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Quasiment un an après la signature de l’accord d’un partenariat privilégié entre l’Union Européenne et la Tunisie et la mise en place d’un plan d’action pour la période 2013-2017, où en est on arrivé concrètement ? Face au silence du ministère des Affaires Etrangères et de la délégation de l’Union Européenne en Tunisie quant aux avancées de ce projet, étendons nous plus en détail sur la finalité de son contenu.

L’intégration économique et sociale doit reposer sur 8 piliers afin d’arriver in fine à un Espace Economique Commun. Ces 8 piliers mettent en avant plusieurs défis majeurs : la relance de l’économie ; une coopération en matière sociale poussée, un développement solidaire et durable. Enfin un denier défi apparait à la lecture de cet accord : le développement des liens commerciaux et économiques et la conclusion d’un Accord de Libre Echange Complet et Approfondi.

La relance de l’économie

Au vu de cet accord, la relance de l’économie de partenariat passe par plusieurs étapes :

  • Un cadre macroéconomique et des finances publiques optimales :

La stabilisation du cadre macroéconomique passe essentiellement par une croissance soutenue basée sur la capacité de l’économie Tunisienne à faire face à un environnement changeant, notamment en matière de paiement extérieur et de budget de l’Etat.

Ainsi la réflexion sur la gestion des finances publiques doit porter sur une réforme du système des subventions alimentaires et énergétique devant seulement toucher les catégories les plus défavorisées. Afin d’y parvenir, une gestion budgétaire par objectifs y est préconisée. Celle-ci s’appuiera sur une meilleure transparence en matière de budget prévoyant notamment la publication des résultats des opérations financières de l’Etat.

Par ailleurs, la recherche d’une meilleure équité fiscale y est prévue. Cependant, cet accord ne dit pas s’il s’agit d’une équité « horizontale » ou « verticale ». Un processus de modernisation de l’administration fiscale, à travers entre autres des formations professionnelles et l’informatisation du système d’information y est notifié.

Enfin, une meilleure transparence des procédures d’attributions des contrats publics doit être envisagée et cela, à travers un rapprochement des législations tunisienne et européenne en la matière. Ce rapprochement de législation vise une modernisation des procédures d’administration, de gestion et de suivi de l’exécution des contrats publics mais aussi la formation des agents chargés de contrôler la passation et l’exécution des contrats.

  • Gouvernance, compétitivité et environnement des affaires :

L’accord de partenariat prévoit la mise en place d’une stratégie de communication relative à la gouvernance basée sur des enquêtes de perception mais aussi sur une évaluation des politiques publiques. Une mise en place d’un système national d’intégrité y est mentionnée.

Par ailleurs, l’élaboration d’une stratégie de contrôle interne des finances publiques ainsi que le renfoncement d’un cadre législatif afférant y est indiqué. L’audit externe est aussi évoqué à travers le rôle de la Cour des comptes dont la capacité administrative et procédurale devra être renforcée en tant qu’institution supérieure de contrôle.

De plus, un rapprochement des méthodes statistique avec les normes européennes est prévu en vu d’améliorer les structures statistiques existant en Tunisie, notamment par la mise en place d’un label qualité des statistiques publiques.

La poursuite de la modernisation de l’administration publique est ciblée par cet accord de partenariat, par le biais de l’allégement des procédures administratives et son informatisation. Par ailleurs, un service de proximité aux usagers dans les régions, une meilleure formation des fonctionnaires et des mécanismes de dénonciation des actes de corruption sont aussi prévus.

En outre, dans le cadre de la compétitivité de l’économie tunisienne sont planifiées des reformes structurelles dirigées vers les secteurs à haute valeur ajoutée afin d’en accroitre la productivité. Ainsi une mise à niveau des secteurs industriels et agricoles s’impose. De plus, l’accord mentionne la nécessité de développement des investissements privés encourageant les privatisations des entreprises publiques.

