IMG_6919_GF - par Rached Cherif
Sit in de bardo le 9/8/2013.Crédit photo Rached Cherif

En ce deuxième jour de l’Aïd El Fitr, tôt ce matin du 9 août, des forces de l’ordre ont tenté de chasser les sit-inneurs rassemblés devant l’Assemblée nationale constituante.

Vers 8h00 du matin, les quelques sit-inneurs présents sur la place du Bardo ont ainsi été surpris par des policiers accompagnés de personnes se disant fonctionnaires de la municipalité de Bardo. Ceux-ci leur ont lancé un ultimatum d’une heure pour arrêter leur sit-in et enlever les tentes. La raison invoquée ? L’autorisation du sit-in, qui serait valide pour le sit-in mais pas pour le campement ! S’en est suivie plus d’une heure de négociations.

Vers 10h00, les forces de l’ordre ont mis leurs menaces à exécution et ont commencé à remballer les tentes en essayant de disperser les manifestants présents. Ces derniers ainsi que des coordinateurs du sit-in ont alerté la presse et ont rapidement lancé un appel à la population sur les réseaux sociaux, donnant l’alerte et demandant de venir les soutenir.

Vers 11h00, malgré la fête de l’Aïd, des personnes ont donc commencé à affluer, et, une heure plus tard, elles étaient plus d’une centaine. Un des manifestants présents, arborant écharpe et badge patriotiques, s’emporte : « Pour nous c’est maintenant une question de vie ou de mort ! Malgré que ce soit l’Aîd, on est venus dès qu’on a vu l’appel sur Facebook. Tous les Tunisiens doivent se battre. C’est le destin du pays qui est en jeu. »

Des députés, dont Khemaïs Ksila et Abdelaziz Kotti, ont contacté le gouverneur ainsi que la municipalité en question qui, s’ils ont confirmé les ordres, n’ont pas précisé de quelle autorité supérieure ils émanaient. Plus surprenant encore, le ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, contacté par les députés, affirme quant à lui ne pas être au courant de ces directives, sous-entendant ainsi ne pas en être l’instigateur.

Walid Jalad, un des coordinateurs du sit-in, raconte :

« Ils nous ont finalement déclaré que seules les tentes des députés et des responsables politiques pouvaient rester. Mais nous avons insisté. »

Du côté des forces de l’ordre présentes sur les lieux, c’est un autre son de cloche que l’on entend, avec des explications parfois rocambolesques. Si un gradé de la police a démenti catégoriquement que les forces de l’ordre aient essayé de faire évacuer le sit-in, affirmant qu’il y avait eu un vent de panique chez les manifestants à cause d’une fausse rumeur selon laquelle Ali Laarayedh essaierait de faire lever le sit-in, un autre fonctionnaire de police serait allé jusqu’à prétendre que les policiers n’avaient fait qu’essayer de remettre les tentes qu’un coup de vent aurait fait s’envoler !

Le député Khemaïs Ksila a, par ailleurs, confirmé sur les ondes de Shems Fm, aujourd’hui même, que les ordres n’avaient non seulement pas été donnés par le ministre de l’Intérieur, mais qu’ils émanaient d’autres groupes infiltrés au sein de l’appareil sécuritaire.

C’est à 12h20 que les sit-inneurs ont finalement pu réinstaller les tentes. Plusieurs militants et personnalités de l’opposition ainsi qu’une dizaine de députés avaient répondu à l’appel et s’étaient rendus au Bardo pour les soutenir. Etaient notamment présents : Mahmoud Baroudi, Nabil Jmour, Mongi Rahoui, Maya Jribi, Ahmed Brahim, Iyed Dahmani, Noomen Fehri, ainsi que Nadia Chaâbane, qui a été parmi les premières à être présente sur les lieux, et a répondu aux questions de Nawaat :

« C’est clairement une tentative pour faire avorter le sit-in. Ils étaient persuadés qu’après les pics d’affluence populaire du 6 août mais également d’hier, il y aurait un relâchement, une désertion en ce second jour de l’Aïd. Du côté des autorités, il y avait un flottement flagrant. Je crois que le problème est à l’échelle locale. »

Des soupçons d’une police parallèle, indépendante du ministre de l’Intérieur, qu’ont également semblé nourrir de nombreux autres manifestants présents.

Nadia Chaâbane ajoute :

« Certains d’entre nous ont plusieurs fois remarqué un policier gradé, paraissant suspect, qui a toujours été présent lorsqu’il y a eu des problèmes au sit-in. C’est toujours le même. Il reste toujours à l’écart et observe. »

Les interrogations de la députée retirée de l’Assemblée nationale constituante semblent appuyer les propos tenus par Khemaïs Ksila sur Shems Fm :

« Aucune justification de nature sécuritaire ne peut expliquer la décision de lever le sit-in, et un groupe ne relevant pas de l’institution sécuritaire s’est rendu au Bardo et a été rejoint par des éléments d’une brigade ayant attaqué les sit-inneurs au gaz lacrymogène pendant les premiers jours du sit-in. »