Que l’on mette cela sur le compte des aléas de l’apprentissage démocratique ou d’erreurs que les éminents juristes de l’ISIE n’ont pu éviter, le processus électoral des présidentielles ne commence pas sous les meilleurs auspices.

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Première incompréhension : le fait que l’Instance ait accepté d’examiner des dossiers a priori incomplets. Il en résulte soixante-dix candidatures (dont une trentaine d’ores et déjà rejetées), une profusion qui, de manière contingente, apporte une certaine désacralisation bienvenue de la fonction présidentielle.

Le second couac est plus préjudiciable en ce qu’il affecte l’image de probité de l’ISIE : le fait que des listes de parrainages mises en ligne pour être retirées aussitôt pour cause de divulgation de données personnelles (numéros de CIN) donne lieu aujourd’hui à toutes sortes de spéculations. Certains établissent une relation de cause à effet entre l’existence de doublons dans les signatures et le cafouillage de l’ISIE. Quoi qu’il en soit, l’instance devrait accorder 48 heures aux candidats fautifs pour rectifier leurs listes avant de prendre une sanction définitive dès mardi.

L’article 157 de la nouvelle loi électorale stipule qu’« est condamné à une peine d’emprisonnement de six (6) mois et à une amende de mille (1.000) dinars quiconque introduit, intentionnellement, des données fausses dans la requête d’opposition aux listes électorales ou dans sa demande de candidature », même s’il est peu envisageable que cette disposition soit en l’occurrence appliquée.

Règlements de compte tous azimuts

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La vie politique tunisienne ne sort pas grandie d’une semaine de polémiques entre Béji Caïd Essebsi, Rached Ghannouchi et Slim Riahi qui à 42 ans se paye le luxe de vilipender de vieux briscards de la politique. Déclarations des uns, contre-déclarations des autres. Concernant la fameuse “rencontre de Paris”, c’est en somme la parole de l’un contre la parole de l’autre, au moment où certains parrainages se monnaient entre 10 et 100 mille dinars à l’Assemblée.

Lors de la présentation du volet politique du programme d’Ennahdha mercredi, on apprenait que le parti souhaite prolonger le maître-mot du consensus à l’étape des cinq prochaines années, en invoquant l’idée d’un (énième) gouvernement d’unité nationale. Une idée qui commence à lasser les électeurs en général et les bases d’Ennahdha en particulier, d’autant que le très pieux Essebsi refuse désormais tout principe de coalition avec l’islam politique, un courant qu’il réduit à « l’utilisation de la religion en politique », au moment où l’islam est de plus en plus réduit au statut de référentiel dans la version tunisienne de l’AKP.

Un autre clash, fratricide celui-ci, opposait la gauche radicale du Parti des Ouvriers aux ultra radicaux de la gauche nationaliste du Watad Unifié. Le sit-in hebdomadaire pour la vérité dans l’assassinat de Chokri Belaïd s’est en effet transformé le 24 septembre en violente charge verbale de Zied Lakhdhar contre Hamma Hammami, accusé de bafouer la mémoire des martyrs de cette famille politique en acceptant les parrainages d’Ennahdha et du CPR.

« Ces parrainages ne nous engagent en rien », a lancé le leader du Watad pour qui la rupture semble consommée, avant de reconduire les plus virulents slogans anti Ennahdha, ceux que l’on n’avait plus entendu depuis 2013.

Cette rancune idéologique s’est traduite en milieu estudiantin par le délogement par l’UGET de l’ex ministre indépendant de la justice Nadhir Ben Ammou d’un amphithéâtre de la Faculté de droit de Tunis où il donnait cours. Le syndicat étudiant reproche au professeur de « s’être politisé » en se présentant en numéro 3 de la liste Ennahdha Tunis 1 aux législatives. Une violence inédite qui tend le climat de la rentrée et que « les UGETistes n’avaient pas osé employer contre des des profs RCDistes », s’indignent des activistes des concurrents conservateurs de l’UGTE.

Les incorrigibles

Le débat en prime time du 26 septembre sur Ettounsia TV fera date. Un choix éditorial controversé y a normalisé la présence d’Abir Moussi, l’ex avocate du RCD aujourd’hui au Mouvement Destourien, et surtout de Mezri Haddad, propagandiste attitré de la nostalgie de l’ancien régime, devenu interlocuteur comme un autre.

L’enseignement à tirer de ce qui s’en est suivi pourrait être la vanité de la ligne centriste ex PDP-Joumhouri prônant la non exclusion politique même limitée dans le temps. Comme l’ont prouvé d’autres expériences à travers le monde, seule la radicalité en la matière met à l’abri de des “fascismes structurels” au lendemain des révolutions.

Aucune introspection critique, encore moins une quelconque repentance vendredi. Mieux, le provocateur insultait le peuple entier à qui il réclamait des excuses. Une insolence inouïe, visiblement servie en état d’ébriété depuis l’exil parisien.

Cela dit, l’apologie de la dictature, dans son vrai visage le plus grotesque, peut aussi être une bonne piqûre de rappel au moment où Mondher Zenaïdi se prévaut d’être en tête du nombre de parrainages avec près de 60 000 signatures.

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Samedi, les « Tunisia Awards » donnaient à voir un autre visage, plus subtil, de la restauration de la « politique jet set » d’antan. Au moment où l’île de Djerba croule sous les détritus, le ministère du Tourisme faisait appel à Tarak Ben Ammar pour cet évènement mondain symbole d’une déconnexion snob entre les autorités de tutelle technocratiques et certaines réalités du secteur.