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Par Fredj Lahouar, Maître-assistant à la Faculté des lettres de Sousse,

Monsieur le ministre de l’enseignement supérieur a usé de son pouvoir discrétionnaire pour me bouter hors de l’Université, juridiquement parlant pour cause de “limite d’âge”. L’argument aurait été imparable s’il avait été appliqué de manière systématique à tous les concernés. Or, sur les trois demandes de maintien en état d’exercice, concernant trois enseignants de la Faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, son Excellence a décidé, pour le bien de l’Université Tunisienne, d’en avaliser deux et de rejeter la troisième, en l’occurrence la mienne.

J’aimerais bien croire que le juste verdict de son Excellence, qui m’a privé, contrairement à mes deux collègues, de l’occasion de me présenter devant la commission de recrutement, et probablement d’une promotion bien méritée, est loin d’être arbitraire. Mais l’examen des faits incline à penser tout le contraire. Pour l’intelligence de cette “drôle d’affaire”, je rappelle que, pour jouir de la “faveur” d’être maintenu en état de service, après avoir atteint l’âge légal de la retraite, un enseignant de l’enseignement supérieur doit, entre autres, avoir obtenu le certificat d’habilitation.

Mais il semble que cette condition, en principe d’ordre scientifique, ait servi mes collègues et, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, ait été fatale pour moi. Il y a donc lieu de supposer que les dossiers de mes collègues comportent d’autres éléments “positifs” dont le mien, semble-t-il, serait dépourvu. Mais lesquels?

Pour tenter de voir un peu plus clair dans cet imbroglio “juridique”, je rappelle que, contrairement à l’une de mes deux collègues, je n’ai pas bénéficié précédemment de la faveur du “maintien en service” et, contrairement à mes deux collègues réunies, j’allais me présenter (si j’avais été maintenu), pour la première fois, devant une commission de recrutement. En toute bonne logique cartésienne, ces éléments auraient dû m’avantager et non me défavoriser au point d’autoriser son Excellence le ministre de m’éconduire, sans le moindre ménagement, comme un malpropre!

Si l’on partait du fait que la faveur du “maintien en service” est une forme de rachat, il faudrait admettre alors qu’elle ne pourrait, comme c’est en effet le cas partout où elle est de vigueur, être accordée à plusieurs reprises. Il en est de même du “redoublement”, considéré usuellement comme un critère invalidant pour les candidats aux concours nationaux et étrangers. Comment se fait-il alors que, contrairement à toute logique, seul mon dossier, qui est pourtant exempt de ces “tares”, ait été rejeté ?

Comment s’empêcher alors de penser, face à tant d’irrégularités, que la “malédiction” ministérielle, qui s’est abattue sur moi en particulier, ait été motivée par des considérations extra-universitaires? Il ne me revient pas d’en préciser la nature, mais il est évident qu’elles n’aient rien à voir avec les considérations scientifiques, académiques, pédagogiques et administratives usuelles. Je rappelle, à ce propos, que ma demande de “maintien en état d’exercice”, comme celles de mes collègues (je le présume tout au moins), a été appuyée par mon département, le conseil scientifique de mon établissement et le rectorat de Sousse.

Les interventions successives de messieurs le recteur de l’Université de Sousse, le doyen de la Faculté des lettres de Sousse et le secrétaire général du syndicat national de l’enseignement supérieur n’ont pas pu venir à bout des scrupules légaux de son Excellence le ministre. Ce dernier, fort de son droit exclusif, s’est décidé à rendre son verdict le 26 septembre 2014. Ordre fut donné donc de me mettre à la retraite à partir du 1 octobre 2014.

En contestant le “verdict” ministériel, qui m’a privé d’une promotion tant méritée (pour laquelle j’ai consenti plus de quatre ans de labeur), mon intention n’est pas de contester la “bénédiction” que son Excellence a si généreusement prodiguée à mes collègues. Mon intention est de souligner le fait que, compte tenu des considérations exposées plus haut, je n’ai pas été seulement privé d’une “faveur”, mais, bien plus grave encore, j’ai été frustré de ce que je considère, en comparaison des précédents en la matière, comme un “droit”. Vu la gravité du préjudice subi, son Excellence le ministre devrait tolérer que les victimes de son “bon vouloir” lèvent la voix pour lui demander de leur expliquer les raisons de son extrême rigueur à leur égard.

J’estime avoir été suffisamment explicite sur l’injustice dont j’ai été arbitrairement la victime et j’estime, pour cela, que mon affaire constitue un véritable cas de jurisprudence. C’est pourquoi je ne manquerai pas, après avoir épuisé toutes les démarches administratives pour être rétabli dans mon droit, de soumettre mon “affaire” à l’arbitrage du tribunal administratif. Je crois qu’il est de mon devoir également, pour éviter à d’éventuelles futures victimes les affres de l’amertume que j’ai endurées, d’attirer l’attention des instances compétentes sur la nécessité de codifier cette épineuse question de “maintien en état d’exercice” et d’éviter ainsi que l’Université et les Universitaires ne subissent l’arbitraire du pouvoir discrétionnaire des commis de l’Etat et n’en fassent les frais.

Cette mesure me semble nécessaire pour faire valoir la loi et rien que la loi. Cette dernière a ceci de particulier qu’elle ne s’acharne sur personne. Quand elle frappe – et c’est à cette fin qu’elle a été conçue -, elle ne se trompe jamais de cible. La faveur, par contre, est l’instrument par excellence de la passion et dégénère souvent, sinon toujours, en favoritisme. Il me semble que cette réflexion résume merveilleusement l’affaire que je porte aujourd’hui à la connaissance du grand public.