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Le déficit de liberté dans la société musulmane

Assez déjà il à été parlé de liberté politique, de liberté de poursuite juridique arbitraire et des limites de la liberté. À mon avis il devient grand temps d’aborder ces aspects de la liberté auxquels tout le monde pense mais que peu jugent être sage d’articuler publiquement. Permettez-moi dans ce sens de lancer tout de suite au début quelques questions sur la scène pour y réfléchir ensemble :

Pourquoi avons-nous besoin d’un contrôleur qui veille à ce que nous soyons de bon musulmans ?

En quoi une personne au pouvoir, surtout s’il serait un calife qui règne absolument, ou encore un président autocrate, serait plus apte, plus intègre, plus lucide, plus dévoué à Dieu, pour lui permettre de contrôler ou évaluer notre religiosité ou notre choix de ne pas l’être ?

Pourquoi tant de personnes sont-elles convaincues que tout les maux de nos sociétés se laissent résoudre en renforçant la conception de la famille traditionnelle ? N’est-ce pas cette conception qui assemble deux personnes qui n’avaient pas la chance de tester leur compatibilité qui est la cause centrale pour le taux élevé de familles en désarroi ? Tant de pères de famille qui noient leurs frustrations dans l’alcool pour finir par succomber à la violence ne manquent pas nécessairement de valeurs, mais sont la victime de coutumes caduques qui les surmontent et qui font se dérober le sol sous leurs pieds. Pour ne pas parler de la femme, qui dans nos sociétés a encore moins de moyens d’échapper à ce fardeau contre nature. Il est intéressant de noter que Youssouf al-Qaradawi, l’idéologue suprême de la confrérie contemporaine des Frères musulmans, exigeait que la femme supporte son destin comme un acte de djihad suprême. Même si un couple se respecte mutuellement il n’est pas nécessairement compatible sexuellement ; est-il condamné à vivre une vie inaccomplie ? Une revue de notre patrimoine littéraire dévoilerait pourtant beaucoup de surprises sur la réalité des pratiques sexuelles, même celles admises par les femme, bien entendu à la dérobée. Nous nous trouvons face à une culture tissée autour d’un rideau épais de bigoterie ou de souffrance insupportable, et tout cela non pour mieux servir Dieu, mais au seul service d’une masculinité déséquilibrée qui rêve en permanence de la femme fatale, libre, extravagante, autodéterminée, mais de peur d’être trompé entreprend tout pour criminaliser la sexualité féminine. Quel crime contre la nature humaine ! Je recommande pour le commencement la lecture de Mansour Fahmy, « La condition de la femme dans l’Islam ».

Comment pouvons-nous exiger d’autres cultures de respecter nos spécificités religieuses alors que nous leur refusons l’égalité dans nos systèmes ?

Sommes-nous vraiment convaincus que le danger d’être trahi ou escroqué par un musulman soit plus faible que de l’être par un non musulman ? Pourquoi tant de musulmans cherchent-ils asile dans les pays des « mécréants » s’il suffit d’avoir à faire à des musulmans pour recevoir justice ?

À quoi sert d’adjurer la cohésion sociale si le seul souci des membres d’une société s’épuise à avoir besoin de l’autre pour lui demander une faveur et à réduire ses propres efforts ? Quel nostalgie tirons-nous d’une société traditionnelle qui ne nous jette sans cesse que des pierres sur le chemin ? Avons-nous tellement peur de nous-mêmes, de notre nature, que nous préférons nous exposer à des châtiments non qualifiés d’une société en désaccord avec elle-même, que de faire confiance à notre raison ?

Est-ce qu’un enfant a vraiment à supporter n’importe quelle injustice de ses parents pour le simple fait d’avoir été procréé par eux ? L’enfant n’a-t-il pas aussi bien le droit de réclamer une bonne éducation, de la chaleur humaine, de l’assistance et d’être gardé à l’abri des violences contre son physique et contre son âme ? Le fait de grandir gardé n’est-il pas le meilleur garant pour pouvoir développer un sens de justice et de l’affection volontaire envers ses parents et envers la société toute entière ? Est-ce qu’un enfant qui à été exposé à l’arbitraire, qui avait sans cesse à mentir pour se dérober de petits privilèges ou de l’affection, sera capable lui-même d’être juste envers les autres et de développer un caractère franc et incorruptible ?