Dans ce cadre, l’élaboration d’une loi-cadre sur le partenariat public-privé doit absolument être adoptée. Par ailleurs, la création d’une Instance nationale pour l’investissement avec la mise en place d’un fonds souverain pour celui-ci. Enfin le développement d’un partenariat entre les entreprises tunisiennes et européennes visant un transfert technologique est prévu et ce afin de favoriser la coopération entre les associations patronales des deux rives de la méditerranée .

Une réforme du droit des sociétés, le rapprochant du droit européen est attendu. Cela pose donc comme obligation la protection des actionnaires, l’élaboration de guides de bonne gouvernance mais aussi une reforme du registre du commerce et du système de publicité. Enfin, l’amélioration des mécanismes permettant la création de Petites et Moyennes Entreprises (PME) à travers un meilleur accès au financement est espéré.

Le développement régional et durable

Le développement régional est un des piliers de cet accord de partenariat. Afin d’y parvenir plusieurs mesures doivent être prises dans un premier temps : la lutte contre le chômage, la pauvreté et la précarité, mais aussi le développement des investissements dans ces régions. Dans un second temps, sont prévues la formation et l’amélioration des capacités locales afin de s’autogérer, conformément au modèle européen de développement régional, tout en tenant compte des spécificités locales. Pour parvenir à cette décentralisation si fortement désirée, des réformes institutionnelles, organisationnelles, financières mais aussi juridiques et réglementaires doivent être mises en œuvre; afin de donner pleinement naissance à une gouvernance locale.

Le développement durable, quant à lui, est présent tout au long de ce protocole d’accord. Ainsi, la réduction de l’impact sur l’environnement est à prendre en compte, tant au niveau des modes de transports qu’au niveau des infrastructures. Par ailleurs, une amélioration du cadre juridique est nécessaire, notamment concernant la gestion des déchets, la gestion durable des forêts, les actions de lutte contre la dégradation du littoral, la dégradation des sols et enfin la désertification. En ce sens, une meilleure mise en œuvre des moyens des structures de prévention et de contrôle de la pollution doit être édifiée. Avec au final, la nécessité d’un appui aux investissements « verts ».

Une coopération poussée en matière sociale

L’accord de partenariat prévoit 2 axes de coopération en matière sociale :

  • La réforme de la politique de l’emploi apparait comme primordiale au sein de cet accord. En effet, celui-ci prévoit la mise en place d’un dispositif d’aide à l’insertion professionnelle mais aussi une meilleure adaptation des qualifications aux besoins du marché du travail. En outre, une meilleure employabilité et une plus grande mobilité y est prévue sur la base de trois principes : la flexicurité qui consiste à concilier besoins des employeurs en matière de flexibilité de la main d’œuvre et ceux des employeurs en matière de sécurité du travail, la justice et enfin l’équité sociale.

Dans ce cadre, l’insertion des femmes et des jeunes diplômés chômeurs est une priorité.

Par ailleurs, la conclusion d’un nouveau contrat social entre partenaires sociaux doit être envisagée conformément aux objectifs de l’Organisation Internationale du Travail (OIT). A cet effet, le dialogue social au sein des entreprises doit être renforcé.

Enfin, le développement d’une législation en matière de sécurité et de santé au travail, ainsi qu’une stratégie de prévention des risques professionnels doivent avoir lieu.

  • Protection et sécurité sociale : L’accord de partenariat privilégié vise à la réduction du seuil de population se trouvant dans une pauvreté absolue ou du moins dans une situation de vulnérabilité afin de réduire les disparités sociales. Cela passe par l’inclusion sociale de ces personnes dans un marché du travail, qui leur est pour le moment fermé. Ainsi le rôle des structures sociales et de la société civile en la matière doit être favorisé, servant de relais à ces catégories. De plus, la généralisation de la couverture sociale et une meilleure protection sociale des travailleurs ayant perdu leur emploi doit être envisagé. Par ailleurs, une réforme du système de retraites doit absolument avoir lieu afin d’assurer sa pérennité. Enfin, la garantie de l’application du principe d’égalité entre ressortissants tunisiens et de l’UE en matière de Sécurité Sociale doit être appliquée.

