Circoncision-droit-de-reponse
Par le Dr Adel Chokki, chef de service de chirurgie à l’hôpital régional de Siliana,

En réponse à l’article publié sur Nawaat concernant la circoncision des enfants démunis en date du 12 août 2013. Je tiens à éclaircir aux lecteurs certains points :

J’ai été étonné de lire votre interview avec le Dr Moez Cherif où j’ai noté des faits erronés et du non-dit :

1- Le pédiatre de l’Association de défense des droits de l’enfant a précisé que le « chirurgien de Siliana » lui avait précisé qu’il suffisait de pratiquer les actes de circoncisions sous anesthésie locale et éviter ainsi l’anesthésie générale. C’est un pur mensonge. Personnellement je ne pratique pas de circoncisions sous anesthésie locale (c’est traumatique et risqué chez l’enfant) et je ne pense pas que ceci constitue une nouvelle découverte faite par ce pédiatre.

En effet, lors de notre communication téléphonique (vendredi 02 août 2013 vers 11h00), j’ai essayé d’expliquer à ce pédiatre que l’anesthésie générale nécessitait une salle opératoire, chose qui est difficile. En effet, nous disposons d’un bloc central qui sert tout le gouvernorat et c’est le seul local qui nous permet de faire face à tout moment à toutes les urgences des différentes spécialités (chirurgie, gynécologie, orthopédie, ORL, urologie, …) et les conditions dont on dispose ne permettent pas de procéder à 23 actes sous anesthésie générale sans que des conditions de sécurité strictes ne soient assurées pour ces enfants ; or disposer de ces conditions en moins de 48 heures était très difficile (surtout en cette période de Ramadan, des congés du personnel et des activités des urgences assurées par cet unique bloc opératoire). De plus nos médecins anesthésistes réanimateurs étaient étonnés que ce confrère puisse prendre à la légère et banaliser l’anesthésie générale lors de l’acte de circoncision (nous savons tous que s’il existe des actes de petite chirurgie, il n’existe pas de petite anesthésie). Et comme Monsieur a cité des accidents de la circoncision, il a omis ou peut être qu’il ignore qu’il y a aussi des accidents anesthésiques qui peuvent être mortels. Ces explications sont en principe faciles à comprendre par tous !!!!

Ainsi, les circoncisions en masse nécessitent une organisation préalable sécurisée. Et dire qu’il n’avait besoin que de l’enceinte du bloc opératoire et qu’il disposait de l’équipe nécessaire pour effectuer les gestes (et je suis certain que les chirurgiens qui vont l’accompagner sont plus qu’excellents, expérimentés et de renommée) est une méconnaissance totale de l’organisation des circoncisions en masse puisqu’il oublie qu’il y a la prise en charge post-anesthésie générale et que ces enfants doivent être sous surveillance en postopératoire. Et quelque soit la qualité de l’équipe, il est impensable qu’elle puisse travailler seule dans un bloc qu’elle ne connaît pas (donc il faut qu’il y ait des membres de l’équipe du bloc de Siliana pour faire marcher les choses dans la sécurité).

Cependant, le problème de monsieur le pédiatre était de réaliser la circoncision d’un maximum d’enfants en un temps record. Mais il me semble que la sécurité est un problème secondaire pour Monsieur (pour nous, on n’a aucun droit de faire encourir des risques réels à ces enfants, en rappelant que le droit à la sécurité est un droit fondamental de l’enfant).

2- Monsieur le pédiatre de l’association a précisé que la direction régionale et de l’hôpital étaient d’accord. Cette information est vraie mais tronquée. En effet, il n’a pas précisé que nos directions avaient formulé un accord pour le principe, et il lui a été demandé de contacter le chirurgien responsable pour avoir l’accord définitif et pour discuter des problèmes techniques éventuels, chose qu’il a faite mais très tardivement (vendredi vers la mi-journée : Télécom pourrait en témoigner).

Je tiens à préciser aussi que l’hôpital régional de Siliana avait déjà commencé à circoncire des enfants bien avant le02 août 2013 et ce par petit groupes (ces circoncisions ont été assurées par nos chirurgiens urologues et généralistes et sous anesthésie générale chapeautée par nos médecins anesthésistes), et ce en application entre autre de la circulaire du ministère de la Santé.

Ainsi, monsieur Moez a été incapable de comprendre les causes de ce qu’il a qualifié de «refus » de plusieurs services de coopérer (tel que Zaghouan, Sfax et Gabès qui disposent d’excellents confrères et services), et il n’a pas trouvé mieux que de faire sous-entendre que ce refus était de mauvaise intention et un manque de bonne volonté de la part de ses confrères. Comme si cette bonne volonté était devenue la propriété privée de certains.

Et pour mémoire, on a déjà eu une belle expérience avec une équipe venue de Tunis avec laquelle on a opéré pendant un week-end 48 malades (des hernies, des éventrations, des lithiases vésiculaires : et ça n’a pas été médiatisé), mais c’était avec une organisation préalable bien étudiée et qui a abouti à un vrai succès.

Enfin, je peux lui assurer et le rassurer, qu’à l’hôpital régional de Siliana nous n’avons nullement besoin d’aide pour circoncire des enfants démunis ou non. En effet, nous disposons de tous les moyens humains et matériels et du savoir nécessaire pour faire ces actes et bien d’autres actes dans les règles de l’art et de la sécurité (et nous faisons ça depuis des années) et on ne cherche ni la médiatisation ni à être sous les projecteurs pour faire notre devoir.

D’ailleurs, je lui pose une question : « Vous êtes-vous déplacé vers ces régions pour discuter (et face à face) avec les responsables des causes de ce refus et voir comment faire pour éviter les écueils les prochaines fois ? » Je suis certain que non !!!.

En tout cas merci de nous avoir bien éclairés sur vos vrais buts et votre façon de faire. Et surtout retenez que les enfants à circoncire et les malades ont été et sont et seront toujours les bienvenus dans les structures publiques qui appartiennent au peuple et à personne d’autre.

Dr Adel Chokki, chef de service de chirurgie à l’hôpital régional de Siliana,