Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

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Y a-t-il des sujets tabous à l’Université ? Pourquoi généralement ose-t-on aborder les questions relatives à la démocratie et ferme-t-on les yeux sur d’autres interrogations qui sont pourtant en rapport avec la démocratie, la bonne gouvernance et la transparence à l’Université ? Est-ce que le militantisme et la défense des valeurs démocratiques peuvent-être dissociés ? Il semble de plus en plus évident, hiérarchie et rapports de force obligent, que les questions à soulever au sein de l’Université Tunisienne sont implicitement orientées.

Ce petit commentaire me vient en réaction à une de mes collègues qui m’avait assuré que les questionnements sur l’opacité financière qui règne dans nos institutions, comme la demande d’audits afin d’assurer la transparence et corriger la gestion financière des deniers publics, est un des sujets tabous qui fâchent.

Pour un Universitaire libre censé réfléchir, analyser, apprendre la méthodologie et faire de la recherche, rien ne doit être tabou. Hélas, la réalité est alarmante et les raisons des maux de l’Université sont devant nos yeux : l’Universitaire est loin d’être libéré.  Ceux qui ralentissent l’émancipation ne sont pas uniquement les parrains héritiers du Bououni et ses complices, ils sont également les vieux éléphants et certains de leurs héritiers se considérant les seuls éligibles à lever l’étendard du contre-pouvoir, sans rien faire en contrepartie, si ce n’est que canaliser la colère des universitaires dans des séances de jeu de manches servant de thérapie collective. Ironiquement, ce sont eux qui font en sorte de maintenir les structures défaillantes du pouvoir. Foucault et Greenblatt avaient-ils à l’esprit l’Université Tunisienne en élucidant, dans leurs théories, le rôle des structures subversives dans leur maintien du pouvoir établi ?

Cela dit, il y a des universitaires sincères dans notre université. Ils sont hélas, à leur tour, sous l’emprise de ces structures bureaucratiques et non-démocratiques soit par loyauté plutôt tribale et pas du tout rationnelle soit par intérêt personnel, soit parce qu’ils sont déjà usés psychologiquement. Oui, beaucoup d’universitaires ont encore peur de briser leurs chaînes; le milieu est très conservateur, calculateur et connaît leurs points faibles. C’est pour ces raisons que les choses tardent à bouger !

D’un autre côté, il existe un autre fléau accablant au possible. L’autisme qui frappe une bonne partie des universitaires. Paradoxalement, seulement certains de ceux qui sont menacés directement ou affecté par des problèmes osent manifester leur mécontentement. Ce qu’il faut que tout un chacun sache c’est que c’est ce manque de solidarité et de générosité qui fait obstacle au changement et qui renforce le statu quo. Très rares sont les personnes qui se battent et se dressent pour soulever les questions de l’injustice à l’Université et autre sujets tabous comme l’opacité financière et de gestion sans pour autant avoir de problèmes personnels.

C’est là qu’il nous faut relever le pari: faire en sorte que nos collègues laissent la peur de côté, mettent fin à l’indifférence et finissent par reprendre confiance en eux ; ils se doivent de se bouger et d’exprimer leur solidarité sans pour autant attendre qu’ils soient à leur tour touchés. Ils se doivent de se réapproprier l’espace universitaire. Un grand travail de communication et de pédagogie est de mise, mais surtout, une volonté réelle pour faire valoir la vraie valeur d’un Universitaire et d’un chercheur et faire redresser les fronts.

En attendant, des milliers d’universitaires désertent le pays et les éléphants continuent à faire la pluie et le beau temps sous la houlette de pseudo-démocrates en apparence mais complices en réalité de la prise en otage de l’Université.

Par Dr. Zied Ben Amor