Zatla en Tunisie : Victimes de la loi 52, indignez-vous !

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En Tunisie, la pénalisation des stupéfiants est encore un sujet tabou. A l’exception de quelques journaux et une dizaine d’activistes, la question n’est pas à l’ordre du jour de nos politiciens qui ont promis, pourtant, justice et dignité aux Tunisiens. Les prisons surpeuplées de consommateurs de drogue douce ne semblent pas pousser les autorités à poser des questions d’ordre stratégique en termes de prévention et de réforme.

Cette herbe nommée « Hachich » ou cannabis a de tout temps était utilisée. Dans toutes les cultures, son usage est multiple allant de la médecine, à la cuisine, jusqu’à la fabrication de vêtements. Cependant, elle n’a jamais été jugée nuisible, jusqu’à l’apparition des lois répressives voulant contrôler sa consommation et son trafic. Les Etats-Unis, premier pays à instaurer ces lois, ont imposé petit à petit leur politique dans le monde entier. Le but était affiché dès le départ : réprimer les populations consommatrices de cannabis. Mais l’histoire a montré que cette habitude est tellement enracinée qu’elle n’a pas disparue ou diminuée malgré les pressions. Cette leçon est encore loin d’être comprise par le pouvoir tunisien qui continue d’appliquer une loi dépassée par le contexte interne et externe.

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Le code pénal condamne, à travers la loi 52 promulguée le 18 mai 1992, l’usage de la drogue. Cette loi prévoit aux infractions de détention, usage et commerce des substances toxicomanogènes un traitement qui déroge aux règles admises pour l’ensemble des infractions pénales. En effet, des dispositions spéciales et des sanctions spécifiques sont prévues par la loi pour les substances dites vénéneuses. Dans ce même texte de loi, le législateur établit la liste des produits considérés comme stupéfiants, maintient les sanctions vis-à-vis des consommateurs et des détenteurs pour usage personnel (art.4), introduit la sanction de la seule fréquentation des lieux de consommation (art.8) ; et en dernier lieu, confirme l’interdiction du bénéfice des circonstances atténuantes au profit des « contrevenants » en matière de stupéfiants (art.12).

Cette condamnation aurait été juste si la loi était appliquée convenablement. En effet, au SAMU, chaque jour, des dizaines de personnes, passent le test d’urine en présence d’un seul médecin et sous la surveillance musclée de la police. Plusieurs témoignages font office que les policiers tabassent et mouillent avec l’eau froide les présumés consommateurs pour les forcer à donner un échantillon de leurs urines. L’infraction à la loi est devenue la règle. Personne, sauf la police, ne peut vérifier que l’urine vous appartient. D’ailleurs, dans plusieurs cas, le test est négatif mais l’accusé reste,quand même, en détention et refait le test plusieurs fois, selon le bon vouloir du pouvoir exécutif.

Personne ne peut nier que le passage au test urinaire est devenu un élément essentiel de toute arrestation. Plusieurs ont témoigné que la police les a arrêtés dans le seul but de les faire passer le test et les condamner pour consommation de cannabis. « Cette pratique pousse les jeunes consommateurs à s’isoler encore plus. Il y en a même ceux qui passent des mois voire des années dans leur quartier ou chez eux. Plusieurs ont arrêté les études et ne cherchent plus de travail de peur d’être attrapés par la police de la Zatla », témoigne Hamza, un jeune architecte, en se rappelant de ses années d’université à Sidi Bou Said, où il a vécu l’humiliation de l’arrestation plusieurs fois. « A chaque fois qu’on nous arrêtaient pour vérification d’identité, les policiers nous sortaient cette histoire de zatla, de test et de « 3am we vispa » ( 1 an de prison et 1000 dinars d’amende ). Moi je n’ai jamais fumé, mais j’avais quand même peur. J’ai des amis qui ont arrêté carrément de sortir la nuit », ajoute Hamza.

