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La Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle a finalement tranché. Sur les 70 candidatures déposées, seulement 27 radios et télévisions privées et associatives ont obtenu leurs licences de diffusion. Sans compter la dizaine qui n’a pas déposé de dossier.

La liste des heureux élus a été annoncée dans un communiqué qui rappelle que ces « licences ne seront opératoires qu’après la signature des Cahiers des charges et la convention de licence ». Ainsi, 15 nouveaux arrivants rejoignent les 12 médias dont la Haica a validé l’autorisation provisoire concédée par l’Inric. Au total, 21 stations de radios et 6 chaînes de télévisions entrent dans l’arène avec pour mission d’apporter plus de diversité et de professionnalisme à un paysage médiatique sous influence.

Liste des radios et télévisions qui ont obtenu une licence

Radios privées
Saraha FM (Grand-Tunis)
Radio Med (Nabeul)
Kounouz FM (Sousse)
Ibtissama FM (Grand Tunis)
Radio Kalima (Grand Tunis)
Oxygène FM (Bizerte)
Sabra FM (Kairouan)
Oasis FM (Gabès)
Ulysse FM (Médenine)
Châambi FM (Kasserine)
Karama FM (Sidi Bouzid)
Télévisions privées
Attasiâa
Al Moutawasset TV
TNN
Telvza TV
First TV
Al Hiwar Ettounsi
Radios associatives
Radio Campus (en langue française): Grand-Tunis
Media Libre FM (Grand-Tunis)
Jerida FM (Tozeur)
Nefzaoua FM (Kébili)
Ici Kasserine (Kasserine)
K FM (Kasserine)
Radio Regueb (Regueb)
Dream FM (Kairouan)
La Voix des mines (Gafsa)
Radio 6 (Grand Tunis)

Triche, chantage et manipulation

On notera l’absence de Mosaique fm, Express fm, Cap fm et Jawhara fm, Nessma tv et Hannibal tv, de cette liste. Selon un membre de la Haica, ces médias auraient refusé de soumettre leurs dossiers en réaction à l’entrée en lice de nouveaux concurrents. Il semble que les anciens médias s’inquiètent du partage du gâteau publicitaire, ce qui explique aussi la pression et le chantage exercés par le Syndicat tunisien des dirigeants des médias (STDM) sur la Haica. Les nouveaux candidats, eux, jugent les critères de sélection trop sévères. On rappellera que ces critères sont essentiellement commandés par la transparence financière, la pérennité et la diversité du projet, ainsi que la conformité technique et professionnelle du média candidat. Dans ce sens, il semblerait que la majorité des médias-candidats aient opté pour la facilité en affichant une vocation généraliste ou musicale, ce qui ne contribue guère à la diversité souhaitée. A ces critères de sélection, s’ajoute la prise en compte, par le régulateur, du spectre des fréquences qui, comme nous le rappelions, déjà, sur Nawaat, est encore limité.

Dans le lot, il manque, également, Tounesna tv qui a présenté un dossier incomplet. Ettounsiya tv, Janoubia tv et Zitouna tv ont été, quant à elles, exclues, car dérogeant à l’article 9 des Cahiers des charges qui stipule que l’institution médiatique ne doit pas être “gérée par un responsable, un leader ou le membre d’une structure, dans un parti politique“. En effet, les patrons de ces chaînes sont Slim Riahi, Ayachi Ajroudi et Oussama Ben Salem, successivement, président de l’Union Patriotique Libre, président du Mouvement Tunisien pour la Liberté et la Dignité et candidat à la présidentielle, et enfin membre de Majliss Echoura du parti Ennahdha. En outre, la Haica a rejeté la demande d’une licence de diffusion d’Ettounsiya tv, déposée, non pas par son patron Slim Riahi, mais par l’épouse de Sami Fehri. Dans un précédent article, nous nous posions la question de savoir qui était le nouvel associé de Tahar Belhassine. Il s’avère donc que c’est Mme Fehri qui détient 45% du capital d’El Hiwar Ettounsi, ce qui lui interdit de posséder une autre chaine, comme le stipule l’article 7 des Cahiers des charges. En l’occurrence, Tahar Belhassine, le patron d’El Hiwar Ettounsi, risque, lui aussi, de se retrouver hors jeu, en continuant à flirter avec la politique.Par ailleurs, nous avons appris que les chaines Khomsa tv, Golden tv et Ulysse tv ont été également écartées parce qu’elles n’ont pas commencé à diffuser, depuis 2011, date à laquelle l’Inric les a autorisés à diffuser.

Des radios écartées jouent la carte du régionalisme et du social

D’ores et déjà, l’annonce officielle de la liste des médias autorisés suscite des réactions de colère qui jouent la carte du régionalisme et du social en prenant à partie les journalistes. Des commentaires de protestation, allant jusqu’à l’insulte, ont fusé sur la page facebook de la Haica. Parmi les protestataires, Achraf Kooli, fondateur de radio Sport fm ; et postulant, il y a quelques mois, au poste de PDG de la télévision publique. Un autre commentateur a fustigé l’exclusion de Syphax fm et Diwan fm pour la région de Sfax, trouvant ce rejet d’autant plus inadmissible que la région de Kasserine, elle, a bénéficié de trois licences (K fm, Ici Kasserine fm et Chaambi fm). De leurs côtés, des patrons et des journalistes de Ruspina fm, Horria fmMfm, Diwan fm et Sahra fm ont exprimé leur déception et leur étonnement face au rejet de leurs dossiers par la Haica. Platine fm, qui a rejoint les protestataires, s’avère inconnue au bataillon, car, cette radio n’aurait même pas déposé de candidature, tout comme Mayadine fm. Depuis mercredi matin, des journalistes de Mfm et de Horria fm observent un sit-in de protestation devant les locaux de la Haica, tandis que le directeur de Mfm, Hatem Jelassi, affirmait que les employés sont prêts à entamer une grève de la faim. En outre, les responsables de Ruspina fm, Light fm, Sahra fm, Mfm et Mayadine fm ont publié un communiqué où ils réclament «l’ouverture d’une enquête pour déterminer les critères adoptés par la Haica dans la sélection des candidats ». En revanche, silence radio, du côté des télévisions qui n’ont pas pas reçu d’autorisations.

Pourtant, le principe est clair : Qu’ils soient nouveaux, qu’ils aient été recommandés par l’Inric, en 2011, ou bénéficié d’autorisations acquises avant ou après 2011, les médias qui ne se sont conformés ni aux délais ni aux Cahiers des charges, n’ont pas été sélectionnés par la Haica. Il est même prévu que ceux qui continueront à diffuser risquent des mesures disciplinaires allant jusqu’à la suspension. Reste à voir si l’exécutif s’engagera, jusqu’au bout, à appuyer la Haica dans sa difficile mission de redressement du paysage audiovisuel tunisien. Même si, au vu des dérives politiques, il est à craindre que ce grand chantier de régulation médiatique ne soit une greffe qui ne prend pas.