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Les événements qui se précipitent dans notre pays mettent chaque jour davantage l’accent sur une vérité incontournable : il nous faut non pas une démocratie formelle relevant de la pensée classique, mais une démocratie réelle, donc plurielle, car capillarisée à l’échelle nationale.

Le mouvement actuel du Front populaire a du bon en ce qu’il attire l’attention sur la nécessité de la démocratie directe en notre pays, ce dont ni ses partenaires ni les adversaires d’en face ne veulent. Ce qui est compréhensible, puisqu’ils ont les uns et les autres une conception classique de l’État, autoritaire et centralisé.

Aussi, si le Front populaire aura tort de trop compter sur Nidé Tounes dans sa stratégie de rendre le pouvoir au peuple, il aura encore plus tort de ne pas aller jusqu’au bout — pacifiquement comme de bien entendu — de sa propre logique d’une démocratie locale où les responsables seraient les élus du peuple dans la région. Ceux-ci constitueront ainsi le futur contre-pouvoir local à celui d’un gouvernement et d’une assemblée qui ont pris la grosse tête, abusant de la confiance relative et provisoire dont ils avaient bénéficié en un blanc-seing permanent pour tous les excès.

Le pouvoir central, actuel comme futur, doit être relativisé dans le sens d’une véritable autorité à créer dans les régions avec laquelle le centre, autorités de l’État comme élus du peuple — ces autorités et élus lointains —, sera appelé à composer. Car ce sont les représentants locaux du peuple, plus proches et plus connaisseurs des réalités locales, qui sont les mieux à même de représenter les intérêts de leurs concitoyens régionaux dans un État habitué à privilégier des régions et des minorités de citoyens sur d’autres.

Aussi, si le gouvernement en sursis veut sortir de la crise actuelle la tête haute, qu’il appelle instamment ses gouverneurs à organiser des assises populaires dans les circonscriptions régionales avec ce qu’elles comptent de représentations de la société civile.

Si le pouvoir veut servir la démocratie naissance, qu’il agisse pour une démocratie locale, la seule à même de gérer les intérêts de la Tunisie profonde, notamment les régions les plus défavorisées, tout en les défendant à l’échelle centrale. Car, aujourd’hui, le pouvoir des partis n’est plus rien devant la puissance du peuple.

Si l’Assemblée entend servir l’ensemble du peuple, elle ne reprendra ses travaux qu’au lendemain de l’instauration rapide de ces nouveaux pouvoirs populaires régionaux et locaux, instauration qui se fera exceptionnellement, eu égard aux circonstances, par consensus, mais qui, plus tard, sera le résultat d’élections uninominales. Ainsi revitalisera-t-on la représentation nationale essoufflée en quittant les sentiers battus de la démocratie formelle pour une refondation démocratique en notre pays qui soit directe et populaire.

Et si les élus du peuple parlent sérieusement de légitimité sans aucune autre considération, surtout mercantile, qu’ils renoncent immédiatement à leurs émoluments, privilèges et avantages, acceptant de servir leur pays bénévolement. C’est alors et alors seulement qu’on leur accordera volontiers le droit de rester à leur place le temps qu’il faudra.

Car, dans les futures élections locales, il faudra édicter une règle d’or pour tout candidat à un poste d’élu, à savoir qu’il n’aura aucun traitement ni indemnité, son service devant se faire bénévolement, pour l’amour du pays et l’honneur de son service. Ainsi et ainsi seulement éjectera-t-on du champ de la politique les profiteurs, ceux qui n’y viennent que pour faire fortune, tout en y attirant les compétences véritables, tous ceux qui ont le sens de la patrie. Et ils existent bien plus qu’on ne le croit !

Si la troïka tient vraiment au respect de la volonté populaire, qu’elle adhère à cette formule de démocratie directe et qu’elle l’encourage à l’échelle locale et régionale dans le cadre des assises précitées pour la désignation (ou tout autre forme issue d’un compromis dans l’attente d’une future élection) de comités locaux représentatifs réellement du peuple dans sa diversité.

Si le Front populaire et Nidé veulent le bien du peuple, qu’ils appellent à une suspension immédiate des lois liberticides de l’ancien régime qui servent la dictature morale de l’actuel pouvoir, autorisant une justice bien injuste à faire étalage de son rejet des libertés et du droit à l’impertinence, règle de base de la démocratie.

S’ils veulent le bien du pays, qu’ils appellent à l’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne, seule hypothèse crédible dans l’immédiat de nature à permettre au pays de sortir de ses sous-développements économique et politique en créant une perspective grosse d’espoir et de motivations pour que l’on retrouve confiance en l’avenir du pays. Or, c’est ce qui manque le plus, et aucune politique économique ne peut réussir sans un minimum de confiance.

