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L’assassinat de Mohamed Brahmi à succité une grande émotion chez les tuunisiens. Près de 80 000 personnes ont assisté aux funerailles samedi 27 juillet 2013. image : Amine Boufaied – www.nawaat.org

Par Mourad Ismail et Alice Carette-Ismail

La Révolution française a mis plus de 200 ans avant d’installer une démocratie qui n’est pas forcément parfaite mais qui, néanmoins, tient encore la route, et dans laquelle l’alternance joue pleinement son rôle. Les révolutions de l’Europe de l’Est et celles des Amériques sont encore en cours de perfectionnement.

Le printemps arabe est en train de dégénérer en Egypte ou en Libye, tandis qu’en Turquie l’islam politique révèle les limites de sa solubilité dans la démocratie. Fort heureusement, notre chère Tunisie est encore, quant à elle, à la croisée des chemins. S’il est un peu tard pour faire marche arrière, il est encore temps de corriger le tir, malgré les tragédies humaines déjà survenues.

Serions-nous encore capables de prendre le train en marche et de redresser la situation, ou sommes-nous condamnés, toutes parties confondues, à ne pas voir plus loin que le bout de notre nez et à continuer à foncer têtes baissées pour aller droit dans le mur, ou droit dans les murs, puisqu’il y en a plusieurs. Tunisiens, levez-vous, prenez votre destin en main : vous qui descendez d’Hannibal et d’Ibn Khaldoun, vous êtes les précurseurs du printemps arabe.

Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, montrez au monde entier que tout est possible. Montrez que vous êtes le premier pays musulman démocrate, capable d’accepter les différences, de concilier religions, traditions et valeurs universelles. Le monde observe notre petit pays dépourvu de toute richesse naturelle mais ô combien riche de ses cultures et de ses compétences. C’est le moment ou jamais de montrer que la Tunisie est une grande nation.

La constitution, qui est presque finalisée, ne contient peut-être pas les avancées attendues par rapport à celle de 1959, mais elle a au moins le mérite d’avoir réalisé un semblant de compromis entre élus de différents bords. En tant que démocrates respectueux de la voix du peuple, on ne peut que s’incliner et accepter ce projet de constitution, aussi lacunaire soit-il. Qu’on laisse aux experts le soin de le peaufiner pour corriger les nombreuses lacunes et contradictions pointées du doigt par diverses personnalités internationalement reconnues.

Nonobstant, maintenant que tout le monde a échoué — majorité, opposition et société civile —, à présent que le sang des démocrates a coulé à plusieurs reprises, venant tragiquement grossir les rivières sanglantes jaillies des massacres d’islamistes, bien loin d’être tous des terroristes, perpétrés sous les deux régimes précédents, on ne peut faire comme si de rien n’était. Dans une démocratie qui se respecte, aussi naissante soit-elle, la majorité et le gouvernement doivent prendre leurs responsabilités en dictant des mesures fortes et efficaces, dans le respect du droit, tandis que l’opposition doit remplir son devoir de critique constructive.

Or, dans la Tunisie issue de la révolution (révolution menée, rappelons-le, par une jeunesse assoiffée de liberté, d’égalité sociale et de travail pour tous), la majorité a échoué sur tous les plans, notamment parce qu’elle est restée enfermée dans sa bulle, en s’accrochant à une légitimité périmée depuis au moins un an et demi. L’opposition, quant à elle, a échoué dans son rôle de contrepoids objectif. Une grande partie d’entre elle a même feint de s’opposer à la troïka, tout en caressant en réalité la majorité dans le sens du poil, dans l’espoir de glaner quelques portefeuilles ministériels, tandis que le reste de l’opposition n’a cessé de se complaire dans des guerres intestines.

En Tunisie, il y a de la place pour tout le monde : que l’on soit avec ou contre lui, le parti Ennahdha est représentatif de toute une frange de la société tunisienne ; les progressistes, les démocrates et les modernistes le sont tout autant. Dès lors, que devons-nous faire ? Nous résigner à voir ce pays à l’histoire trois fois millénaire coupé en deux factions fratricides? Renvoyer tous les islamistes en prison comme sous l’ère Ben Ali ? Ou faire des démocrates les boucs émissaires des horreurs commises sous les régimes précédents ?

Personnellement, nous pensons que la solution passe par les 5 propositions suivantes :

1. Que les trois présidents démissionnent immédiatement ;

2. Que les experts amendent puis valident la constitution issue du travail de l’ANC ;

3. Que soit formé un gouvernement de personnalités indépendantes qui traitent avec pragmatisme les affaires courantes et s’engagent fermement à ne pas se présenter aux prochaines élections ;

4. Que l’ISIE fasse son travail pour organiser et SURVEILLER des élections libres et transparentes et passe au peigne fin les financements des campagnes électorales ;

5. Que la HAICA remplisse sa tâche de surveiller les éventuelles irrégularités des prochaines campagnes électorales.

Désormais, seuls un président et une majorité issus de telles élections bénéficieront d’une vraie légitimité qui leur permettra d’élaborer à moyen terme des projets concrets pour la Tunisie et de mener à bien leurs missions pendant les 5 années suivantes. À bon entendeur.