Zeineb Turki du parti Al Joumhouri (à gauche) face à Zeineb Cherni, co-fondatrice du parti Al Massar et victime de torture sous le régime de Bourguiba. Tag plus loin sur le mur “Au nom de Dieu, le RCD ne reviendra pas”. Place Bab Souika, près des manifestants de Nidaa Tounes, Al Joumhouri et Massar, célébrant la journée des martyrs. Tunis. 9 avril 2013. Crédit photo : Lilia Weslaty |Nawaat

Comment les jeunes tunisiens engagés dans Al Joumhouri et Massar perçoivent-ils l’alliance de leurs partis avec Nidaa Tounes ? Pour Zeineb Cherni, co-fondatrice de Massar mais aussi ex-militante du parti d’extrême gauche Perspective et victime de torture et d’exactions innommables dans les années soixante sous le régime du Parti unique, celui du PSD guidé par Bourguiba, la prise de distance est de mise. Pour elle, “certains destouriens de Nidaa Tounes ont la responsabilité, du moins politique, de barbarie sous le régime Bourguiba. Ils n’ont fait ni mea culpa ni aveu ni demande de pardon envers le peuple tunisien qui a subi la dictature du PSD” affirme-t-elle.

Par contre, pour Zeineb Turki, âgée de 31 ans et jeune membre depuis avril 2012 du bureau politique d’Al Joumhouri, la priorité serait la réalisation d’une paix sociale en Tunisie. Pour mieux comprendre son point de vue, nous avons réalisé une interview avec elle.

Interview avec Zeineb Turki réalisée par Lilia Weslaty :

Comment avez-vous commencé votre engament politique au sein du parti Al Joumhouri ?

La période du 17 décembre 2010 au 14 Janvier 2011 a eu l’effet d’un électrochoc pour moi : la peur avait changé de camp, ce n’était plus quelques militants téméraires qui s’insurgeaient, ce n’était plus non plus la révolte d’une région contre l’injustice comme c’était le cas en 2008, c’était cette fois-ci tout un peuple qui prenait son sort en main et rejetait la dictature.

Etre le 14 Janvier devant le ministère de l’Intérieur avec autant de gens qui se tenaient debout devant ce symbole de la répression, ces gens venus récupérer la dignité que la dictature leur avait confisquée, nous étions ce jour là un peuple uni qui avait pris son destin en main.

J’avais alors acquis l’intime conviction qu’il fallait continuer le combat et mon engagement politique était devenu une évidence pour moi. C’est comme cela que j’ai rejoint le PDP (Parti Démocrate Progressiste) en mars 2011, parti dans lequel je me suis reconnue de part son passé militant et les valeurs qu’il défend.

En tant que membre du bureau politique d’ Al Joumhouri, qu’avez-vous pensé de la récente alliance de votre parti avec Nidaa Tounes ?

Je pense que les prochaines échéances électorales seront décisives pour le pays. Nous devons mettre en place les bases d’une démocratie qui repose sur une justice indépendante, des médias libres et un Etat de droit dans lequel tous les citoyens sont égaux dans et devant la loi. Il faudrait également permettre une relance économique en instaurant un climat propice à l’investissement, une politique efficiente de développement régional, des réformes du secteur de la santé ainsi qu’un ensemble de réformes économiques qui limiteraient les disparités entre les régions.

Pour cela, il faudrait que toutes les forces politiques qui défendent le même projet de société s’unissent autour d’un « contrat politique » qui s’articule autour du modèle que nous défendons pour la Tunisie. Nidaa Tounes s’inscrit dans cette perspective et nous ne serions même pas en train de parler de la pertinence de cette alliance si la majorité élue avait fait le nécessaire en matière de justice transitionnelle. Malheureusement, il n’y a pas de volonté politique réelle dans ce sens alors qu’il s’agit d’une condition nécessaire à la réalisation d’une paix sociale.

Que pensez-vous du PSD dont M. Béji Caid Essebsi et leaders de Nidaa sont issus ?