Selon Ghazi Mrabet, avocat engagé dans la réforme de la loi 52, la majorité écrasante des affaires de consommation de stupéfiants contiennent un vice de forme. Cependant, la justice applique quand même la loi 52. Par exemple, alors que les procès verbaux sont rarement signés, une majorité d’accusés nient les accusations devant le juge. « Ce vice de forme est rarement pris en considération par la justice », explique maître Mrabet.

Plus facile que la prévention, la pénalisation devient la priorité du ministère de l’Intérieur qui n’épargne aucun effort pour réprimer au nom de la loi 52. Plus de 30% des prisonniers sont inculpés par ladite loi.

Le seul centre de désintoxication, le centre Espoir à Jebel Ouest, est fermé définitivement depuis 2011. La fermeture du centre a été justifiée par « des travaux d’aménagements » par le ministère de la santé, mais, visiblement, cette excuse n’est pas la bonne. Les spécialistes du domaine accusent l’Etat de vouloir sanctionner les toxicomanes voulant se soigner. Le centre Amal a accueilli, depuis sa création en 1998, 1500 patients dont 50% étaient des détenus. Aujourd’hui, un seul centre de prévention pour sortir de la dépendance est basé à Sfax. Il accueil à peine une soixantaine de patients pour des centaines de dossiers en attente. Cette réalité est totalement incompatible avec le besoin urgent de prévention mais surtout de dialogue. Selon des chiffres officiels, 90% des jeunes entre 10 et 18 ans sont consommateurs occasionnels de stupéfiants.

C’est là que réside le problème de la consommation de cannabis en Tunisie : Il n’y a aucune volonté politique de traiter le fond de la problématique. D’ailleurs, les défenseurs de la réforme de la loi 52 accusent le système en place de continuer à profiter de la situation. « La prévention coûte cher, par contre les amendes et la corruption autour de cette consommation ramènent des rentrées d’argent considérables aux policiers, aux avocats et aux juges », nous explique Ghazi Mrabet. En sa qualité d’avocat, il a témoigné de ses pratiques de corruption. « Les familles des détenus de Zatla sollicitent directement des avocats connus dans le domaine. Elles payent des sommes colossales pour la libération de leurs proches. Effectivement, la libération est souvent garantie quand la famille est riche. Et ce sont seulement les pauvres qui en subissent les conséquences. Les gens qui profitent de ce système corrompu et de la pénalisation sévère des stupéfiants seront les premiers perdants en cas de réforme de la loi », nous confie maître Ghazi Mrabet.

Durant les trois dernières années, la scène artistique et militante a compté une dizaine de prisonniers consommateurs de stupéfiant. Kafon, Weld 15, Mado, Slim Abida Yahya Dridi, Abdallah Yahya et d’autres chanteurs de rap, cinéastes et musiciens sont passés par la case « 3am we vespa ». La majorité de ces artistes font preuve, depuis des années, d’un talent remarquable et ont enrichi la scène artistique tunisienne. Suite à ces dizaines de procès, un mouvement social, « le prisonnier 52 », est en train d’être crée. Les fondateurs du mouvement sont des avocats, des activistes, des artistes et des citoyens qui visent « à réformer la loi 52 et à arrêté la répression policière au nom de lutte contre la toxicomanie », nous explique Amal Amraoui, jeune tunisienne fondatrice de « prisonnier 52 ».

Cette affaire de loi 52 prendra, visiblement, une tournure historique, très prochainement. Des militants, des juristes et des médecins sont de plus en plus nombreux à contester cette loi et son application. La Zatla sera-elle finalement libérée ?

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15Comments

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  1. 1
    Mariem

    Relecture, relecture… cet article aurait pu captiver mon attention si cette dernière ne fut pas constamment interpelée par toutes ces erreurs de grammaires, d’orthographe et de construction… navrée, mais je n’ai pas pu aller jusqu’au bout de ce massacre journalistique… Nawaat, vous nous avez habitué à mieux!

  2. 3
    Taher

    Quand vous dites “90% des jeunes entre 10 et 18 ans sont consommateurs de stupéfiants”, pouvez-vous citer des sources plus précises que “des chiffres officiels” ? Parce que très sincèrement, ça me parait un gros, même pour l’adage “plus c’est gros, plus ça passe”.

