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Nawaat a mis en ligne une séquence vidéo qui récapitule très bien la dernière conférence de presse du ministre Hakim ben Hammouda. Dans cette vidéo le ministre a fait une révélation qui me semble très importante : vers la minute 5:46 de ladite vidéo, ce dernier nous a informé que son ministère prépare une étude sur le rôle future de l’Etat dans le système bancaire.

Mais avec le FMI qui a fini par asseoir son droit-du-seigneur sur le pays et qui a commencé par insuffler graduellement sa doctrine néolibérale dans les arcanes de notre économie, il ne faut pas être un génie pour comprendre que les futures « recommandations » de cette étude sont presque totalement connues d’avance.

En effet, comme les directives viennent désormais du siège du FMI à Washington, je crois que les analystes du ministère n’auront d’autres choix que de prescrire une saignée abondante suivie par la camisole de force. C’est-à-dire, la recapitalisation des banques publiques suivie par une vague de privatisation tous azimuts couplée avec davantage de rigueur fiscale.

D’ailleurs, ceci s’est passé tellement de fois ailleurs (Slovénie, Pologne, Pakistan, etc.)  qu’il est difficile d’ignorer cette tendance et de penser que les choses se passeront différemment cette fois en Tunisie. En plus, il semble qu’en moyenne chaque dollar accordé par le FMI sous forme de crédit s’accompagne par une privatisation de ½ dollar de bien publiques. En d’autres termes, en accordant une ligne de crédit de 1700 millions de dollar à la Tunisie, le FMI s’attend (pour ne pas dire exige !) que l’Etat tunisien privatise un minimum de 850 millions de dollars de biens publics.

Cela dit, la privatisation à tout va n’est pas un modèle de développent économique. C’était au départ un outil politique utilisé par l’occident pour éradiquer les régimes totalitaires en réduisant l’Etat à sa forme irréductible. D’un point de vue économique, la privatisation constitue juste une condition nécessaire pour le bon fonctionnement du capitalisme sauvage basé sur la doctrine néolibérale qui valorise le capital (les multinationales, le monde de la finance, les gens les plus riches, etc.) au détriment du travail (vous et moi).

Mais le dogmatisme du FMI pour cette version du capitalisme est tellement fort que, malgré les échecs à répétition depuis plus de 30 ans, la privatisation est devenue la panacée de tous les maux économiques. Au point que si demain des extra-terrestres atterrissent au siège du FMI à Washington pour demander une solution à leur problèmes économiques, les arrogants « experts » de cette institution, vont certainement leur imposer un plan de sauvetage en trois points : (i) réduire le déficit budgétaire, (ii) libérer l’économie et (iii) privatiser les entreprises publiques en commençant par les banques même si sur cette lointaine planète il n’y a ni gouvernement ni banques ! En effet, pour le FMI la privatisation et la rigueur fiscale sont des vérités universelles immuables qui ne dépendent ni du temps ni de l’espace.

J’espère vraiment que j’ai tort, mais si le ministère va effectivement recommander la privatisation des banques publiques, ça serait alors une faute monumentale de la part du gouvernement. En effet, dans le contexte d’un pays qui cherche toujours un modèle de développement adéquat, les banques publiques sont indispensables pour mettre un tel modèle sur les rails. En plus, rien ne garantie que les intérêts d’un système bancaire totalement privé coïncident nécessairement avec la stratégie de l’Etat en termes de développement économique.

La situation économique actuelle de la Tunisie nécessite une sorte de plan Marshall pour que le pays puisse se redresser. Et à ma connaissance, ce plan, qui était le principal catalyseur des trente glorieuses, était l’œuvre de l’interventionnisme étatique et non pas une œuvre du secteur privé.

P.S : pour ceux qui croient que le FMI est le gentil Robin Des Bois des temps modernes qui nous veut du bien, merci de lire cette lettre de la comité de Bretton-Woods adressée au Congrès américain. Dans le premier paragraphe de cette lettre on lit : « Le FMI a toujours été un outil précieux pour faire avancer les intérêts des Etats-Unis d’Amériques à l’échelle mondiale ».