Le PSD (Parti Socialiste Destourien) fait partie de l’Histoire de la Tunisie. Il a eu parmi ses rangs des gens illustres comme Habib Bourguiba, Bahi Ladgham, Hedi Nouira, Sadok Mokaddam entre autres… Il incarne également la transformation socialiste du Néo-destour fondé par Bourguiba et ses compagnons de l’époque dont Mahmoud El Matri et dont la construction s’est faite grâce à des hommes qui ont marqué l’Histoire de la Tunisie comme Taieb Mehiri, Mongi Slim, Hedi Chaker ou encore Salah Ben Youssef.

Il s’agit donc là d’un parti qui a marqué la construction de la République post-coloniale mais aussi l’hégémonie du parti unique (suite à l’interdiction du parti communiste) et la confusion totale entre le parti et l’Etat. Afin de tirer les leçons du passé, nous nous devons d’avoir une vision réaliste et nuancée de notre histoire afin d’en garder le meilleur et d’éviter de reproduire le pire.

Que pensez-vous des éminents partis et coalitions actuellement sur la scène politique ?

La scène politique a connu de profondes transformations après les élections du 23 Octobre 2011. De la centaine de petites formations politiques et listes indépendantes qui existaient et qui avaient posé problème en matière de visibilité pour les électeurs, nous assistons à l’émergence de regroupements formés à coup de fusions et de coalitions.

  • Il y a eu d’abord le congrès fondateur d’Al Joumhouri le 9 avril 2012 qui a initié cette démarche de rassemblement à travers la fusion de neuf partis dont : Le PDP et Afek Tounes et de plusieurs autres listes indépendantes et personnalités nationales telles que Said Aïdi, Elyès Jouini, Slaheddine Sellami, Abdelaziz Rassâa Slaheddine Zahaf et d’autres.
  • Ettajdid a aussi été rejoint par le Parti du Travail Tunisien (PTT) et des indépendants du Pôle Démocratique et Moderniste pour former Al Massar.
  • Nidaa Tounes est né ensuite du rassemblement de la famille destourienne et plusieurs personnalités de gauche.

    Ces trois formations elles-mêmes, issues de fusions, ont constitué ensemble un front politique et électoral le 29 Janvier 2013 puis ont été rejointes par le Parti Socialiste et le Parti du Travail Patriotique et Démocratique (PTPD) pour former l’Union Pour la Tunisie le 15 février 2013.

L’Union pour la Tunisie ambitionne de continuer sa démarche de rassemblement en intégrant les partis et personnalités indépendantes qui partagent le projet de société tout en travaillant sur la matérialisation de cette Union à travers un programme commun sur lequel travaillent déjà les commissions mises en place et qui renferment des compétences issues de l’ensemble des formations de l’UPT.

En face il y a le camp ultra-conservateur incarné par le parti Nahdha qui n’est pas sorti indemne de l’épreuve du pouvoir mais qui aura, à mon avis, un poids considérable sur les prochaines élections. Il s’agit également du seul parti de la Troïka qui a résisté à l’épreuve de cette alliance circonstancielle à l’opposé de ses partenaires le Congrès Pour La République (CPR) qui s’est scindé en 4 petites formations et Ettakatol qui a vu un nombre important de défections dans ses rangs. Tous deux ont également perdu un nombre considérable de députés et leur survie politique est dépendante désormais de l’alliance avec Nahdha.

Dans ce camp ultra-conservateur se trouvent également les formations d’extrême droite telles que le parti Ettahrir et les partis salafistes.

La troisième composante importante de la scène politique est incarnée par l’extrême gauche qui s’est également inscrite dans la perspective de rassemblement ayant abouti à la naissance du Front populaire le 7 septembre 2012 composé de deux formations principales : Le Parti des Travailleurs (ancien PCOT) de Hamma Hammami et le parti Watad du martyr Chokri Belaïd.

Je pense que cette troisième composante jouera un rôle important lors des prochaines élections et surtout après les élections en appuyant l’un ou l’autre des deux camps incarnés par Ennahdha et l’Union Pour la Tunisie même si une alliance du front populaire avec Ennahdha me semble difficilement envisageable d’un côté parce que le Front populaire fait porter la responsabilité politique de l’assassinat de Chokri Belaïd à Ennahdha et de l’autre parce que Chokri Belaïd lui-même et une partie de ses compagnons du Watad œuvraient pour un rapprochement du front populaire avec l’Union Pour la Tunisie.