C’est à cette condition sine qua non que les autorités tunisiennes, quelles qu’elles soient, devraient accepter l’arrimage de la Tunisie au système économique libéral ; sinon, elles se doivent d’opter impérativement pour un modèle économique social qui soit en symbiose avec les intérêts du plus grand nombre et non les intérêts d’une minorité, combien même elle se targue d’être la seule en mesure de créer des richesses.

Car la plus grande richesse du pays reste l’être humain ; et sa condition humble exige une économie de solidarité dans l’immédiat, sauf une intégration à l’espace européen qui alors, avec les perspectives réjouissantes d’avenir, pourrait justifier et compenser les sacrifices demandés au peuple qui les acceptera volontiers.

Si les futurs dirigeants tunisiens veulent donc l’intérêt du pays sur le long terme, qu’ils osent suivre le sens de l’histoire et poser officiellement l’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne dans le cadre d’un espace de démocratie méditerranéenne auquel ils appelleront dans le même temps. Et pour maximiser les chances de leur initiative, qu’ils proposent aussi, au nom de la place que la Tunisie a dans le mouvement, la création d’un espace francophone de démocratie pouvant impliquer activement, pour l’un et l’autre espace, la France sur le territoire de laquelle réside le plus grand contingent de nos ressortissants expatriés.

Si tous les partis incarnent réellement les désirs du peuple, qu’ils énoncent clairement la souveraineté populaire en Tunisie en exigeant la rupture avec la politique de complicité actuelle de lutte contre l’émigration clandestine qui est tout à la fois immorale, inefficace et meurtrière, étant source de drames humains effroyables à nos côtes, qu’aucune conscience libre ne devrait plus tolérer.

Qu’ils énoncent solennellement le droit du Tunisien à circuler librement sous couvert d’un visa biométrique de circulation qui est tout aussi respectueux des exigences sécuritaires occidentales que le visa actuel tout en étant en stricte conformité aussi bien avec les valeurs des droits de l’Homme et de la dignité humaine que le droit international aujourd’hui bafoué. Et surtout, il est en harmonie avec l’exigence de dignité de ce que fut la Révolution tunisienne.

Si tous les partis de la scène politique tunisienne veulent vraiment d’un islam tolérant en notre pays, d’espaces de sécurité à nos frontières et d’un lac de paix et de prospérité en Méditerranée, qu’ils annoncent officiellement leur credo que l’islam en Tunisie ne peut être qu’humaniste et universaliste, en absolue conformité avec les canons de la démocratie et ses valeurs universelles.

Qu’ils agissent aussi en vue de militer, à l’échelle internationale, pour la vulgarisation de cet islam paisible comme un axe éminent de la politique étrangère de la Tunisie, inspirée par la vraie religion arabe et non la forme altérée et caricaturée qu’en donnent certains pays versant dans l’intégrisme et le fanatisme.

Et qu’on arrête donc de chercher à nous distinguer des autres, nos sœurs et frères dans l’humanité, par l’entretien en nous de la haine et de l’exclusion de notre prochain, juste parce qu’il est différent de nous. Qu’on cultive plutôt une spécificité qui serait bien plus conforme à ce que nous sommes au vrai, faite de tolérance à toute épreuve et d’ouverture sans restrictions aux valeurs les plus humanistes.

Si et seulement si on prend en considération ces exigences et on daigne y satisfaire, alors on aura démontré réellement avoir compris ce que demande le peuple et ce qu’il dit à ses élites toutes tendances confondues : stop à la démagogie !

Si et seulement si on accepte la seule légitimité comme étant celle du peuple et que celle-ci est un impératif de vérité, alors on aura compris qu’il est temps de stopper toute démagogie.

Si et seulement si on fait la politique pour servir le peuple et non pour se servir, alors on arrêtera sans plus tarder la culture de la démagogie.

Si et seulement si… mais le peuple ne se satisfait plus de si ni ne vit pour des si, même si ses élites ne peuvent s’en passer. Il veut des actes concrets ; que ces politiques apprennent donc, avant qu’il ne soit trop tard, à vivre enfin sans verser dans la démagogie.

Alors, Mesdames et Messieurs les politiques, arrêtez de faire les gamins ! Respectez le peuple et stoppez enfin votre démagogie ! Elle ne fait que vous rendre pour le moins ridicules aux yeux de ce peuple qui est bien plus mûr que vous ne le soupçonnez.

Mesdames et Messieurs les politiques, soyez enfin aussi dignes que votre peuple ; ne l’entendez-vous donc pas vous crier à tue-tête : Stop à la démagogie !