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Le réseau européen


Sur le site du « European Council for Fatwa and Research (ECFR) », Rached Ghannouchi est mentionné jusqu’à ce jour comme membre. L’ECFR est un conseil d’élaboration des Fatwas constitué par le « Federation of Islamic Organisation in Europe (FIOE) », une organisation de tête fondée par trois mouvements des Frères Musulmans européens, dont celui en Allemagne « Islamische Gemeinschaft in Deutschland (IGD) », celui en France « Union des Organisation Islamiques de France (UOIF) » et celui en Grande Bretagne « Muslim Association of Britain (MAB) ». Le président de ce conseil est Youssuf Al-Qaradhawi, l’idéologue contemporain le plus important des Frères Musulmans toujours soutenu et promu par le Qatar. Dans maintes écrits, Ghannouchi montre une admiration inconditionnelle pour sa personne.

De même, Ghannouchi est membre de l’ « International Union of Muslim Scholars (IUMS) », présidé aussi par Youssouf al-Qaradhawi. En tête de sa Biographie sur le site de L’IUMS Ghannouchi est présenté entre autre comme membre de l’organisation internationale des Frères Musulmans.

La communauté islamique en Allemagne, « Islamische Gemeinschaft in Deutschland (IGD) »

Pour mieux comprendre la signification de l’affiliation de Ghannouchi à l’ECFR, soit d’en déduire son affiliation au regroupement international des frères Musulmans il s’impose de jeter un regard plus détaillé sur la composition de cet organisation tête. Très révélatrice est entre autre l’organisation allemande des frères musulmans, l’IGD, dont le premier président était le beau-fils de Hassan al-Banna, Said Ramadan. Banna fonda la confrérie en 1928 – il était le protégé de Rachid Ridha, troisième figure de salafisme réformateur pour changer dans les alentours de 1924 d’orientation idéologique vers le wahhabisme prôné en Arabie Saoudite (Redissi, Hamadi, 2007 : Le Pacte de Nadjd : ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam. Paris : Seuil ; Mitchell, R., 1969: The society of the Muslim Brothers. London: Oxford University Press, P. 5, 7f., 322, 325) Ensemble avec Sayyid Qutb et Muhammad al-Ghazali, Said Ramadan faisait partie du groupe isolationniste des Frères Musulmans, qui était contre le tournant modéré de Hassan al-Houdaibi. C’est à l’activité de Ramadan qu’est due l’implantation de la confrérie en Europe. Son premier escale était en Suisse ou il fonda le « Centre Islamique de Genève ». De là son chemin le mène en Allemagne ou il aide à fonder le centre Islamique de Munich, d’où sort l’IGD. Ce sera le point de départ pour la présence de la confrérie en Europe, surtout en France et en Grande Bretagne. Ce même Said Ramadan était en 1962 un des initiateurs de la création de la « Rabitat al-Alam al-Islami » (Muslim World Leage, MWL), une organisation transnationale, soit-disant non-étatique entretenue par l’Arabie Saoudite. Ses membres étaient des wahhabites, des néo-wahhabites, des salafistes et des néo-salafistes comme sont appelés les Frères Musulmans. Dans son groupe au sein de la Ligue se trouvait entre autre Sayyid Abul Ala Mawdoudi, un des théoriciens les plus importants des Frères Musulmans et fondateur de la Jamaat i-Islam pakistanaise, qui était le premier fondamentaliste sunnite après les théologiens Iraniens à concevoir une soit-disant « démocratie islamique » qui pourtant montre beaucoup de moments plutôt absolutiste.

