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Les couteaux seraient presque tirés entre la Tunisie et le petit archipel de l’océan Indien dans la bataille diplomatique concernant le cas ‘Sakhr El Materi’. Depuis maintenant près de 5 mois, la Tunisie se voit systématiquement refuser ses demandes d’extradition par les autorités seychelloises. Le gendre du despote déchu (jugé par contumace en 2011 et 2012 lors de quatre procès) avait essayé de se réfugier dans la République des Seychelles le 15 décembre 2012 et il y résiderait officiellement (avec femme et enfants) depuis au moins le mois de janvier 2013. Début avril, les autorités du pays enfoncent le clou (de guerre) en lui accordant un titre de séjour d’un an (renouvelable) malgré les exhortations des autorités tunisiennes.

La “leçon” de démocratie des Îles Seychelles…

Dans un entretien téléphonique, daté du 22 avril 2013, avec son homologue seychellois Jean-Paul Adam, le ministre des Affaires étrangères, Othman Jerandi, a réitéré la demande des autorités tunisiennes d’extrader Sakhr El Materi en application du mandat d’amener international émis à son encontre.

La demande officielle s’est vue rejetée par les autorités seychelloises prétextant l’absence en Tunisie de garanties d’un procès équitable et justifiant leur décision par la non-existence d’accord de coopération entre les deux pays dans le domaine judiciaire portant sur l’extradition d’accusés ou de criminels.

Le manque de coopération a été accueilli avec consternation et indignation du côté tunisien, le ministre des Affaires étrangères l’ayant qualifié d’« inacceptable ». Tout en réaffirmant l’importance et la légitimité de cette demande ainsi que la garantie d’un procès équitable, Othman Jerandi n’a pas manqué de rappeler que les Seychelles, tout comme la Tunisie, sont membres d’INTERPOL et se doivent ainsi d’honorer leurs engagements envers l’organisation internationale.

Malgré les critiques insidieuses qu’émet la république des Seychelles envers la Tunisie, notamment concernant les conditions d’équité du procès, la république seychelloise ne présente pas elle-même un historique irréprochable sur le terrain des droits de l’Homme et du processus démocratique. Elle a ainsi reçu de nombreuses critiques notamment sur son parti (Le Front progressiste du peuple seychellois) resté unique pendant près de 13 ans (de 1978 à 1991), ainsi que sur son ‘président’, France-Albert René, instigateur de ce même parti politique socialiste à tendance marxiste, resté au pouvoir pendant 27 ans (jusqu’en 2004).

“Seulement” un titre de séjour d’un an… mais l’asile politique reste possible

Jean-Paul Adam, qui avait récemment abordé la question du gendre de l’ex-dictateur tunisien, lors d’une interview accordée à Radio RFI, a précisé néanmoins que « L’asile politique n’a pas été accordé à Sakhr El- Materi comme il l’a demandé », mais une autorisation de séjour d’un an, son dossier étant en cours d’examen par les autorités, l’octroi de l’asile politique étant une option possible. Les autorités seychelloises avaient pourtant affirmé le 15 décembre 2012 qu’El Materi avait bien quitté l’archipel, pour l’Arabie Saoudite, après y avoir été interrogé.

Quatre mois plus tard, le voilà tout de même gratifié d’un titre de séjour en bonne et due forme, titre qui pourrait se transformer en asile politique si le gouvernement accède à sa demande. El Materi qui résiderait officiellement depuis trois mois (janvier 2013) dans une villa de l’archipel appartenant à un ami qatari (bien que le doute subsiste concernant le véritable propriétaire) y coulerait une existence de nabab aux côtés de son épouse et de ses deux enfants.

Les chances de voir El Materi purger sa peine sur le territoire tunisien restent pour le moment minces. Bien que les autorités tunisiennes aient appelé leurs homologues seychellois à privilégier la coopération constructive entre deux pays africains frères, El Materi n’aurait finalement pas à s’inquiéter. Le ministre des Affaires étrangères des Seychelles a ainsi précisé que si l’asile ne lui était pas accordé, il était plus probable de le voir expulsé vers le Qatar ou l’Arabie Saoudite qu’extradé en Tunisie.

Un énième exil doré pour le clan Ben Ali ?

Le gendre ‘bling-bling’ de Ben Ali avait atterri dans ce particulièrement accueillant archipel de l’océan Indien après avoir dû quitter le territoire qatari (où il résidait depuis sa fuite de Tunisie en 2011) en septembre 2012, suite à la visite de Marzouki à Doha.

Il avait été condamné par contumace, le 28 juillet 2011, à seize ans de prison et 97 millions de dinars d’amende pour corruption dans le cadre de deux affaires immobilières. Lors de trois procès ultérieurs par contumace (le 12 août 2011, le 3 octobre 2011 et le 29 février 2012), il avait été condamné à respectivement quatre ans de prison pour complicité et possession illégale de devises, deux ans de prison ferme et 2 000 dinars d’amende pour consommation et possession de stupéfiants, et quinze ans de prison pour blanchiment d’argent et falsification de documents. Une plainte avait également été déposée contre lui par le gouvernement tunisien pour avoir agressé Mohamed Messaoudi dans un centre commercial au Qatar.

En attendant le dénouement de l’affaire, des rumeurs concernant un possible ‘rapatriement familial’ du clan Ben Ali aux Îles Seychelles courent, insinuant que le despote déchu envisagerait lui-même de quitter son refuge saoudien et de transférer ses fonds, criminellement acquis, dans l’archipel.