Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

affaire-Merah

Dans leur livre « Affaire Merah : l’enquête », Eric Pelletier et Jean-Marie Pontaut s’interrogent sur certains indices édifiants concernant l’affaire Merah : « Un autre élément, passé inaperçu jusqu’ici, aurait pu relancer la polémique. La PJ a saisi les coordonnées d’un policier dans la planque de Merah. Que faisait cette petite carte de visite, pliée en deux, sur le sol du box du boulevard de Grande-Bretagne ? Le parking souterrain où l’assassin cachait son scooter est un endroit où l’on ne s’attend pas à trouver les coordonnées d’un collègue chargé de la protection… du chef de l’État. Sur le morceau de bristol figurent pourtant une identité, un numéro direct au palais de l’Élysée, ainsi que la mention d’un service : le GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République). » Voilà qui est plus que surprenant en effet.

Des preuves de plus en plus accablantes n’ont cessé d’accuser les renseignements généraux français après l’élimination de Mohamed Merah dans son appartement à Toulouse par 300 hommes du RAID, au bout de 30 heures mystérieuses, invraisemblables et rocambolesques.

Une narration officielle assez louche, dans les failles cachées de laquelle Merah apparaît sous le jour d’un indic, voire d’un agent double des renseignements français. Des réseaux et des liens constamment sous-estimés par des médias français influents comme Le Monde ou Libération, et même par des sites d’investigation sur une affaire qui sent l’eau de boudin pour la classe politique gouvernante. La part de responsabilité des renseignements généraux dans les assassinats a été bien soulignée par l’avocate du père de Mohamed Merah, Isabelle Coutant-Peyre, dans l’émission « C dans l’air » :

« Des relations très serrées avec des gens du service renseignement. C’est ce qui ressort des vidéos que Merah a filmées pendant son siège, où on lui envoie des gens qu’il connaît pour négocier. On lui propose de partir à l’étranger, de changer de nom, de l’exfiltrer en quelque sorte. Et comme il refuse, on décide de l’éliminer. Merah dit et réaffirme plusieurs fois : pourquoi est-ce que vous me tuez ? On ne pourra plus en savoir plus puisqu’ils ont choisi de l’éliminer. »

Lorsqu’on l’interroge sur les raisons qui ont fait que le RAID a trouvé une grande quantité d’armes et de munitions dans l’appartement de Merah, l’avocate réplique : « Vous vous souvenez de l’affaire des Irlandais ? »

L’affaire des Irlandais de Vincennes a eu lieu en conséquence de l’attentat de la rue des Rosiers. Le 9 août 1982, à Paris, dans le quartier juif du Marais, des hommes ouvrent le feu devant le restaurant Rosenberg, rue des Rosiers. Puis le commando cagoulé lance une grenade à l’intérieur du restaurant avant de tirer dans le tas en pleine rue : il y a 6 morts et 22 blessés. Christian Prouteau, nommé à l’époque à la tête d’une cellule anti-terroriste par François Mitterrand pour trouver les coupables et les instigateurs de cet attentat, sera lui-même coupable d’une bavure envers un groupe d’Irlandais soupçonnés d’avoir exécuté cet attentat pour l’IRA. Ces Irlandais sortiront innocents ; il sera même prouvé que les gendarmes, sous la direction du capitaine Paul Barril, ayant fait irruption dans l’appartement des Irlandais, ont rapporté eux-mêmes les armes, les munitions et les documents incriminants. Pourquoi un tel agissement ? Rien n’a été expliqué jusqu’à ce jour. Les vrais instigateurs n’ont jamais été trouvés, excepté le Fatah, que certaines parties ont voulu incriminer à l’époque dans une politisation de l’affaire sur le conflit israélo-palestinien, mais que le Fatah n’a jamais revendiqué. En 2008, un documentaire d’investigation de Canal Plus intitulé « Attentat de la rue des Rosiers : la piste oubliée », révèle une nouvelle thèse : celle d’un attentat d’un groupe néo nazi allemand. L’analogie entre l’affaire Merah et même celle de la bombe lancée dans l‘épicerie casher de Sarcelles dans laquelle deux membres de l’armée ont été incriminés, ne peut que nous faire réfléchir à des implications profondes et dangereuses inscrites dans l’histoire de l’Europe.

Cette piste nous relie à une série déroutante de faits qui se sont passés en Europe entre 1950 et 1990, et dont l’existence réelle n’est nullement complotiste ou délirante, puisqu’elle est défendue par des chercheurs, des anciens agents de la STASI, des historiens et des juges sérieux. Un documentaire belge intitulé « Les armées secrètes de l’Otan » montre comment la CIA, l’Otan et certaines loges maçonniques ont orchestré des attentats et des assassinats avec la complaisance de membres influents de l’élite politique et militaire. Ces attentats manipulés avaient pour but de créer des tensions dans les pays de l’OTAN, d’éliminer des témoignages et de monter l’opinion publique contre l’extrême gauche afin de discréditer la menace communiste.

