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Les Journées du Cinéma d’Animation de l’ACT brassent plusieurs générations de Keffois. Crédits Images ACT du Kef..

Depuis maintenant deux ans, plusieurs natifs de la région keffoise œuvrent à réinsuffler à cette terre marginalisée du Nord-Ouest une brise créatrice et salutaire. Ayant pour objectif fondamental le développement local de la région en tant que développement durable par le biais de la culture, l’Association des Arts pour le Cinéma et le Théâtre du Kef, se veut être un levier pour la réalisation de nouveaux projets, à travers l’expression des atouts artistiques de sa population.

Son président Amir Gueddiche, son vice-président Slim Magri, son secrétaire général Rjeb Magri et l’ensemble de leurs camarades de l’ACT, se sont donnés pour mission depuis l’institution officielle de l’association le 28 Avril 2011, de redonner de la lumière et de la visibilité au Kef, territoire géniteur et porteur des imposantes et solennelles hauteurs de Sidi BouMakhlouf. La « Sicca » des carthaginois et la «Sicca Veneria » des romains, une région qui a toujours été diffuseuse et propagatrice de mouvances créatrices.

L’ACT tente de recréer un environnement culturel au Kef, afin de permettre à toutes les classes minoritaires voir défavorisées de la région de se réunir autour d’un projet tout autant artistique qu’éducatif. Jeunes sans formation, chômeurs, diplômés chômeurs, personnes n’ayant aucun but ni aucun dessein peuvent se rencontrer autour d’une motivation commune comme l’instauration de rituels autour des arts, qui animeraient et développeraient la région, progressivement et sûrement.

Centralisée autour des pratiques théâtrales et cinématographiques comme son nom l’indique, l’action de l’ACT se veut également réunificatrice des disciplines artistiques autour d’une même cause, combattre et lutter par l’émancipation et la diffusion de la culture contre les ségrégations raciales, communautaires et sociales. Il suffit d’observer le choix de ses actions et manifestations culturelles pour comprendre que le ton de l’ACT, fidèle à la voix du Kef, est engagé.

Pour les choix musicaux d’abord, avec le groupe « Labess », « Check Point » ou l’instauration de nouveaux « types » de concert, appelés à se rééditer chaque année, comme le « Festival des Droits de l’Homme » ou celui de la « Musique alternative ». Ensuite, pour toutes les actions et activités que l’ACT du KEF organise et conceptualise. A l’instar des formations d’animateurs lors de la « Caravane Culturelle » financée par CIDEAL, avec pour mission principale la sensibilisation des parents, dans les zones rurales, à la scolarisation de leurs enfants grâce à des animations, des projections de films, des concerts et des débats. Dans le prolongement des « Journées du Cinéma des Droits et des Libertés », l’association a continué sur sa lignée, pour mettre en place le premier « Festival des Droits de l’Homme » au mois de février, en partenariat avec le Fonds Arabe pour les Droits Humains et l’Institut Arabe des Droits de l’Homme, ainsi que la collaboration d’autres partenaires.

Le message de Check Point lors de leur passage par Tunis. Crédits images ACT du Kef.
Le message de Check Point lors de leur passage par Tunis. Crédits images ACT du Kef

Du 1er au 3 février dernier, au Centre des Arts Dramatiques du Kef, le festival a donné son coup d’envoi avec un carnaval de percussions qui a démarré sur la place « BouMakhlouf », pour investir d’autres lieux de la ville. Des conférences sur les « Droits Culturels de l’Homme », des activités pour les enfants avec des ateliers de peintures, des projections de films, des concerts de musique, théâtre, exposition de photographies, ont suivi pendant les deux journées du festival, tous provenant d’auteurs, de penseurs et d’intervenants ayant un message et des propos à véhiculer.

Autre activité, autre combat, l’opération sauvetage qui a été mise en place pour sauvegarder une crèche située, presque nichée, en contrebas de l’ancien cinéma « Cirta » du Kef, un admirable espace inoccupé et abandonné depuis plusieurs années, et qui pourrait pourtant accueillir petits et grands. Un lieu, donc, à fort potentiel humain, pédagogique, éducatif et instructeur, ignoré depuis trop longtemps. Le but de cette opération sauvetage était d’abord le débat et la discussion pour tenter de trouver des solutions à cette perdition.

L’exemple du chantier du « Théâtre de Poche » qui vient de rouvrir ses portes il y a quelques jours, grâce à l’ACT et à ses partenaires, est sans doute leur action la plus parlante et la plus étonnante. Le laboratoire de travail qui s’est mis en place pour sa réouverture a déjà permis à diverses personnes d’avoir du travail et de s’occuper à réaliser quelques chose de positif pour leur ville, se sentit utile et responsable étant un vecteur d’évolution pour autrui. De plus, faire revivre cet espace, véritable mémoire de la région, bafoué et abandonné depuis tellement d’années est en soi une performance, voir une bravoure.

L’ACT milite également sur d’autres fronts. Elle s’efforce par exemple de contacter les structures représentatives des guides de Tunisie pour les appeler et les inviter à remettre le Kef dans ses circuits touristiques, et surtout à en faire une destination effervescente d’activités culturelles, pour un tourisme intelligent. Ses membres ne cessent, par ailleurs, de coudoyer les autorités et ministères de la culture et du tourisme, afin qu’ils les regardent et qu’ils prennent en considération et au sérieux leur action. Encourageante réalité, ils ont maintenant des partenaires de taille tels que l’« Arab Institute For Human Rights », « Cideal», « l’Union Européenne », le « Fond Arabe pour les droits humains » et l’IFT, Institut français de Tunisie, une des toutes premières structures de coopération culturelle qui a cru en leurs actions, en s’engageant à leurs côtés sur nombre de manifestations.

Dont la toute dernière a eu lieu le 27 Avril dernier, « Le Festival International des Très Courts », une mise en place de projections d’une cinquantaine de films simultanément dans plus de 100 villes à travers 25 pays. Un festival de courts-métrages mondialement connu et reconnu, qui pour sa première édition en Tunisie, a eu lieu au Kef. Un événement prestigieux donc, qui pour une fois se décentralise totalement et quitte les sentiers désormais battus des enceintes de la cité tunisoise. Il a également servi d’inauguration à la réouverture du « Théâtre de Poche », une réelle résurrection pour ce haut lieu de la culture keffoise.

Maintenant « ressuscité », le « Théâtre de poche » permettra certainement à la population de la ville et à l’ensemble du gouvernorat du Kef de renouer avec sa dynamique d’échanges, de rencontres et de partage autour des richesses toujours inépuisables que peuvent créer et mettre en exergue les mouvances spirituelles et artistiques.

Selima Karoui