Quand en 1979 l’Armée Rouge envahissait l’Afghanistan, le Pakistan, les États-Unis et l’Arabie Saoudite ont commencé à inviter des militants islamiques à venir participer à la guerre contre le communisme. Les différents dirigeants des pays arabes ont laissé partir leurs militants en espérant s’en débarrasser sans se salir les mains. C’était la « Rabitat-al-alam-al-islami » qui offrait directement et indirectement par une sous-organisation l’ « International Islamic Relief Organisation (IIRO) » l’assistance logistique et financière aux nouveaux arrivés. Le Frère Musulman Palestino-Jordanien Abdullah Azzam, le directeur de la Branche de la Rabitat à Peschawar et son compagnon de chemin Oussama bin Laden dirigeaient la centrale, ou la base, mieux connue sous le nom d’al-Qaida, où les jihadistes du monde entier venaient se retrouver avant d’être répartis sur les différents groupes de combat.

Actuellement au moins trois membres de la confrérie font partie de la « al-Hai´at al-3Alamiyya li-l-`Oulama´ al-Muslimin », l’organisation internationale des Oulama Musulmans, qui compte en tous 21 membres et est entretenue par la Rabitat (MWL): De la France on trouve Ahmad Jaballah, directeur de l’„Institut Européen des Sciences Humaines“ (IESH) à Paris, avant dernier président de l’UOIF et membre du ECFR; des États-Unis Muzammil Hussein Siddiqi, Membre du Majlis aschura, de l’ « Islamic Society of North America (ISNA) » qui est un membre de la confrérie américaine; de la Bosnie Dr. Mustafa Ibrahim Ceric, aussi membre dans le ECFR. (Muslim Worl League MWL, 2006 : International Organization For Muslim Scholars)

Dans ce contexte il est intéressant de savoir que le FIOE entretient plusieurs établissements d’éducation religieuse, soit l’ « Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) » au proximité de Chateau-Chinon en Bourgogne comme celui de Paris (France) et une troisième branche au Pays des Galles (Wales en Grande Bretagne); et l’ « Institut des Études Islamiques de Paris ».

Union des Organisations Islamiques de France (UOIF)

Selon Alison Pargeter dans son livre : « The Muslim Brotherhood from Opposition to Power », les deux organisations centrales qui ont constitué l’UOIF sont l’ Association des Étudiants de Islamique de France (AEIF) et le Groupement Islamique de France (GIF). L’AEIF avait été fondée en 1963 par le professeur Indien Muhammad Hamidullah destinée à regrouper un corps d’étudiant d’orientation religieuse spécifique. Hamidullah est considéré être un frère Musulman à cause de ses liens entretenus avec Said Ramadan, déjà mentionné plus haut, et le leader historique des Frères Musulmans Syriens, Issam Al-Attar, qui vit en exile en Allemagne à Aix-la-Chapelle. Le GIF lui a été fondé en 1979 par un groupe d’étudiants Tunisiens dirigé par Ahmed Jaballah, relié au Mouvement de la Tandence Islamique (MTI) qui plus tard à changer de nom pour devenir Ennahdha. (p. 140) La force motrice derrière le GIF à prédominance tunisienne s’avérait être le libanais Faisal al-Mawlawi, qui de son coté était très proche de la centrale de la confrérie au Caire. C’est en 1983 que les deux groupes ont pris la décision de fusionner et de créer l’UOIF. (p. 141)

Officiellement pourtant on recueille régulièrement des démentis que l’UOIF soit affiliée formellement à la confrérie comme alléguer par Ahmed Jaballah. De la même sorte Fouad Alaoui avance que l’UOIF n’entretient pas de lien organique à la confrérie, convient pourtant que l’idéologie poursuivie au sein de UOIF se couvre presque totalement avec celle de la confrérie et repose sur les textes de personnalités clefs des Frères Musulmans. Tareq Oubrou admettait qu’idéologiquement ils étaient des Frères Musulmans. Et effectivement les relations informelles ne font qu’accentuer le soupçon. Soit Faisal al-Mawlawi, Rached Ghannouchi et Mahfoudh Nahnah (Frère Musulman Algérien). En Plus Ahmed Nachatt, un des premiers présidents de l’Union était marié avec la fille de Mustafa Mashour, un des guides suprêmes de la centrale en Égypte. De même il en est du lien intense qu’entretenait al-Qaradawi à l’UOIF. Certes une certaine autonomie des différentes branches est envisageable et s’impose probablement par la différence du contexte national, pour autant l’affiliation idéologique n’est nié par personne. Tout compte fait Fouad Alaoui admettait qu’il rencontrait régulièrement Dr. Hassan al-Huwaidi, l’adjoint du Mourched. Un autre membre de l’Union admettait que l’UOIF poursuivait une ou deux fois par an des rencontres au sein du tanzim international. (p. 146-152)

