changement de stratégie de la communication d’Ennahdha, bien plus lisse qu’en 2011. Nouvelle égérie du parti islamiste et loin des stéréotypes islamisants, elle sera l’atout charme pour viser un électorat féminin progressiste, acquis à Nidaa tounes.

– Bochra Belhaj Hmida n’est plus à présenter. Avocate chevronnée, militante invétérée des droits des femmes, ex-présidente de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates, et candidate non élue pour Ettakatol en 2011 à l’ANC, elle a, toujours, un combat à mener. Se présentant, elle-même, comme la bête noire d’Ennahdha, la bataille qu’elle engage, à distance, avec son adversaire sera à n’en pas douter haute en couleurs.

Les challengers

Le dernier siège sera, lui aussi, très disputé, à Tunis 2. Si Lotfi Ben Aissa, candidat du Front Populaire, se distingue par sa connaissance du grand public, certains candidats pourraient jouer les trouble-fête. On pense à Yosri Dali du Printemps Arabe pour la souveraineté économique, à Leith Lakhoua pour Al Joumhouri, ou encore à Samira Chaouachi pour l’Initiative (el moubadara).

– Lotfi Ben Aissa, l’un des quatre experts ayant rédigé le programme économique du Front Populaire, apprécié par les médias pour ces analyses tranchantes. Sa proximité avec les citoyens sur le terrain fait de lui un candidat à ne pas enterrer trop vite.

– Yosri Dali, candidat du parti du printemps arabe pour la souveraineté économique, ancien directeur des études et du développement des compétences au ministère de l’Intérieur. Ce fin connaisseur des arcanes du ministère le plus secret, dont il a dévoilé les dessous, pourrait être l’une des surprises de ce scrutin.

– Leith Lakhoua, anciennement secrétaire général du PDP, à la Marsa, en 2011, cet homme d’affaire a peu de chances d’obtenir un siège. Cependant, la sympathie vis-à-vis de son parti, dans cette circonscription, pourrait le mener au Bardo.

– Samira Chaouchi, porte-parole du parti l’Initiative. Cette jeune femme dynamique portera le poids de son parti en allant à la conquête des électeurs nostalgiques de l’ancien régime. Le rattachement du chef de son parti, Kamel Morjane, à l’ancien président déchu, pourra lui être soit favorable, soit préjudiciable, auprès de l’opinion publique. Enfin, la candidature de la Liste Bourguibienne, menée par Ahmed Mansour, reprenant les mêmes principes que son parti, délitera, probablement, toutes ses chance de siéger au Bardo.

Dans ses deux circonscriptions, comme en 2011, il n’y aura pas ou peu de surprises.

Les choix forts des numéros 1 et 2, d’Ennahdha et de Nidaa tounes, laissent penser que ces deux partis croient, dur comme fer, en leur chance dans ses circonscriptions. Le CPR et Ettakatol semblent, quant à eux, moins privilégiés dans ces circonscriptions, leur image étant écornée par l’échec de la Troika. S’ils ne s’avouent pas, pour autant, vaincus, ils payeront chèrement leurs places dans une lutte acharnée, face à des listes plus homogènes et porteuses de renouveau.