G>D : Kamel Labidi, Ghazi Ghrairi, Leila Toubel, Besma Khalfaoui, Neziha Rjiba, Karim Bouzouita, Haythem Mekki, Taieb Laguili et Kamel Jendoubi. Tunis, Espace El Teatro. 25 avril 2013. Crédit image : Lilia Weslaty | Nawaat

La création d’un nouveau comité, appelé IRVA : Initiative pour la Recherche de la Vérité sur l’Assassinat de Chokri Belaïd, a été annoncé ce matin 25 avril 2013 à l’espace El Teatro à Tunis. Il a été mis en place par sept personnalités nationales, à savoir : Besma Khalfaoui, veuve du défunt Belaid, Ghazi Gherairi, Kamel Jendoubi, Kamel Laabidi, Taib Laguili, Naziha Rejiba et Leila Toubal. Deux autres jeunes viennent de les rejoindre, à savoir : Haythem Mekki et ce à la demande de Mme Khalfaoui, et Karim Bouzouita. Sa devise : “Non à l’oubli ; qui a tué Chokri Belaïd“. Un e-mail a été mis à la disposition de toute personne voulant aider à élucider l’affaire : irvachokri@gmail.com

Pourquoi un deuxième comité ?

Le 10 février, après 4 jours de l’assassinat de Chokri Belaid, un comité de défense d’avocats a été crée pour suivre le cours de l’enquête judiciaire sur l’assassinat. Mais voici qu’un autre comité, l’IRVA, voit le jour.

Lors de la conférence de presse, Mme Besma Khalfaoui a expliqué que l’IRVA ne se contredit pas avec le comité des avocats, bien au contraire : Pendant que les juristes font leur travail d’ordre juridique, ce comité se focalisera surtout autour la sensibilisation de l’opinion publique, sur le plan national et international.

Notre devise est :”Non à l’oubli ! Qui a tué Chokri Belaid ?” […] Malgré tous les efforts des juristes et des médias qui poussent à la découverte des meurtriers, nous, moi, nos amis, les démocrates, persévérons pour connaître le meurtrier. Cependant, tout ce que fait la société civile est encore insuffisant. Voilà 79 jours passés et nous ne savons toujours pas qui a tué Chokri. Nous voulons des preuves, sans le moindre doute, sans 0,01 doute.

Rôle de l’IRVA :

Pour Kamel Labidi, ex-président de l’INRIC, la raison principale de la création de ce comité consiste à mobiliser l’opinion publique.

Cette affaire doit intéresser le tunisien lambda. Comment garantir la justice à un simple citoyen alors que le meurtrier et les commanditaires de l’assassinat de Chokri ne sont toujours pas arrêtés ? Kamel Labidi

Pour Mme Khalfaoui, le but est clair :Centraliser la cause, pour qu’elle ne soit pas oubliée. Nous n’allons pas oublier et nous laisserons personne oublier.” a-t-elle affirmé avec défi.

Ainsi, pour que cette cause nationale soit mieux entreprise, l’IRVA a fixé dans son premier communiqué six points essentiels de son travail :

  • 1- Participer à l’établissement de la vérité à travers les appels à témoins, les recueils de témoignages et la mise en perspective de ce crime dans l’histoire récente de la Tunisie
  • 2- Veiller à ce que l’enquête soit menée de façon indépendante, impartiale objective et exhaustive
  • 3- Garantir que les résultats obtenus soient rendus publics avec diligence et que les responsables de ce crime comparaissent devant la justice conformément aux standards internationaux du procès
  • 4- Diffuser l’information par la constitution de dossiers et l’utilisation de tous les supports disponibles pour porter à la disposition de tous les informations et données collectées
  • 5- Initier et soutenir des actions en justice à tous les niveaux (national et le cas échéant régional et international)
  • 6- Entreprendre les actions nécessaires afin de sensibiliser et mobiliser les organisations et personnalités nationales et internationales.

Il n’y a pas de transition démocratique avec un assassinat politique

Après Besma Khalfaoui, la militante Naziha Rjiba a lu, le communiqué le l’IRVA. M. Kamel Jendoubi, ex-président de l’ISIE, a lui aussi donné une allocution sobre et rapide lors de la conférence. Quant à l’ex-porte-parole du Comité de l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, Ghazi Ghrairi et le journaliste Haythem Mekki, l’objet de leurs discours s’est concentré sur un point bien déterminant :

Nous ne pouvons parler de transition démocratique sans avoir élucidé l’assassinat politique de Chokri Belaid.

“Certains ne cessent de parler jour et nuit dans les médias de “fête démocratique et de “transition démocratique” en Tunisie… Comment peut-on parler de ça alors qu’il y a eu un assassinat politique ? Imaginons si Nejib Chebbi ou Béji Caid Essebsi subissent le même sort, va-t-on continuer aussi à parler de cette “transition démocratique” ?” demande ironiquement Haythem Mekki.

“Ils veulent casser son aura !”

Pour Haythem Mekki, ceux qui ont essayé de salir la réputation du leader de gauche Chokri Belaid de son vivant continuent à le faire actuellement alors qu’il n’est plus des nôtres. Pire encore, “ils” s’attaquent maintenant à sa famille avec des rumeurs et de la diffamation. En effet, sur les pages facebook proches du parti au pouvoir Ennahdha, ainsi que son journal officiel Al Fajr, les attaques à la vie privée de Chokri Belaid et Besma Khalfaoui se sont intensifiées. Cette manœuvre rappellerait peut-être aux cinéphiles le film Z où l’un des responsables de l’assassinat du héros du film lance ses directives à ses sbires en disant : “Ils faut casser son aura !“; autrement dit, salir sa réputation après sa mort … L’ironie du sort a fait qu’au début de ce film qui date pourtant de 1969, le téléspectateur est averti : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n’est pas le fait du hasard. Elle est VOLONTAIRE ». En effet, la fiction semble avoir rejoint la réalité …

Par ailleurs, ce drame en Tunisie, qui a mobilisé des milliers de Tunisiens lors des funérailles de Chokri Belai, cet avocat “boublech” qui défendait les pauvres sans contre-partie, reste au centre des préoccupations de la société civile. “La douleur ne va pas s’estomper” rappelle l’artiste Leila Toubel. De son côté, Taieb Laguili, l’un des membres de l’IRVA dont la voiture a été saccagée sans qu’il y ait vol le 19 avril dernier, a apostrophé Chokri en le “rassurant “Ils croyaient que Besma allait être seule mais nous sommes bien là pour découvrir tes assassins …”

Lors de cette conférence de presse, plusieurs figures de la scène politique ainsi que des élus du peuple de l’Assemblée Constituante, ont été présents à l’instar de Samir Bettaieb, Selma Baccar, Nadia Chaabane, Selma Mabrouk, Mongi Rahoui et bien d’autres… En effet, la mobilisation pour démasquer les meurtriers de Chokri Belaid, tué deux ans après le déclenchement de la Révolution tunisienne, est indéniablement nécessaire face à cet acte destiné en toute évidence à faire “régner la terreur” et à “instaurer la négation de l’Etat de droit”.