L’Association des Musulmans de la Grande Bretagne « Muslim Association of Britain (MAB) »

Le premier groupe affilié à la confrérie qui s’est constitué en Grande Bretagne en 1961 portait le nom « The Muslim Student’s Society (MSS) ». En 1962 le second groupe voit le jour : « The Federation of Student Islamic Societies (FOSIS). En 1964 Said Ramadan fonde « The Islamic Centre in London) ». Ramadan entretenait d’intenses relations avec les membres du FOSIS. En 1970 « The Muslim Welfare House » voyait le jour. Le MSS à abrité un grand nombre de personnalités exposées de la confrérie, dont le fils de Hassan al-Banna, Saif al-Islam, et différents guides suprêmes comme Hamid abou Nasser, Moustapha Machour, Dr. Hassan al-Huwaidi et Hassan al-Turabi. Le Frères Musulmans Dr. Kamal Helbawi avait donné dans les années 1970 une série de conférences au MSS.

Le MAB lui pourtant à été fondé dans le contexte de mise en place d’un organe médiatique de la confrérie à Londres, la métropole des grandes stations de diffusion arabes. Pour réaliser ce but, le mentionné Dr. Hilbawi avait été chargé de la tache et désigné porte parole en Europe. La détermination à fonder le MAB en 1997 a du survenir à la suite de désaccord avec le guide Maimou al-Houdaibi. But de cette nouvelle organisation tête était de rassembler tous les adhérents à l’idéologie de la confrérie sans se montrer renfermé sur d’autres groupements sœurs à conviction comparable. Bien entendu Helbawi niait tout lien institutionnel à la confrérie. Les personnalités engagées dans le MAB pourtant étaient connues pour leurs affiliation. A coté de Helbawy, on note Azzam Tamimi, membre de la confrérie Jordanienne et auteur d’un livre sur Rached Ghannouchi, puis Anas Tikriti, fils du dirigeant de la confrérie Irakienne. (A. Pargeter, p. 152-162)

C’est en 1989 que l’IGD, l’UOIF, le MAB ensemble avec des organisations sœur de différents pays de l’Europe se mettent ensemble pour fonder l’organisation tête, la « Federation of Islamic Organisation in Europe (FIOE) », de siège à Markfield, Leicestershire, en Grande Bretagne, abritée sous le toit de l’« Islamic Foundation », une fondation de la Jamaat-i-Islam pakistanaise de Abul ala Mawdoudi. En 1997 le FIOE établit le «European Council for Fatwa and Research (ECFR)» présidé par Youssouf al-Qaradawi, dont Rached Ghannouchi est mentionné jusqu’à ce jour comme membre titulaire.

Rappelons en plus que Ghannouchi est membre titulaire de l’ « International Union of Muslim Scholars (IUMS) », présidé aussi par Youssouf al-Qaradhawi, ou son affiliation au réseau international de la confrérie est franchement évoqué.

Ghannouchi, le disciple de Yousouf al-Qaradawi

À Qaradawi, Ghannouchi a dédié tout un livre : « Al-ouasatiyya 3inda Youssouf al-Qaradhaoui » (La voie du juste milieu chez Youssouf al-Qaradhaoui). Dans celui-ci il présente avec grande admiration et sans la moindre critique les grand traits de l’idéologie de Qaradhaoui, banalisant totalement ses positions extrémistes et laissant sous-entendre une adhérence inconditionné.