 

Le développement des liens économiques et commerciaux et l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi comme préalable à l’Espace Economique Commun

A travers l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi les deux partis auront pour buts :

  • la suppression des obstacles tarifaires et non tarifaires

L’accord de partenariat prévoit la refonte du régime du commerce extérieur tunisien trop protectionniste et ce afin de faciliter les échanges.
Cette suppression touche plusieurs secteurs. La libéralisation du commerce des produits agricoles et de la pêche y est prévue. A cet effet, un rapprochement des législations tunisienne et européenne en matière sanitaire et phytosanitaire avec comme priorité l’hygiène et la traçabilité des denrées alimentaires et animales doit avoir lieu.

Quant aux produits industriels, une législation horizontale doit voir le jour en matière d’accréditation et d’évaluation de la conformité des produits. Cet accord place le développement des matériaux de construction et des produits électriques comme prioritaire.

En outre, la mise en œuvre de mesures douanières facilitant les échanges doit être de rigueur tout en renforçant la capacité institutionnelle de la douane tunisienne à travers des formations et l’assistance technique de l’administration des douanes européennes.

Enfin, est prévu le rapprochement des législations, mais aussi des échanges constants, en matières judiciaire et administratif et de droit de la propriété intellectuelle, afin de lutter contre le piratage et la contrefaçon.

  • Un meilleur accès des fournisseurs de services au marché et liberté d’établissement

Pour parvenir à un Espace Economique Commun, les conditions d’établissement des entreprises européennes doivent être facilitées. Dans ce cadre la mobilité des fournisseurs de services doit être simplifiée par la définition d’un cadre de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.
Le développement du secteur des services doit avoir lieu à travers plusieurs mesures, tels que la simplification des procédures administratives et la réforme des services financiers.
La réforme des services financiers doit consolider l’indépendance et l’efficacité des autorités chargées de superviser les marchés financiers tout en renforçant l’assise financière des établissements de crédit et en développant le système de garantie des dépôts bancaires. De plus, le développement de la microfinance dans les zones rurales est préconisé. Enfin, l’accord prévoit la mise en œuvre d’un cadre juridique afin de développer l’activité des agences de notation.
Par ailleurs, est attendue la mise en place d’une législation favorable à l’économie immatérielle source de valeur ajoutée et créatrice d’emplois tout en continuant de développer le commerce électronique.

  • Une politique de concurrence loyale :

Par politique de concurrence loyale, l’accord envisage l’adoption par la Tunisie de lois antitrust afin d’assurer une libre concurrence dans un marché ouvert, mettant fin aux monopoles et à l’entente sur les prix entre concurrents. Cela passe par une extension des pouvoirs du Conseil de la concurrence qui devra se rapprocher de l’idéal européen en la matière.

En conclusion, toutes ces réformes envisagées et prévues par l’accord de partenariat privilégié posent les jalons d’un futur Espace Economique Commun où la Tunisie comme l’Union Européenne tireront profit de ces échanges.

Cependant, les savants tunisiens comme européens relativisent la réussite d’un tel accord. En effet, bien que le cadre général de cet accord soit « gagnant/gagnant », les négociations particulières à chaque domaine et l’adoption de réformes y afférant seront décisives. Ainsi toute la teneure d’un tel accord tient dans la capacité consensuelle des deux parties à tirer profit l’un de l’autre sans pour autant arriver à une relation « dominant/dominé ».

Pour reprendre l’expression d’un député européen, cet accord prévoit : « assistance technique et financière tous azimuts contre libéralisation accrue de l’économie. L’Union Européenne veut faire de la Tunisie un partenaire économique exclusif et un complice de choix dans la future bataille économique internationale : l’Afrique. »

D’autres députés regrettent eux que cet accord couvre seulement le domaine de la libéralisation économique tout en omettant sciemment le volet humain. Pour eux, l’accord de partenariat privilégié n’est qu’un gain de temps pour l’Union Européenne qui tirera profit au maximum d’une Tunisie, qui à un moment ou à un autre « prétendra de droit à être membre d’une Union Européenne dont l’avenir se jouera de l’autre coté de la méditerranée. »