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Beaucoup de bruit pour au final pas grand-chose de concret. C’est en ces termes que l’on pourrait résumer la visite officielle de Mehdi Jomâa aux Etats-Unis, sorte de semaine d’échange culturel aux retombées plus symboliques que tangibles. Sur le plan national, à Monastir la ferveur autour du passé controversé de l’ex « despote éclairé » est supplantée par un présent sordide de guerre entre factions bourguibistes.

Au terme d’une semaine de lobbying, le Premier ministre obtient tout de même 500 millions de dollars en garantie de prêt US à la Tunisie auprès de la Banque Mondiale. Une somme qui aurait probablement pu être plus importante si ce n’était le troublant timing du rapport de la même institution mettant en garde contre un climat des affaires toujours entaché par le clientélisme et la corruption.

Une dégradation confirmée cependant par la Coface, une grande compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur qui a abaissé le 2 avril sa notation de l’environnement des affaires en Tunisie de A4 à B.

Lors de sa conférence de presse à son arrivée à l’Aéroport Tunis-Carthage, Jomâa, qui se gardait de tout triomphalisme, a rappelé que face au déficit structurel du pays, ces fonds devraient être destinés non plus à la consommation mais au développement et à la création de nouvelles richesses en région, via moins d’Etat et plus de PME.

Comme rien n’est jamais simple en matière de macro-finance, la somme elle-même (795 millions de dinars) est censée permettre à la Tunisie de contracter d’autres prêts à des taux d’intérêt préférentiels sur les marchés financiers. Au moment où les rumeurs se multiplient sur l’incapacité à court terme pour l’Etat de subvenir aux salaires de la fonction publique, la bouffée d’oxygène de la World Bank ne doit pas faire oublier que le pays continue sur la voie mi technocrate mi libérale de la dette qui paye d’autres dettes.

Sur le plan politique, la mesure la plus significative obtenue par le gouvernement Jomâa la veille de son décollage pour les Etats-Unis reste la levée du « warning » sécuritaire adressé aux ressortissants américains les enjoignant à éviter la destination Tunisie.

Mais au moment même où le chef du gouvernement exprimait son satisfécit en la matière, le ministère de l’Intérieur publiait dimanche un communiqué suite à une explosion accidentelle à Sfax, annonçant le démantèlement d’une cellule affiliée à Ansar al Charia suffisamment avancée pour confectionner des explosifs artisanaux.

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Le culte du « Père »

En cette journée de commémoration du décès d’Habib Bourguiba, les plateaux spéciaux se multiplient sur les chaînes de télévision privées où faire du chiffre rime avec nostalgie.

A Monastir, la situation n’était pas moins indécente aux abords du mausolée de l’ancien président : les commémorations tournent au pugilat entre partisans de divers rivaux politiques se réclamant du bourguibisme.

« Il n’est même pas sahélien et a servi Ben Ali durant toute sa vie ! », lance l’un des locaux à des représentants du parti de Hamed Karoui, fondateur du Mouvement Destourien. La lutte de récupération de la figure historique du « combattant suprême » est au centre d’une querelle politicienne entre Nidaa Tounes et le parti de Karoui qui s’illustrent sur le même créneau type droite nationaliste.

C’est ce même contentieux qui justifie selon certains le recrutement de Mohamed Ghariani par Béji Caïd Essebsi, histoire de damner le pion aux autres partis issus de la décomposition de l’ex RCD, quitte à en payer le prix en termes d’image.

Ce coming out RCDiste assumé fut par ailleurs cette semaine le motif déclaré de nouvelles menaces de démissions au sein de Nidaa Tounes, notamment celle du député Sélim Ben Abdessalem qui affirme ne pas pouvoir rester dans le parti si la composante RCDiste « tournée vers le passé » venait à dominer en interne.

A quelques jours du tardif passage au vote en séance plénière du code électoral, et alors que l’ISIE met en garde contre « les effets catastrophiques d’élections après la fin 2014 », le pays n’en a pas fini avec l’ombre d’une histoire récente qui, la vacuité politique aidant, fait du parti en tête des intentions de vote une école du patriarcat et de la servitude volontaire.