    Sinon, à part cette réserve que j’émets car elle nuit à la crédibilité de l’article, je suis d’accord sur le fond évidemment.

  3. 4
    Namouchi

    Je comprend pas pourquoi tu dis que les consommateurs de cannabis sont des “victimes” !!! victime de quoi mademoiselle ??. une victime est une personne qui subit un dommage, un abus ou un préjudice moral. j’estime que les consommateurs de cannabis sont un peu loin de tout ça, même loin tout cour d’être des victimes. le cannabis n’est pas super pour la santé, mais tel que le démontrent plusieurs études,le cannabis n’est pas pire pour la santé que la cigarette ou l’alcool. pour atteindre l’optique de ce que ta poussé ( tes convictions peut être “j’espère” ) a écrire cet article, je te conseil de commencer par ne pas considérer les consommateurs de cannabis par des victimes et renseigne toi avant d’écrire des choses pareil. la faiblesse de cet article est dans le fait que tu donne des statistiques sans donner des sources précises, un élément qui n’a pas servi a la crédibilité de ce que tu dis.
    tu n’a pas servi la cause.

  4. 5
    Ilyess

    Donc il faudrait dépénaliser l’usage des stupéfiants en Tunisie?
    La pénalisation des stupéfiants serait d’origine étasuniennes? Donc l’Islam le permettrait?’es
    Le canabis ne serait pas nocif? Allez demander aux internés psychiatrique en occident ce qu’ils en pensent.
    Aussi, une des raisons invoqués est que les pauvres en serait les victimes. Mais si ils sont pauvres comment peuvent ils se payer la drogue? Et 90% des jeunes en consommerait ce qui voudrais dire que 90% des 10/18 ans ont les moyens ce qui voudrait dire que les tunisiens aurait vaincu la pauvreté.
    Si corruption existe elle doit être combattu mais utiliser la corruption institutionnel en Tunisie pour autoriser par déplacement un problème de santé publique est bien dangereux.
    Je crois surtout qu’il ne s’agit que du nouveau caprice des bourgeois tunisois qui comme d’habitude n’en ont rien à faire de l’intérêt général et de se qui se passe vraiment dans le pays..

  5. 6
    bechir toukabri

    Voilà une opinion qui veut encourager les gens à s’oublier et à oublier le réel par la consommation d’une soi disant drogue douce, la zatlà. Vous oubliez que nous sommes une société sous développé et pauvre malgré les apparences. Nous devons être très éveillés pour nous battre, survivre et réussir. Avec votre opinions, vous êtes complice des grandes puissanc qui veulent nous endormir. Nous avons déjà les islamistes qui essayent de nous endormir avec “l’opium des peuples” qu’est la religion (l’Islam). Il faudraut que vous en rajoutez au nom bien sur d’arguments bidons comme la liberté. Croyez vous que les 800.000 chomeurs et les 25% de Tunisien pauvres ont les moyens de s’acheter de la zatlà pour trouver du boulot ou pour vivre?

    • 7
      slim

      Ll n’est pas question d’autoriser la consomation de zatla et d’endormir le poeuple mais plutôt de changer la loi. On pourrait par exemple réduire la paine d’un an de prison ferme à 1 an de prison avec surci et l’obligation d’assister à 10h de stage de sensibilisation sur la consomation du canabis. Et en cas de récidive, là, on pourra se permettre de faire rentrer la personne en prison ! De cette manière on epargne à minima les jeunes qui sont nombreux à avoir essayé et qui se retrouvent au final en prison. Je suis convaincu que la loi actuelle ne va jamais diçuader les jeunes mais au contraire, l’interdiction devient une incitation…

  6. 8
    Zatla en Tunisie : Victimes de la loi 52, indig...