John Stuart Mill, plus que jamais d’actualité, ne laissait dans son ouvrage sur la liberté pas de doute sur le fait que le génie ne pouvait respirer que dans une atmosphère de liberté. Mill était absolument convaincu que Dieu, s’il était vraiment de la grandeur et de la miséricorde que les êtres lui accordent, ne pouvait apprécier des êtres mis au pas, rabougris comme des arbres en les faisant ressembler à des animaux ou des formes géométriques les privant de leur apparence naturelle. À son avis Dieu a muni tout être de certaines spécificités qu’il puisse cultiver et développer, ce qui est bien plus conciliant que de les exterminer ou de les éradiquer. De cette façon l’être pourra ressentir de la joie en se rapprochant de jour en jour de son idéal. À maintes reprises Mill insiste sur la nécessite d’éduquer des êtres forts en caractère, non des poltrons et des hypocrites. Pour lui le degré de liberté devait même être capable de supporter l’athéisme, en faisant référence à maints philosophes qui ont établi des valeurs morales de validité universelle bien qu’ils ne connaissaient pas le monothéisme et d’autres qui connaissaient le christianisme et le rejetaient. Il donne à considérer combien le monde perd d’esprit lucides qui n’osent pas articuler leurs pensées par peur d’offenser les conventions religieuses ou morales établies dans une société. Ainsi Socrate, un des philosophes les plus exposés et méritant de l’Humanité, à été condamné par les autorités de sa société à boire le calice à venin pour athéisme et immoralité. Son crime consistait à avoir nié l’existence des dieux grecs et à avoir enseigné à la jeunesse sa philosophie progressiste. Dans ce sens Mill insistait pour désigner que les représentants du peuple ne possèdent pas d’omnipotence pour les doter du pouvoir de décider pour leurs concitoyens de ce qui est présumé être juste ou faux.

Voltaire, un des philosophes les plus distingués de l’ère des Lumières, ne se lassait pas d’avertir que « La morale n’est point dans la superstition, elle n’est point dans les cérémonies, elle n’a rien de commun avec les dogmes. » En effet, pour Voltaire les dogmes étaient l’ouvrage d’hommes faillibles et se contredisaient assez souvent avec la loi naturelle établie en chacun de nous par Dieu.

On ne peut trop répéter que tous les dogmes sont différents, et que la morale est la même chez tous les hommes qui font usage de leur raison. La morale vient donc de Dieu comme la lumière. Nos superstitions ne sont que ténèbres. Lecteur, réfléchissez : étendez cette vérité ; tirez vos conséquences.

(Dictionnaire philosophique. Folio Classique, 2009, p. 409)

En effet, changer de perspective, diriger le regard vers d’autres cultures, non seulement dans l’espace mais aussi dans le temps, nous sensibilise à mieux discerner entre prohibitions raisonnables et prohibitions absurdes qui ne font que tuer en nous le souffle de la créativité. En bref, partout dans le monde nous pouvons contempler de différents modèles de conception sociale ; la majorité d’entre eux jouit de normes plus libres, plus étendues que celles vécues dans le monde musulman, sans pour autant avoir à se passer d’une intense cohésion sociale (si celle-ci commence à se délier, cela est dû en premier lieu au renforcement du matérialisme non accompagné de liberté intellectuelle). Au début du XXIème siècle nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le fait que la négligence, depuis bientôt un demi millénaire, de toute activité scientifique et philosophique à haut niveau, surtout dans les institutions traditionnelles de l’Islam, a non seulement causé notre retard mais étouffe toute étincelle de vie chez nos jeunes, surchargés de restrictions et d’attentes de la part des parents et de la société, ce qui empêche non seulement leur propre développement mais en conséquence celui de tout le reste de la société. Certes, ici ou là, nous comptons de plus en plus de penseurs musulmans qui ont pris la charge de corriger ce déficit éclatant ; malheureusement leurs efforts ne paraissent pas être parvenus à envahir les bastions de l’islam traditionnel, qui en plus s’obstinent à résister à introduire dans leur curricula les écrits des philosophes non islamiques, la sociologie moderne, l’histoire critique, creusant ainsi de leur propre main la tombe de l’islam, quand ils ne se font pas complice du fondamentalisme islamique, soit du salafisme et du néo-salafisme des Frères musulmans.