Sachant qu’entre 1954 et 1956 Qaradawi avait purgé une peine de prison pour avoir milité dans les cercles des Frères Musulmans en Égypte. Bien que depuis il n’a cessé de nier son affiliation à ce groupe, son enchevêtrement à la confrérie est ostensible. Son importance pour les Frères Musulmans se laisse déduire du fait qu’il a été demandé deux fois de suite d’occuper la plus haute charge de la confrérie, soit celle du Murchid 3Am, ce qu’il a à chaque fois refusé. La dernière fois en 2002 avec pour excuse ne pas vouloir être le leader d’un seule groupe mais celui de tout les musulmans. (Bettina Gräf, 2010: Medien-Fatwas@Yusuf al-Qaradawi. Berlin, P. 113ff.) Encore en 2004, Qaradhawi a émis une «fatwa» qui permet de tuer des intellectuels musulmans critiquant l’islam comme s’ils étaient des apostats. Quand Farag Fouda, un homme pieux mais critique à l’égard des Frères Musulmans, qui selon lui ne faisaient qu’instrumentaliser la religion pour exercer du pouvoir, a été tué par des extrémistes, Qaradhaoui s’est empressé de souligner la légitimité d’un tel acte. (Besson, Sylvain, 2002 : La conquête de l’occident : Le projet secret des islamistes. Paris, p. 92) À part cela, il a prôné le «tawhid», le pilier central du Wahhabisme, l’introduction de la charia, des châtiments médiévaux, la préconisation du jihad en Syrie etc. En quoi ces dernières positions que Ghannouchi omet de mentionner sont modérées reste douteux.

Dans son livre « Al-harakat al-Islamiyya wa masalat at-taghyir » (Le mouvement islamique et l’affaire du changement) qui a été publié à nouveau en 2011 Ghannouchi fait la louange à Hassan al-Banna, à l’Iran post Khomeini et au Soudan. Qutb, Mawdoudi et Banna sont mentionnés comme des écrivains exemplaires qui ont donné de bons dispositifs à se servir de la force pour faire tomber les états laïques injustes et dresser le pouvoir islamique. (p. 30)

Bilan

Que les organisations qui adhèrent à l’idéologie de la confrérie ont cherché au court de l’histoire à cacher leur affiliation à la secte polite-religieuse n’est pas du tout surprenant, tenant compte que la majorité de leurs membres était recherchée dans leurs pays natals et que la chance augmentait surtout dans les cercles des immigrés musulmans en Europe à attirer de nouveaux adeptes s’ils se montraient plus discrets sur la vraie nature de leur idéologie qui cherche en vérité à retourner les musulmans au moyen âge pour pouvoir se fournir une base absolutiste aisée à contrôler. À la suite des attentats du 11 Septembre 2001 la pression perçue augmentait encore plus, suite aux soupçons subvenus chez les services de renseignement sur la nature de leurs implications dans le terrorisme global.

Finalement cette stratégie de double face les a mené au pouvoir en Tunisie comme en Égypte. Pour dévoiler leur buts réels il suffit d’étudier minutieusement leurs écrits, tirer le bilan de deux ans d’Ennahdha, puis lancer une énorme campagne de démystification. Pour libérer la Tunisie de leurs poignée il n’y aura pas d’autre moyen qu’à les exposer à la force pacifique mais concentrée et déterminée du peuple. Une nouvelle dictature qui a recourt à l’arbitre, à l’oppression et à la torture comme en Égypte actuellement ne peut plus jamais être une option. En même temps au peuple revient la tâche de rester vigilent à l’encontre des forces de la contre-révolution, de ne pas perdre la vue d’ensemble et de ne pas se laisser entraîner dans un engrenage de violence. En fin de compte de ne pas perdre le souffle et de garder confiance au propre jugement.