Pour les autres partis, ils vont devoir à mon avis choisir l’un ou l’autre de ces camps s’ils veulent survivre aux prochaines élections.

Une inconnue demeure cependant : le positionnement d’Al Aridha Chaabiya qui dépendent souvent des humeurs de son lunatique président Hechmi Hamdi et le poids qu’aura cette formation dans les prochaines élections.

A votre avis, quelles sont les raisons de la crise politique que vit la Tunisie depuis quelques mois ?

La crise politique que vit la Tunisie est due à plusieurs raisons :

Tout d’abord le manque de visibilité quant à la prochaine étape de la transition démocratique. L’assemblée nationale constituante navigue à vue. Nous ne pouvons pas parler de démocratie si le mandat confié par les électeurs n’a pas de fin définie. Or, en dépit de l’engagement de 9 partis représentés à l’assemblée (dont Ennahdha et Ettakatol) pour un mandat dont la durée est fixée à une année, les travaux de l’assemblée ne sont pas finis et aucune date pour les élections n’a encore été fixée même si nous nous dirigeons depuis quelque temps vers un consensus qui établira le dernier trimestre 2013 comme période probable pour la tenue des élections.

Ensuite, aucun processus de justice transitionnelle n’a été amorcé. Pire même, certains symboles de l’ancien régime ont été « recyclés » par la Troïka au pouvoir ce qui ébranle la confiance de la population en ses gouvernants. Or la réussite de la transition démocratique est corrélée à deux éléments majeurs : la vérité et la justice. Il est important pour les Tunisiens d’identifier les responsables des martyrs et des blessés de la révolution et que ces personnes soient jugées. Il y a aussi ceux qui ont été impliqués dans la corruption, la torture et des crimes divers qui doivent comparaitre devant la justice. Or la plupart d’entre eux n’ont pas été inquiétés. La justice transitionnelle est essentielle à la réussite de la transition démocratique.

Il y a également une crise institutionnelle qui ébranle l’Etat. Cette impression d’impunité surtout par rapport aux Ligues de Protection de la Révolution, de nominations partisanes, les différentes affaires qui se sont produites durant le mandat de la Troïka telles que la répression de la manifestation du 9 avril 2012, la répression à Siliana, l’arrestation de la jeune fille violée, l’affaire du doyen Kazdaghli, les violences salafistes, les meetings de partis empêchés, l’attaque des locaux de l’UGTT, etc. Toute cette violence a engendré deux martyrs : Lotfi Nagdh à Tataouine puis le 6 Février Chokri Belaïd. Et la passivité du gouvernement face aux responsables est édifiante.

Se pose également la question de l’indépendance de la justice avec la désastreuse gestion de Noureddine Bhiri qui lui a valu d’être non pas limogé comme dans toute démocratie mais promu. Un an et demi après les élections, l’instance indépendante pour la Justice n’a toujours pas vu le jour malgré la lutte acharnée de l’Association des magistrats tunisiens et la mobilisation de la société civile. Même chose pour les médias, la Troïka ne cesse d’attaquer les médias tout en affaiblissant le syndicat national des journalistes tunisiens et en entravant la démarche pour la création d’une instance indépendante comme le réclament les gens du métier.

Vient ensuite la dégradation alarmante de la situation économique qui empêche la réalisation d’un des objectifs principaux de la révolution : l’emploi. Non seulement aucune politique efficiente de création d’emploi n’a été mise en place malgré les promesses électorales, mais c’est aujourd’hui la classe moyenne qui est touchée et qui n’arrive plus à avoir un niveau de vie digne. Et c’est là tout le danger pour la démocratie naissante car la désillusion populaire et l’absence de confiance fait planer le risque d’une instabilité sociale qui risque de devenir explosive.

Qui sont les “contre-révolutionnaires” en Tunisie à votre avis ?