Il est tout à fait évident que nos sociétés sont confuses ; il est même compréhensible que certains refusent la soi-disant modernité occidentale, car la seule qu’ils aient jamais connu ne pouvait être satisfaisante. Que ce soit au Maroc, en Algérie ou même en Tunisie, la seule modernisation significative que ces sociétés aient connue se réduisait selon certains observateurs au comportement de consommation, alors que la structure patriarcale a été, à part quelques retouches superficielles, conservée dans son état traditionnel. Le penseur syrien Adonis se plaignait avant les renversements : Aujourd’hui nous nous contentons, d’adopter les acquisitions occidentales, et cela seulement comme un moyen pour aboutir à un but restreint, soit nous faciliter la vie quotidienne. Finalement il ne s’agit que d’une modernité « instrumentale », d’une modernité technique, de l’adoption fonctionnelle de la modernité de quelqu’un d’autre, et de rien de plus. Sous Ben Ali, selon Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi, les efforts du gouvernement pour ne pas perdre le soutien de la classe moyenne s’épuisaient à importer le modèle de consommation occidentale en Tunisie. Selon un universitaire qu’ils citent, Ben Ali aurait dit, évidemment ironiquement, à ses concitoyens : « Vous pouvez manger, boire, consommer, baiser autant que vous voulez, mais ne faites pas de politique. » Le journal L’Express résumait : « Tais-toi et consomme » (Notre Ami Ben Ali, p. 150).

En revanche rien n’a été entrepris pour déplier une modernité intellectuelle. D’un coté la tradition génuine, et surtout celle de la masse démunie qui ne se discernait de celle de la classe moyenne que dans l’apparence, était considérée comme inférieure à celle de l’Occident, rencontrée avec dédain, parfois même plus que n’auraient osé le suggérer les colonisateurs français. Sauf qu’en conséquence ce complexe de valeurs et d’habitudes n’a jamais été vraiment exposé à un débat national constructif pour discerner les valeurs qui méritent d’être conservées, dont effectivement il n’y a pas peu, ou celles qui s’avèrent être caduques, soit avoir pesé le pour et le contre avec différenciation. Plutôt, on les a préservées dans leur totalité, juste pour préserver le bénéfice de l’aspect autoritaire qui s’avérait être utile à un État qui ne voyait pas d’intérêt à générer des personnalités émancipées et autodéterminées.

Dans toute l’Afrique du Nord les observateurs pouvaient constater énormément de jeunes, par manque d’explications rationnelles et idéelles de leur motifs et des contradictions auxquels ils se voyaient confrontés, finir par se rebeller contre la génération des parents en usant d’arguments peu convaincants comme la violence, en succombant à la petite délinquance, l’abus d’alcool et des drogues ou en agonisant les femmes dans la rue ou à la maison. En Algérie on pouvait observer à la veille des soulèvements de 1988 que la génération des parents n’avait pas de réponses à la désorientation de ses enfants ; elle était tout à fait paralysée à l’égard de leurs problèmes. Ces parents assez souvent analphabètes n’étaient pas du tout préparés à donner à leurs enfants l’assistance nécessaire correspondant aux exigences d’une perception plus moderne de la vie. Le seul souci des mères se réduisait à vouloir les marier ; les pères s’ensevelissaient en silence. Par conséquent, à un moment donné on pouvait observer en Algérie qu’un important nombre de jeunes qui se voyaient confrontés à des problèmes non résolus, comme chômage, désorientation sexuelle, perte de sens de la vie et excès de drogues ou d’alcool, consultaient des psychologues. Ces psychologues en général, pourtant, n’étaient pas prêts ou capables de leur venir au secours. Ainsi un jeune homme, Rachid, 29 ans, sans emploi, qui a été interviewé par Meriem Vergès, rapporte : « Je souhaitais obtenir quelques conseils. Mais le psychologue me répondait : ‘Ne pense pas trop’ » (Meriem Vergès. “La Casbah d’Alger : Chronique de survie dans un quartier en sursis”. Exils et Royaumes : Les appartenances au monde arabo-musulman aujourd’hui. Ed. Gilles Kepel. 1994, p. 79) C’est exactement dans ces cas précis que le FIS savait prêter assistance. Il savait générer une nostalgie de dynamique de groupe. À la suite de la prière à la mosquée il faisait distribuer du thé et du gâteau. De plus, des excursions étaient organisées aux alentours d’Alger au cours desquels les jeunes pouvaient jouer au football et faire du camping en compagnie de personnes qui se souciaient l’une de l’autre. Bien entendu les frères étaient tout oreille pour écouter les problèmes des jeunes. Pas peu avaient l’impression d’avoir trouvé le vrai frère à la mosquée. (Meriem Vergès, p. 81ff.) Malheureusement ils n’avaient pas de réponses convaincantes pour remédier à long terme aux nécessités de ces jeunes désorientés ; pire, ils cherchaient à les corriger en adjurant tous ces coutumes génuines ou importées qui sont à l’origine du malaise de nos sociétés. En plus l’idéologie qu’ils diffusaient ne faisait qu’approfondir le fossé entre modernistes et islamistes, soit classe moyenne et classe démunie, en se noyant en haine contre le monde extérieur perçu comme exclusivement hostile.

