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La Tunisie a enfin une instance pour réguler le pouvoir judiciaire afin de remplacer l’ancien Conseil supérieur de la magistrature, mis en place par le dictateur déchu Zine El Abidine Ben Ali.

Dès demain, l’Instance provisoire de l’Ordre judiciaire pourra entamer son travail“, a déclaré ce matin Mohamed Gahbich, président de la commission des élections. En effet, avec le vote effectué aujourd’hui 10 juillet pour choisir les cinq professeurs universitaires en droit qui feront partie de l’Instance, ses vingt membres sont enfin au complet.

Première instance créée par l’Assemblée nationale constituante

Savez-vous que c’est la première instance qui naît de cette Assemblée constituante ?” déclare, le sourire aux lèvres le juge Omar Oueslati, rapporteur de la commission des élections. Le moment est en effet historique. C’est le premier président de la Cour de cassation, Ibrahim Mejri, qui devra la présider, tel que le stipule la loi. Il devra appeler les membres de l’Instance à une réunion pour mettre en place son règlement interne et entamer sa tâche : celle de remplacer l’ancien Conseil supérieur de la magistrature.

Il y a de cela trois mois, le 24 avril 2013, le projet de loi de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire a été voté, après un an de retard et un combat acharné pour son indépendance [1]. D’après l’article 5, sa composition devait être la suivante : Dix magistrats élus, cinq professeurs universitaires en droit et cinq juges nommés d’après leurs fonctions.

Le 7 juillet, la commission des élections, qui a su dépasser grâce à la détermination de ses membres tous ses problèmes logistiques et financiers, a préparé un congrès pour les élections des dix magistrats parmi les 57 candidats. Ceux qui ont été élus sont :

  • Faouzi Maalaoui
  • Yosra Hamdi
  • Walid Malki
  • Sofiene Sliti
  • Mohamed Romdhani
  • Moufida Mahjoub
  • Youssef Bouzakher
  • Khaled Ayari
  • Wassila Kaabi
  • Leila Zine

Telle que le prévoit la loi, trois jours plus tard, le 10 juillet, une séance plénière a été consacrée aux élections des cinq professeurs universitaires. “Nous avions chacun le droit de choisir trois candidats“, précise le député Karim Krifa, du parti l’Initiative.

J’ai choisi Madame Souad Moussa parce que je la connaissais. Je l’ai eu comme enseignante en première année de droit constitutionnel. J’ai aussi choisi Noomen Fekih et Abderrazak Mokhtar pour concrétiser la décentralisation de cette instance. Un qui vient de Sousse, l’autre de Sfax, et un autre qui vient de Jendouba.

Sept noms de candidats ont été présentés aux élus du peuple en séance plénière alors que quatre autres ont été recalés par la commission des élections à cause de vices de procédure dans leurs dossiers. Mourad Kenani et Sami Jerbi ont ainsi été les seuls à avoir déjà été retenus par la commission des élections et aussi élus par les députés puisqu’ils correspondaient aux critères définis par la loi : ils sont à la fois professeurs universitaires de droit ayant 15 ans d’expérience minimum et aussi avocats ayant 10 ans d’expérience minimum dans leur fonction.

Pour les trois autres professeurs universitaires, les députés éliront :

  • Abderrazak Mokhtar (166 voix)
  • Sonia Alich (143 voix)
  • Abdel Kader Fathallah (117 voix)

Quant aux cinq juges restants, ils ont été définis par la loi de l’Instance comme suit :

Le premier président de la Cour de cassation : Ibrahim Mejri
Le procureur général à la Cour de cassation : Ridha Ben Amor
Le procureur général directeur des services judiciaires : Mohamed Hedi Ben Cheikh Amed
L’inspecteur général auprès du ministère de la Justice : Khaled Barrak
Le président de la Cour foncière : Nouri Ktiti

Désorganisation au niveau du bureau de l’Assemblée constituante ?

Pour le député Rafik Tlili, du parti Wafa, ces élections n’ont pas été bien préparées :

Je n’ai pas voulu être un faux témoin, parce que ces sept candidats devaient se présenter aux députés. Mais ces noms sont inconnus pour la plupart des élus du peuple, sauf pour les députés qui sont avocats et juristes. J’ai donc présenté une enveloppe vide.

Pourtant, M. Oueslati nous affirmera que les dossiers des candidats ont été présentés au bureau de l’Assemblée constituante depuis plus de 5 jours. “Nous avons aussi proposé que les candidats puissent être présents aujourd’hui, mais ça ça n’a pas été le cas” …

D’ailleurs, pour la vice présidente de l’Association des magistrats tunisiens, le fait que Mme Souad Moussa n’ait pas été élue est une grande perte pour la Tunisie.

La professeur Souad Moussa a été parmi les premières à défendre l’indépendance de la justice en Tunisie. C’est vraiment une perte qu’elle n’ait pas été élue.

Les noms des candidats n’étaient pas connus et il a fallu que les députés fassent l’effort en demandant aux amis et collègues des conseils pour se renseigner au sujet des candidatures des professeurs universitaires.

Néanmoins, le président de la commission des élections Mohamed Gahbich a salué le travail de l’Assemblée constituante et félicité le peuple tunisien pour cette instance et sa volonté de “construire une Tunisie démocratique, la Tunisie de la post-révolution“.

Pour Omar Oueslati, cette instance va mettre à l’écart le pouvoir judiciaire des divisions politiques. Cependant la question du local et de ses ressources financières reste pour le moment sans réponse.

Je suppose que c’est à l’Assemblée constituante de trouver des solutions pour cela. Où vont se réunir les vingt membres de l’Instance provisoire de l’ordre judiciaire ? Au ministère de la Justice ? Au Palais de justice ? Comment cela va-t-il se passer pour ses dépenses ?

Communiqué [Ar] de l’Association des magistrats tunisiens au sujet de l’Instance >>>

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[1] Cf. art 5 [Ar ] de la loi de l’Instance provisoire de l’Ordre judiciaire