L’attentat de l’Oktoberfest du 26 septembre 1980 a été perpétré au cours de la fête de la bière par Gundolf Köhler, un terroriste d’extrême droite allemand : 11 morts et 200 blessés. Quelques jours plus tard, l’enquête de la police conclut bizarrement à un acte isolé. Plus sérieusement, des pistes ont montré que le groupe d’extrême droite pour lequel Kôhler a agi avait été infiltré par des agents secrets allemands.

En Belgique, de 1982 à 1985, une bande armée bien entraînée tue de sang froid une trentaine de personnes et en blesse plusieurs dizaines d’autres dans des supermarchés. Après des recherches, il a finalement semblé que l’armée secrète de l’Otan avait été en contact avec des néo nazis pour orchestrer les attentats sous la couverture de l’État.

Le 2 aout 1980, une bombe explose dans la gare centrale de Bologne et fait 80 morts. Ces attentats furent liés par les enquêteurs aux Brigades rouges, puis à un groupe d’extrême droite. Dans le cadre de cellules étatiques assez dangereuses comme Gladio en Italie, on peut trouver une absence d’hésitation à user du terrorisme pour provoquer une tension dans un pays donné. Cette cellule est soupçonnée d’avoir commandité cet attentat, qui avait terrifié les Italiens à l’époque : « Il y aura des moments où les gouvernements montreront de la passivité face au danger communiste. Dans ce cas les agents américains doivent lancer des opérations spéciales pour convaincre ces gouvernements et leurs opinions publiques du danger communiste. »

C’est ce qui était inscrit dans un manuel d’instruction militaire top secret préconisant l’emploi de méthodes comme le terrorisme pour combattre le communisme. Après avoir pris en compte toutes ces manipulations extérieures dans des buts politiques servant les intérêts des États-Unis en guerre froide, nous pouvons mieux aborder l’affaire Mohamed Merah, soupçonné d’être manipulé par les renseignements généraux français. Cette affaire qui a débouché vers une bifurcation politique et idéologique à la fois curieuse et attendue, radicalement pro-israélienne et cherchant une justification aux yeux du monde du sionisme, qu’on peut déduire en regardant le discours de Benyamin Netanyahu venu à Toulouse prêcher classiquement la survie d’Israël, où il a fait entre autres le lien entre Merah et la Shoah : « Les Nazis ont tué sur le sol européen plus d’un million d’enfants juifs. Et ici en 2012, à Toulouse, un assassin qui était animé par la même haine a assassiné trois enfants juifs et leur père ».

On peut aussi les déduire dans les propos en off d’un François Hollande flegmatiquement agacé, rapportés par le Canard enchaîné après le discours de Netanyahu auquel il avait assisté : « Netanyahu était venu faire campagne en France, on le savait. Son déplacement était prévu en deux temps à Toulouse : recueillement puis discours. Comme j’étais là, il a un peu resserré son discours. Mais ce n’était pas bien de transformer cette cérémonie en meeting électoral. »

Monter différentes communautés d’une population les uns contre les autres pour servir les intérêts du sionisme : voilà un but qu’on pourrait déduire de tout ce qui se passe aujourd’hui en Europe avec la montée du racisme antimusulman, et en Tunisie et en Égypte avec le faux problème islam vs laïcité.

Lorsque nous nous tournons vers la Tunisie, et en prenant en compte certaines révélations institutionnelles et journalistiques qui sont venues après le meurtre de Brahmi, nous apprenons deux informations capitales :

  1. Boubaker Al Hakim est l’un des tueurs incriminés dans le meurtre de Mohamed Brahmi.
  2. Boubaker Al Hakim était en relation, lorsqu’il était en France, avec le frère de Mohamed Merah.

Le mode opératoire de Merah et des tueurs de Belaïd, dont fait partie Boubaker, sont étrangement semblables : tuer de sang froid par balles en scooter. La complaisance du gouvernement Nahdha et même sa complicité dans les meurtres par un réseau d’infiltrations n’est plus à prouver après différentes enquêtes de Nawaat.

Les questions qu’on peut légitimement se poser et sur lesquelles il serait intéressant d’enquêter sont :

–  Quels rapports aujourd’hui entre les actes de cellules jihadistes combattant en Syrie et en Tunisie et une sorte de néo-armée secrète de l’OTAN ?

– Quelles sont les relations exactes entre le frère de Merah et Boubaker Al Hakim ?

– Dans quelles circonstances Boubaker Al Hakim a-t-il été extradé depuis la France jusqu’en Tunisie ?

– Quel intérêt pour Nahdha à collaborer avec des services secrets extérieurs dans le cadre d’une éventuelle stratégie de la tension ?

– Pourquoi cette coïncidence qui fait qu’un proche d’un terroriste soupçonné de collaborer avec les renseignements généraux français soit extradé en une Tunisie post-révolution où se jouent des enjeux politiques internationaux majeurs ?

– Qu’a fait Boubaker Al Hakim exactement dans la prison française lors de sa détention ?

– Qui a-t-il fréquenté  entre les murs de cette institution ?