En réalité, décisif pour aboutir à une haute cohésion sociale n’est en définitive pas un maximum de restrictions, mais un maximum de liberté individuelle accompagnée d’une révolution intellectuelle, d’une nouvelle vision du monde, d’un codex de valeurs adapté et d’une nouvelle perception de soi-même, de sa propre estime, afin de trouver repos et en conséquence force en soi-même pour affronter l’avenir. En plus, une vraie démocratie vivante où le citoyen est impliqué dans un travail dynamique de la société civile, où son avis et ses préoccupations comptent vraiment et où celui-ci se trouve effectivement représenté par les décisions de son gouvernement.

En Tunisie une partie considérable de la société et surtout des jeunes ont acquis un niveau intellectuel qui n’est plus prêt à rester derrière un clergé capturé dans le Moyen Âge, non moins derrière une génération d’aînés pseudo-conservatifs qui ne s’est pas toujours tenue aux règlements de sa propre religion quand il s’agissait de sécuriser ses intérêts et non plus derrière une petite partie exclue du processus de développement. Si nous ne voulons pas avoir à excuser une nouvelle dictature par le manque de maturité intellectuelle d’une partie de la société pour pouvoir bâtir une démocratie, la société civile n’a d’autre choix que de corriger les manquements du passé et de déclencher une campagne d’information, soit dans les médias soit au sein même de la famille, et d’exercer de la pression pour engager les institutions religieuses à se réformer. Seule un maximum de liberté responsable et accompagnée d’une éducation ample et critique, liberté d’articulation, liberté d’information, liberté de former des associations, liberté de constituer des partis politiques, liberté de constituer des syndicats et la liberté individuelle avec sensibilisation pour la responsabilité sociale sont aptes à déclencher le développement, la prospérité économique, la satisfaction et la dignité. Effectivement l’esprit de nos jeunes est bloqué, violé, déchiré et étouffé par des conventions caduques. Au lieu d’inventer, de créer, de voler comme un oiseau libre, cette jeunesse doit lutter contre ses plus simples instincts naturels, contre une famille qui dispose sans cesse d’elle et contre une société qui l’examine sans arrêt sans rien lui donner en revanche.

