maktouf

Depuis quelques temps, une nouvelle personnalité est apparue sur la scène publique en organisant des actions qui paraissent pleines de bonnes intentions. Nous parlons ici de l’homme d’affaires et archimilliardaire tunisien Lotfi Maktouf.

Après un cursus qui le mena de l’Université de Tunis à Harvard, en passant par la Sorbonne, Lotfi Maktouf se retrouva dans le milieu des affaires à Wall Street, ensuite au Fond Monétaire International (FMI) en tant que conseiller juridique jusqu’en 1990. Il se présente tantôt comme le conseiller de la princesse Charlène de Monaco, tantôt comme président de holdings ou bien comme apporteur d’affaires à la Banque de Gestion Edmond De Rothschild.

Lotfi-Maktouf-sauver-la-tunisieAprès une série d’apparitions dans les médias dans lesquels il est présenté comme philanthrope, et après avoir tissé des liens avec la classe politique et le gouvernement tunisien, Lofti Maktouf vient de présenter il y a quelques jours sur Express FM, en avant première son tout nouveau livre intitulé: “Sauver la Tunisie”, publié par une maison d’édition française.

Dans ce livre, Lotfi Maktouf nous présente sa vision de l’histoire de la Tunisie de l’ère Bourguiba en passant par la période Ben Ali pour en arriver à la révolution confisquée par les islamistes d’Ennahdha, puissamment soutenus par des financements et des réseaux étrangers.

Qui est donc cette personne qui veut “sauver la Tunisie” ?

En octobre 2008, le site français Mediapart publie un document clé, dans lequel sont cités tous les noms des protagonistes de la célèbre affaire de vente illégale d’armes pendant la guerre civile angolaise connue sous le nom de l’Angolagate.

« C’est aussi une affaire de trafic d’influence, de corruption, de fraude fiscale et d’abus de biens sociaux. Les bénéficiaires en ont été des dirigeants angolais, des banquiers, des hommes d’affaires et politiques français de tous bords », lit-on sur le site de l’association Survie.

Dans ce document de Mediapart, le nom de Lotfi Maktouf apparaît plusieures fois dans un paragraphe qui parle de deux virements effectués dans un contexte de dissimulation recherchée d’argent venant du circuit de vente des armes dans des comptes ouverts chez la Banque de Gestion Edmond de Rothschild à Monaco au nom des deux sociétés, la banque offshore pour qui il était apporteur d’affaires. Et c’était Lofti Maktouf qui avait ouvert ces deux comptes.
Au début, Lofti Maktouf affirmait ignorer la raison des virements. Ensuite, interrogé sous le régime de la garde à vue, il a fini par avouer :

J’avais effectivement conscience de ce que si on recourrait à deux BVI, et à des comptes à Monaco, pour le bénéfice de M. Mitterrand, cela avait pour but d’occulter le nom du véritable bénéficiaire de ces fonds. II pouvait s’agir d’un principe de précaution fiscale, entre autres, mais le nom de M. Mitterrand et sa situation en France pouvaient prêter à de nombreuses d’interprétations.
Lofti Maktouf

Dans ce document, on peut lire sur la troisième page (encadré) que « Lofti Maktouf entretenait des relations personnelles d’une certaine proximité avec Jean-Christophe Mitterrand » Cela laisse entendre que Lofti Maktouf en sait toujours plus qu’il n’en dit sur l’argent qui a été versé dans ces deux comptes.

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La porte à tambour

Dans ses apparitions médiatiques, Lotfi Maktouf n’évoque jamais son business et se présente toujours en tant qu’acteur de la société civile. La couverture de son association “Al Madanya” lui a permis de faire du lobbying auprès des politiciens et des décideurs à tel point qu’il a été choisi en tant que représentant de la société civile tunisienne lors de la réunion du Printemps du FMI et de la Banque Mondiale.

Le journal Libération s’interroge aussi sur le changement de cap imminent de Samia Maktouf la soeur de Lotfi Maktouf qui après avoir été très proche du clan Trabelsi s’est mise depuis la révolution à défendre la cause des sans papier essayant ainsi de se racheter “une nouvelle virginité” d’après le journal. Lotfi Maktouf serait-il ainsi en train de redorer son image lui aussi à travers Al Madanya. Cette ONG serait elle utilisée comme un tremplin pour servir les ambitions électorales de Maktouf. Passer du milieu des affaires à la vie associative est bien sûr acceptable, mais devrions nous applaudir maintenant un passage sur la scène politique ? Si c’est le cas, il ne sera sûrement pas le seul à le faire, le phénomène de la “porte à tambour” a été longuement pratiqué par une certaine oligarchie qui a empêché les tunisiens de profiter d’une vraie démocratie, qui a empêché la nation tunisienne de se développer et a permis à la corruption de se propager …

Les Tunisiens n’ont-ils pas d’autres choix que de « confier leur destin aux islamistes d’Ennahdha avec leurs financements suspects et leurs réseaux étrangers qui les soutiennent » comme l’affirme Maktouf ou à certains hommes d’affaires noyés dans l’argent sale et leurs réseaux de contacts corrompus ? Sortie d’une période de dictature d’une poignée de personnes, la Tunisie n’arrive toujours pas à sortir de la “Corporatocratie”. A quand la démocratie ?