Crédit image : Sana Sbouai - www.nawaat.org

Une vingtaine de journalistes et de militants se sont retrouvés hier mercredi 15 mai pour discuter de la question de la violence à l’égard des journalistes et des besoins en matière de protection. Ces échanges de points de vue et de témoignages, faits à l’initiative de l’ONG Article 19, doivent permettre de mettre en place des formations répondant aux besoins des journalistes et des militants en matière de protection et de sécurité.

Alors que le CTLP vient de sortir son rapport pour le mois d’avril 2013 qui fait état de 53 agressions à l’encontre de journalistes, apprendre à se protéger et à assurer sa sécurité devient une urgence pour les professionnels du secteur des médias. Saloua Ghazouani, directrice de projet d’Article 19 en Tunisie explique la démarche : «C’est un projet lancé en mars 2013 qui concerne la protection de la liberté d’expression, d’association et de manifestation dans l’espace civique. La réunion qui a eu lieu doit permettre d’évaluer les besoins en matière de formation pour assurer la protection des journalistes.»

La violence à l’égard des journalistes toujours d’actualité

Violence physique sur le terrain, de la part des citoyens, de militants de partis politique, des forces de l’ordre, pressions de la part des hommes politiques, des gouvernants, menace de mort, pressions via des poursuites judiciaire, absence de commission pour l’attribution de la carte de presse, plaintes déposées par des journalistes laissées sans suite… de nombreuses remarques ont été faites par les journalistes et militants présents.

Beaucoup ont témoigné de violences physiques ou verbales dont ils ont été victimes ou dont ils ont été témoins. Jihene Dayaa, journaliste à Sousse pour la Radio Tunisienne a fait le déplacement pour venir témoigner : «La violence a toujours existé ce n’est pas un phénomène qui est arrivé après la révolution, c’est une mentalité qui est là. Mais après la révolution chacun a pris un chemin et un engagement politique. C’est la polarisation sur la politique qui nous a mené à ce chemin qui a des conséquences. Ainsi du fait du port du voile on m’interdit parfois de rentrer dans des conférences ou des rassemblements. Même la carte de presse n’y fait rien.»

Elle a également voulu parler d’un phénomène qui concerne les femmes journalistes: le harcèlement. Qu’elle ait lieu sur le terrain ou au sein même de leur rédaction, ce type d’agressions est souvent passée sous silence, comme beaucoup d’autres violences. Ahlem Bousserwel du CTLP a d’ailleurs pointé du doigt un problème important: la banalisation de la violence : «les journalistes me disent: “Le responsable n’a pas répondu à ma question, je ne sais pas pourquoi” ou alors “C’est bon c’est pas grave, j’ai rien de cassé, j’ai juste été un peu secoué” or ce genre de banalisation est très grave.»

Car c’est du fait de cette banalisation ou du fait des pressions subies, que les journalistes, souvent, ne prennent pas la peine de porter plainte. Et quand le dépôt de plainte se fait, il n’y a pas de suivi ou l’affaire est simplement classée sans qu’aucune décision en faveur des journalistes ne soient jamais prise. «Les journalistes ne sont pas conscients qu’ils sont dans la gestion de conflit et dans la communication qui va avec» ajoute Ahlem Bousserwel. Or les journalistes doivent connaître les mécanismes et les organismes à même de les aider à se défendre.

Des formations pour que les journalistes assurent leur sécurité

Les données fournies par les journalistes vont être utilisées pour concevoir un plan de formation pour les journalistes. En tout, dix-huit formations auront lieu en Tunisie, en Libye et en Egypte.

La société civile était également partie prenante de la réunion car sa mobilisation permet d’aider au plan d’action pour protéger les journalistes. Et pour Article 19, la protection des journalistes est la garantie de la liberté d’expression et de la presse. Cela passe par les lois et les institutions, mais cela passe également par le fait que les journalistes eux-mêmes puissent savoir se protéger et faire confiance à ceux qui les protègent.

Ahlem Bousserwel de CTLP estime que la question de la violence est toujours d’actualité. «Avec le chiffre des 53 atteintes pour le mois d’avril, le plafond des 52 atteintes de janvier 2013 est battu. Il y a pourtant eu la naissance de la HAICA, ce qui est positif. Nous attendons maintenant une amélioration de la situation.» En effet, la mise en place de la HAICA le 3 mai dernier semble être un signe de la part du gouvernement pour que la situation des médias s’améliore.

Toutefois le décret 115 mettant en place un code de la presse qui encadrerait la profession tarde toujours à être mis en place. Il permettrait pourtant de ne plus juger les journalistes pour des délits relatifs à la presse via la code pénal. Car le journaliste bénéficie d’un statut particulier par son rôle social. Un fait que Saloua Ghazouani a souligné : «Le journaliste est comme tous les citoyens qui ont besoin d’être protégés, mais il est aussi le garant d’une presse libre et donc d’un citoyen libre. Il est donc privilégié par rapport au citoyen normal car il a un rôle primordial.»

Différentes pistes d’action ont été proposées en conclusion de la réunion: une formation des journalistes pour leur protection, la mise en place d’une commission d’enquête indépendante, une réunion avec les responsables de publication, une campagne de sensibilisation sur l’importance de la liberté d’expression…


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