En plus de cela je suis absolument convaincue que le néolibéralisme fixé sur le libéralisme matériel et bien moins sur le libéralisme culturel et intellectuel ne pourra lui aussi être surmonté que par un plus de liberté individuelle et intellectuelle, soit de savoir, d’information, de philosophie, d’histoire, de débats, etc. Si nous enseignons déjà à l’école que la liberté de l’un s’arrête là où la liberté de l’autre commence (d’ailleurs une maxime bien internationale pour repérer les limites raisonnables de la liberté que l’on trouvait déjà chez le philosophe chinois Confucius, dans le christianisme, chez Kant et différemment formulé en Islam : veux pour ton prochain ce que tu veux pour toi-même) ; si nous traitons les différents philosophes aux avis complètement contradictoires et que nous élucidons en plus comment tels ou tels chercheurs ont abouti à ces convictions, par quelles méthodes, en vue de quelles circonstances historiques ou conflits sociaux ou empreintes personnelles ; si nous avions le courage d’aborder l’histoire de l’humanité, la nôtre incluse, sans chercher à cacher les fautes comme les mérites ; les futures générations apprendrons à raisonner, à réfléchir sur le sens et la portée des choses et seront prêtes à porter responsabilité délibérément sans contrainte. La où en Occident les peuples ont été convaincus de la nécessité de devoir mener des guerres comme en Irak ou en Afghanistan, ou en Russie d’intervenir en Tchétchénie, n’est pensable que parce que l’opinion publique a été exposée à une manipulation médiatique, à une désinformation à haute échelle. Rare pure méchanceté est la seule raison qui mène un peuple à vouloir agresser un autre peuple. En général l’agression émane d’un désir de vouloir ou de devoir se protéger d’un danger réel ou d’un danger construit par des démagogues qui poursuivent leurs propres intérêts. Et malheureusement même dans les pays mères de la démocratie nous pouvons constater une régression du niveau d’instruction au niveau des lettres, comme une partialité des médias qui dernièrement n’a pu être amortie que par l’information non censurée librement accessible dans le World Wide Web. En quelque sorte la civilisation qui s’est développée au sein des sociétés démocratiques occidentales touche elle aussi à une limite qu’il devient nécessaire d’outrepasser. Leurs démocraties ont pris de l’âge et ne répondent plus suffisamment à la prise de conscience d’une nouvelle génération bien informée, à vision globale et à orientation plutôt sociale. Le capitalisme déchaîné ou en revanche le protectionnisme sur crédit sans base économique et non proportionnel au développement industriel, en même temps qu’une élite corrompue et des systèmes d’éducation encore loin de servir l’idéal d’une société intellectuellement libre, sont leurs comme nos défis pour l’avenir. Reste à espérer que l’effondrement économique comme vécu par la Grèce n’engendre pas la montée de fascismes qui rejetterons tout développement en arrière. En même temps nous pouvons constater les premières lueurs d’un mouvement correctif. Comme en Afrique du Nord et dans les pays arabes, partout dans le monde nous constatons la montée d’une nouvelle génération bien informée, encore minoritaire mais de plus en plus perceptible et convaincante, encore à la recherche d’un nouveau modèle de démocratie plus représentative et plus sociale, comme Occupy Wall Street ou les initiateurs de WikiLeaks, mais déterminée à agir et à ne plus endurer le dictat d’une oligarchie. Reste à trouver des attraits pour leur faire engranger leur nouveau souffle dans le quotidien politique qu’il fuient comme l’âme le diable. Finalement le problème n’est pas un trop de liberté mais peut-être un trop peu de qualité de la liberté et trop de prise d’influence du grand capital. Le défi de notre temps consistera à trouver des mécanismes pour réduire la désinformation et les atteintes à une éducation et une culture critique et sociale pour pouvoir trouver un équilibre entre développement économique et une vie autodéterminée et accomplie dans une société saine et dynamique.

Alors avant de se mettre à restreindre la liberté, avant même d’avoir jamais goûté à une vraie liberté, en tenant bien entendu compte du fait que l’être humain n’est libre que dans les limites des circonstances qui exercent leurs dictat sur lui, ses besoins physiques naturels, ses capacités physiques limitées, l’état de son esprit, son horizon d’expériences et le degré comme la qualité de son savoir, sa composition chimique qui influence considérablement son état psychologique, les moyens matériels dont il dispose, la marge de déploiement que les personnes auxquelles il se sent lié lui accordent, etc., il serait approprié en premier lieu de se poser la question de quelle modernité ou de quel futur rêvons-nous effectivement. Est-ce que notre vision de l’avenir s’épuise à se plier à des règles qui ont été établies il y a 1400 ans, même si une partie viole notre nature, étrangle notre souffle de vie, nous fait crouler sous le poids des attentes des autres, juste pour ne pas perdre la cohésion sociale et pour sauvegarder une nostalgie familiale qui ne pouvait persister de la sorte que sur le dos de la femme (après tout la moitié de la société) ; ou encore est-ce que notre vision s’épuise à accumuler des produits de consommation chics, développés, chers et modernes que nous n’avons même pas développés et à déférer l’inspiration de nos enfants vers des émissions télévisées de chahut et des jeux vidéo qui ont pour effet non seulement l’abrutissement intellectuel mais les maintenir coûte que coûte soumis à une tradition patriarcale totalement en contradiction avec leur état d’esprit réduit à absorber un monde superficiel ; ou peut-être cherchons-nous à réaliser une symbiose entre modernité fonctionnelle, liberté individuelle et cohésion sociale. Soit une modernité qui ne marginalise et qui n’étouffe plus nos propres désirs et besoins physiques et intellectuels, qui nous concède plus de liberté de se déplier, soit plus d’autodétermination, en même temps redonnant à l’être humain de l’importance, cherchant à revaloriser l’esprit de fraternité et de responsabilité, dans un cadre plus ouvert vers nos concitoyens, réussissant à établir un équilibre entre individualisme et sens des responsabilités qui ne cherche pas à exclure mais à inclure le plus possible de conceptions de vie, soit chercher à établir un équilibre entre le rationnel et les exigences de l’esprit et de l’âme.

À suivre.