Cinquante-sept ans déjà que le Code du Statut Personnel a été promulgué, quelques mois à peine, après l’indépendance de la Tunisie, c’est-à-dire le 13 août 1956. Bourguiba en a été l’instigateur, malgré la réticence des « cléricaux » et des conservateurs. La polygamie est abolie, la répudiation, aussi. Le mariage n’est autorisé que par consentement mutuel, à partir de dix-huit ans révolus, pour les deux époux, et la dissolution du mariage se fait uniquement, par divorce devant les tribunaux. L’avortement est garanti par la loi, depuis 1973 et l’accès aux moyens de contraception est rendu accessible gratuitement, dès le début des années soixante. En 1957, les femmes ont le droit de voter et d’être éligibles et le port du voile, est interdit dans les écoles. Et même, l’adoption plénière – inconnue du droit musulman- qui ne reconnaît que la Kafala, est légalisée en 1959, ce qui constitue une avancée notable en matière de droits de la mère et de l’enfant.

Malgré toute cette batterie de mesures et cette pléthore de réformes, le Code du Statut Personnel reste insuffisant et la législation tunisienne –d’inspiration chariatique-, ne garantit pas une égalité parfaite, entre les femmes et les hommes. Egalité, qui d’ailleurs, tend à se fragiliser avec l’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahdha, qui ne cesse de vouloir faire reculer les droits des femmes et réduire leurs libertés.

En effet, malgré la levée des réserves sur la Convention sur élimination de toutes les formes de discrimination à l’Egard des Femmes (CEDAW), par Beji Caïd Essebsi, le 6 août 2011, celle-ci n’est pas appliquée intégralement, notamment en matière d’égalité successorale, injustice que ne répare pas le CSP. De même, son silence, à propos du mariage entre une musulmane et un non-musulman est depuis 1969, interprété par la plupart des juges comme une reconnaissance de l’interdiction donnée par le droit musulman en la matière.

Il est à noter que la dot, est encore, indispensable pour la validité du mariage et que le mari est encore considéré comme « le chef de la famille » (art. 23). Donc, ni la loi, ni le CSP ne consacrent un modèle sociétal parfaitement paritaire, où les femmes et les hommes ont exactement les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Aujourd’hui, dans un contexte post-révolutionnaire de grande crise politique, les femmes sont plus que jamais menacées et la maîtrise de leur corps, devient un enjeu primordial, derrière lequel se cachent certains, pour diviser la société tunisienne entre croyants pieux et mécréants dévergondés. Il n’y a qu’à voir la descente aux enfers d’Amina Sboui, aujourd’hui, heureusement libérée mais non acquittée, qui a osé braver l’interdit de la nudité et qui a montré ses seins pour protester contre l’injustice faite aux femmes. Il n’y a qu’à se promener sur les réseaux sociaux et à lire les commentaires concernant la jeune fille qui aurait été torturée par des Libyens, puis jetée par la fenêtre. Il n’y a qu’à se rafraîchir la mémoire et à se rappeler les propos de Rached Ghannouchi concernant les « ramassis » (Luqata’), les enfants illégitimes et ceux de Souad Abderrahim, à propos des mères célibataires, qui devront se confronter à la nouvelle réalité ; celle des Moujahidat Annikah (les combattantes de la fornication) revenues de Syrie. Il n’a qu’à se remémorer les tentatives d’islamiser la constitution et à creuser les inégalités entre les femmes et les hommes et nous voilà face à des « compléments de l’homme », qui ne sauraient se passer de l’autorité d’un tuteur…

Nous, acteurs de la société civile et personnalités indépendantes, appelons à un rassemblement « Femmes tunisiennes ; libres et Citoyennes », le mardi 13 août 2013 à 17h30, à la Fontaine des Innocents, en soutien à l’appel de l’UGTT pour une manifestation en vue de célébrer la fête de la femme, et dans l’esprit du sit-in de Bardo, réclamons :

-L’abolition de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

-Le renforcement des droits et de la protection de la femme, en matière de harcèlement et de harcèlement sexuel

-L’obligation de parité, dans toutes les institutions et instances de l’Etat

-La sauvegarde et le renforcement de tous les acquis de la femme tunisienne, notamment en ce qui concerne le droit à l’avortement et l’accès à la contraception, mais aussi en matière de violence conjugale.

Premiers signataires :
associations:
Collectif 3C- AIDDA-FTCR- Collectif des Femmes TunisienneUtit Idf
personnalités: Mizouni Najet

13 aout