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Après trois ans d’expérience révolutionnaire en Tunisie, les demandes de changement ne manquent pas, provenant de catégories sociales différentes et de diverses familles politiques. Depuis le 14 janvier 2011, le pays débarrassé de son dictateur, vit un changement radical dans son activisme politique.

Ce processus peut continuer à se faire dans la complémentarité avec les autres pays du printemps arabe. Néanmoins, les enjeux de la participation citoyenne à l’échelle locale sont nombreux. Il s’agit de l’implication des citoyens à l’aménagement de leur cadre de vie, à la gestion des villes, à leur reconstruction à travers les processus de rénovation ou de renouvellement urbains, ou encore à la gestion durable des collectivités locales.

Il est important que les habitants soient considérés comme les experts de leur cadre de vie et qu’ils soient amenés à participer aux décisions qui les concernent. Ainsi, les décisions sont plus « légitimes » lorsqu’elles sont élaborées par les citoyens, ou lorsque ceux-ci sont consultés lors de la prise d’une décision concernant leur espace de vie commun. Par ce fait, l’action publique peut être sensiblement améliorée puisque la décision prise résulte à la fois du savoir expert et de celui des citoyens.

Il est en effet aisé de saisir l’apport de ce savoir, plus particulièrement à un échelon local. En outre, la politique menée par la suite sera davantage révolutionnaire car les habitants auront pu faire entendre leur voix durant ce processus. Cela favorisera également l’acceptation de la décision par les citoyens. Assurément, suivre un modèle de démocratie participative pour mettre en œuvre une politique publique, c’est donc faire le vœu de s’assurer qu’elle soit davantage acceptée par ses destinataires ce qui permet d’anticiper un éventuel conflit entre les décideurs et ces derniers.

En plus de cet objectif politique, on identifie également un objectif social à la participation citoyenne. Cette démarche permet d’encourager les interactions entre les décideurs et les habitants mais aussi entre les citoyens. L’enjeu est de créer via ces espaces de débats, un lien social entre voisins par exemple, difficilement réalisable dans un système politique déficitaire dans lequel nous vivons depuis un bon moment. Dans notre contexte postrévolutionnaire, la démocratie participative permet de poursuivre un objectif épistémologique visant à promouvoir un renouveau politique, une alternative au système représentatif existant qui semble avoir atteint ses limites.

Les démarches participatives replacent le citoyen au cœur du processus décisionnel en redistribuant le pouvoir. Elles permettent également de développer une culture civique et l’intérêt des citoyens pour la chose publique. Les démarches participatives font face à plusieurs défis qui peuvent très rapidement prendre la forme d’obstacles. Cette démarche suppose la reconnaissance de l’esprit citoyen.

En effet, dans le cas d’une politique publique visant l’aménagement du territoire, les habitants ne disposent pas nécessairement des connaissances techniques requises pour prendre certaines décisions. Pour certains décideurs, il est donc inutile de demander l’avis de ces mêmes citoyens puisqu’ils ne sont pas capables de produire une opinion emprunte d’un savoir technique propre à l’urbanisme. En outre, les citoyens sont rarement conscients des contraintes juridiques, techniques et économiques qui sous-tendent un projet, ce qui hypothèque la réalisation concrète de leur proposition. Pour contrer ces difficultés, il est indispensable que les experts et les autorités s’adressent au public citoyen dans un langage compréhensible par tous.

La valeur du savoir de l’usager est à aborder sous un angle particulier. Il s’agit du savoir découlant de l’usage quotidien du territoire, savoir auquel les décideurs ont difficilement accès sans la mise en place d’un processus participatif. D’autre part, il serait dangereux de s’arrêter au présupposé que le citoyen serait uniquement capable de produire un savoir d’usage résultant de sa situation particulière.

Il faut croire en la capacité du citoyen à produire un avis concernant des enjeux plus larges et à la validité de l’ensemble de son savoir. En outre, il ne suffit pas d’ouvrir le processus d’élaboration des politiques publiques à la participation citoyenne pour la rendre effective, il est indispensable de croire en la plus-value de ce savoir et de l’utiliser à sa juste valeur. Ouvrir le processus de décision aux citoyens, c’est aussi accepter que certains d’entre eux évoquent en priorité une situation individuelle, pas forcément représentative de l’ensemble. C’est également accepter que la discussion soit emprunte d’affects, de ressentis ou parfois de colère.

La difficulté pour les citoyens sera dès lors de s’impliquer personnellement tout en dépassant leur intérêt individuel pour au final favoriser l’intérêt général. En amont des écueils présentés, le manque d’intérêt des citoyens pour ce type de procédure est criant. La participation constatée à de tels dispositifs lorsqu’ils sont mis en place est très faible. Ce phénomène peut s’expliquer par le contexte politique en crise. Ce cynisme ou ce découragement envers la chose publique est d’autant plus exacerbé dans les quartiers défavorisés qui ont perdu toute confiance en un système politique ne répondant pas à leurs besoins. C’est pourquoi, on peut dire qu’il est erroné de définir la démocratie par les institutions qui la portent aujourd’hui, et par seul le principe de la représentation, certes fondateur.

L’extension de la participation des citoyens est effectivement une voie intéressante, porteuse d’une nouvelle philosophie de l’action publique, un retour aux fondamentaux même, puisque toute démocratie (dêmos crâtos) repose sur les principes de participation active et de délibération.