    […] En Tunisie, la pénalisation des stupéfiants est encore un sujet tabou. A l’exception de quelques journaux et une dizaine d’activistes, la question n’est à l’ordre du jour d’aucun de nos politiciens qui ont promis, pourtant, justice et dignité aux Tunisiens. Les prisons surpeuplées de consommateurs de drogue douce ne semblent pas pousser les autorités à poser des questions d’ordre stratégique en termes de prévention et de réforme.  […]

  7. 9
    Florence Pescher

    Plusieurs rectifications s’imposent :
    1) Abdallah Yahya, Yahya Dridi, Slim Abida et Mahmoud Ayed ont été arrêtés pour des raisons politiques. C’est parce qu’ils ont dénoncé la corruption policière et mis en cause l’Etat, le système, les gouvernements post révolutionnaires, qu’ils sont incarcérés.
    Mais bien sûr, comme au temps de Ben Ali, la pratique est connue de tous, la façon la plus facile de faire taire des voix qui dérangent est de les accuser de consommation de cannabis. Depuis 5 mois donc, ces garçons sont incarcérés pour d’autres motifs que la consommation et qui ont été largement démontré par les avocats lors du procès.
    2) Même si on peut être d’accord avec les intervenants qui prônent l’injustice et la dureté de cette loi, il est parfaitement intolérable que l’affaire en question servent les intérêts de ceux qui souhaitent son abrogation. En d’autres termes, que ceux qui souhaitent faire changer la loi, ne le fassent pas sur le dos de ces artistes qui souffrent de l’image qu’on veut donner d’eux.
    3) quand à l’intervention de Souhail Bayoudh, on se demande ce qu’elle apporte comme point positif pour faire “soi disant” changer les mentalités… ses propos ne sont que des affirmations sans fondements et sans aucune caution scientifique qui, au contraire, colporte des préjugés et associent n’importe qui avec n’importe quoi. Non, la dépendance, qu’elle qu’elle soit n’est pas “dans la nature” de certains individus (sous entendu chez d’autres non) ; la dépendance est un phénomène qui peut toucher tout le monde. Non, le prétendu isolement, le refus de travailler n’est pas ce que l’on rencontre le plus fréquemment chez les fumeurs de cannabis. Et associer ce discours avec un exemple ” j’en connais un qui n’est pas sorti de sa chambre depuis 7 ans” est plus qu’une faute de communication. C’est à la fois se tirer une balle dans le pied pour ceux qui prétendent défendre le changement de la loi et des mentalités en ajoutant de l’eau au moulin ceux qui voit dans les fumeurs des parasites de la société dangereux … c’est aussi associer en citant le nom des artistes emprisonnés juste après dans l’article, provoquer des associations d’idées qui nuisent à la réputation des personnes. Non ces garçons ne sont pas des “fumeurs d’opium” image d’Epinal, assis sur leur matelas toute la journée, mais des gars qui bossent, qui créent, qui bougent et tentent de construire leur vie dans un milieu artistique où il est ici particulièrement difficile d’en vivre.
    4) Je ne comprends pas que Nawaat, qui a pourtant d’habitude une réputation de sérieux se fasse l’écho d’un tel discours en proposant cette vidéo et cet article et liens associés qui, parlent d’une affaire en cours de jugement et donc sous le coup, encore du secret sans prendre la précaution de protéger les personnes citées. Vous auriez dû vous contenter d’arguer sur la loi et seulement la loi, sur le changement possible de pénalisation de cette loi et ne diffuser que le seul intervenant Ghazi M’Rabet dont le métier d’avocat donne une légitimité à la défense de cette cause.

  8. 14
    jilani abdelaziz

    salut ; il faut bien dire que personnellement ,je ne fume pas le tabac depuis toujours avec des preuves , je ne consomme pas non plus le cannabis ? mon ex-femme transportait 70g de cannabis dans sa voiture , suite a une dénonciation .. et les interventions de x et y on m’a collé l’affaire avec mon fils , en décembre 2009 nous étions condamnés à 5 ans chacun pour consommations et 10 ans chacun pour trafics des stupéfiants + plus les amendes , j’ajoute que je suis solvable , travailleur et responsable . grâce à la magouille de l’ancien régime je souffre dans mon coin et plusieurs requête a était adressée au ministère de la justice n’a rien donné désormais je sais qu’ils sont très fort , ils les sont toujours . mort aux malfaisants et aux corrompus .

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