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Man works on a graffiti of Nelson Mandela in Portugal
Image: CNS photo/Rafael Marchante, Reuters.

Tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui.
Jean-Paul Sartre

L’hommage rendu à Mandela est planétaire et la Tunisie, le « Petit Pays aux trois Présidents » ne pouvait être en reste.
Dans une « saine » émulation, chacun des dits « présidents » y est allé de son hommage : M. Laârayedh, Président du gouvernement s’est fendu d’un jeu de mots digne des plus ludiques des slogans situationnistes : « Mandela était le leader symbole et le symbole du leader » ; M. Marzouki, Président provisoire de la République, spécialiste désormais de ce genre d’initiatives, a décrété le samedi 7 décembre jour de deuil national et la mise en berne des drapeaux au-dessus des institutions publiques et Mustapha Ben Jaâfar, Président d’une Assemblée Nationale Constituante dont la constitution se fait toujours attendre depuis deux ans, de surenchérir en ordonnant de mettre en berne le drapeau au-dessus de l’ANC non seulement samedi 7 mais aussi le vendredi 6 décembre ! Na !

Tant d’empressement et tant d’éloges auraient été touchants et crédibles, s’ils avaient été sincères et désintéressés et surtout s’ils s’étaient conformés à l’héritage moral du défunt… !

La grenouille et le bœuf

Même si comparaison, comme chacun le sait, n’est pas raison, mettons en parallèle l’œuvre de Mandela et les actes incohérents et désordonnés des dirigeants tunisiens actuels et plus particulièrement de Marzouki puisque le nain ose se mesurer au géant.

En effet, à la page 17 de L’Invention d’une démocratie, livre qu’il a commis aux Editions de la Découverte en avril 2013, le Président intérimaire pratique le name dropping, cette manie qui consiste à émailler ostensiblement son discours de noms de gens connus dans le but d’impressionner les interlocuteurs et affirme : « D’autres personnages m’ont marqué : Nasser […] ; de Gaulle […] ; Mandela, en raison de son combat, mais aussi de son incroyable capacité à pardonner à ses ennemis et à transcender la haine ».

Le combat

Mandela a mené une lutte d’abord pacifique puis violente contre le régime de l’Apartheid. Arrêté, avec l’aide de la CIA !, il est
condamné à perpétuité et a passé vingt-sept années de réclusion dans un horrible pénitencier sur l’île de Robben Island. Mais cet homme réservé et timide, malgré son immense charisme n’a jamais tiré gloire de cette épreuve…

Marzouki, après quatre mois de prison, part en France où il reste dans un exil doré, percevant 6000€ par mois en plus des royaux cachets d’AL-Jazeera et ne revient au Pays qu’après le 14 janvier 2011 : « A partir de 2006, j’étais à Paris. J’y ai vécu des années très difficiles, même si Paris est une ville magnifique, dont j’ai écumé tous les musées. » (Opus cité, p.28) La fatuité et la suffisance font encore écrire à Marzouki ceci : « …j’étais un professeur de médecine reconnu, en Tunisie et à l’étranger, j’étais l’ancien président de la LTDH : tout cela m’a sans doute permis d’échapper à la torture physique. J’ai toutefois immédiatement été placé en isolement et je peux témoigner que, pour passer quatre mois à tourner en rond dans l’équivalent d’un grand placard, il faut avoir les nerfs solides » (Idem, pp.20-21). Mais alors pourquoi ces nerfs si solides lâchent-ils si souvent depuis qu’il est le locataire du Palais de Carthage ?

Le pardon

Alors que Mandela, à partir d’un patchwork de groupes qui se haïssaient et se combattaient, a réussi à former une nation, Marzouki et consort sont en train de transformer une nation moderne, en factions qui se détestent, se déchirent et commencent déjà à se combattre : Islamistes, laïcs, salafistes, Sudistes, Sahéliens… Modernistes…

Alors que Mandela grâce la réconciliation et au pardon a réussi une transition paisible et a su mener son pays de l’Apartheid à une société normalisée et démocratique, les dirigeants tunisiens sont en train de détruire l’état et de préparer le lit à une dictature … théocratique.

Alors que Mandela, élu brillamment et démocratiquement, a exercé le pouvoir pendant quatre ans puis a refusé de se représenter permettant ainsi l’alternance démocratique, les dirigeants tunisiens ont été élus, par une minorité, de façon peu transparente et pour une période limitée…mais depuis, ils s’accrochent et ne veulent plus céder le pouvoir.

La haine transcendée

En lieu et place de la réconciliation, du pardon, du dialogue et de la nation « arc-en-ciel » de Mandela, Les dirigeants tunisiens parlent de revanche et de vengeance.

Que l’on pense au LPR, cette milice fasciste, à l’immunisation de la révolution…Que l’on pense aux déclarations de Marzouki, à ses invectives et ses menaces contre l’opposition…

Que l’on se souvienne du lynchage de Lotfi Nagdh, des assassinats de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi… que l’on se souvienne des policiers et des militaires sacrifiés par laxisme et négligence, à la justice des deux poids deux mesures …

Que l’on pense enfin au livre noir où Marzouki, l’ancienne victime de la dictature, l’ancien militant des droits de l’homme, l’intellectuel qui appelait de ses vœux à la création d’ une Cour Constitutionnelle Internationale, … s’empare d’archives et dresse des listes, s’improvisant ainsi historien, juge, justicier et corbeau délateur…

Il y a fort à parier que que Marzouki fera le déplacement en Afrique du Sud pour assister aux funérailles de Mandela et surtout pour enrichir son press-book et élargir son réseau…afin de mieux impressionner ses interlocuteurs et ses concitoyens lors d’éventuelles prochaines élections auxquelles il se prépare depuis le jour où il a mis le pied au Palais de Carthage . Pour ce, il a établi un plan de communication effréné et au lieu de se comporter en Chef d’Etat, il passe son temps à édifier sa propre légende et à sculpter sa propre statue.

Alors que Mandela est adoré par son peuple et respecté universellement, les dirigeants tunisiens actuels sont la risée de leur peuple et méprisés au niveau international.