Je n’aime pas le terme « contre-révolutionnaires » en raison de son utilisation abusive par la Troika à des fins de manipulation de la population pour des intérêts partisans. Je me contenterai de dire que les contre-révolutionnaires sont ceux qui empêchent la réalisation des objectifs de la révolution et laisser le soin au peuple tunisien de définir qui sont ceux, qui par incompétence ou mauvaise gestion ont entravé la démarche vers la réalisation des objectifs de la révolution que sont la liberté, la dignité et l’emploi.

Le parti au pouvoir Ennahdha a organisé samedi 16 février 2013 une grande manifestation à Tunis pour “soutenir la légitimité”. Que pensez-vous de cette “légitimité” défendue notamment par le parti islamiste et le CPR ?

Le problème de la Troïka est que l’ivresse du pouvoir l’empêche de voir qu’à côté de la légitimité des urnes que personne ne lui a contesté, du moins au début de son mandat d’une année largement dépassé, il existe également la légitimité consensuelle très importante en période de transition démocratique. Nul ne peut gouverner dans une période aussi délicate en se mettant à dos tour à tour l’opposition, la société civile, les médias, les magistrats, la principale centrale syndicale qui est l’UGTT, les enseignants et une grande partie de son électorat.

Il y a aussi le fait qu’après 23 ans de dictature, le peuple n’est plus prêt à donner un chèque en blanc à ceux qui le gouvernent. Il leur confie un mandat d’une durée déterminée et il exige au fur et à mesure des résultats en accord avec la confiance qu’il leur a accordée.

Je pense que la démonstration d’Ennahdha et du CPR qui a eu lieu le 16 Février est une erreur politique majeure. Tout d’abord parce qu’un gouvernement celui de tous les Tunisiens et non d’une partie des Tunisiens. Or la présence de plusieurs ministres Nahdha et CPR à cette manifestation montre que le gouvernement est bien celui d’un parti et non celui de tout un peuple.

C’est également une erreur politique à cause de la présence des Ligues de Protection à la manifestation bien visible et revendiquée à coup de banderoles au moment même où ces ligues sont pointées du doigt par la société civile, l’UGTT et l’opposition comme étant responsables des violences ayant eu lieu dans plusieurs régions.

Cette manifestation qui s’est déroulée sans incidents alors qu’une semaine avant l’enterrement du martyr Chokri Belaïd a connu des violences dont on ignore les responsables.

A cette période délicate où la Tunisie pleurait encore le martyr Chokri Belaïd, la Troïka n’a pas joué son rôle d’apaisement et d’union mais a préféré la carte de la division des tunisiens, ce qui est une erreur morale et politique de mon point de vue.

Les jeunes, représentant la grande tranche de la société tunisienne, seront-ils à l’image de leurs prédécesseurs : Rached Ghannouchi, Beji Caid Essebsi, Hamma Hammami, Maya Jeribi, Ahmed Nejib Chebbi, … ?

Je pense que la jeunesse tunisienne ne cherche pas à être à l’image des hommes politiques mais plutôt à se reconnaître dans les valeurs incarnées par les partis dont sont issus ces femmes et hommes politiques. Nous avons vécu des décennies dans un pays où un homme incarnait l’Etat et une révolution des mentalités s’impose. Ce sont les politiques qui devront désormais être à l’image de leur jeunesse : créatifs, persévérants, courageux et résolument déterminés à vivre libres. Une jeunesse riche de sa diversité mais qui a vécu un événement unificateur qui est le rejet de la dictature et qui n’acceptera pas de sitôt que sa voix soit de nouveau étouffée et ses droits piétinés. Tous les partis politiques devront travailler afin de répondre aux aspirations de cette jeunesse qui a boudé les urnes aux dernières élections faute d’avoir trouvé un parti politique qui répond à ses attentes.

Aviez-vous eu des échanges avec la nouvelle génération des islamistes tunisiens ” (Salafistes, Ennahdha, partisans d’Ansar Al Chariaa, Hezb Ut-Tahrir, …) ?

Oui j’ai été amenée à rencontrer à plusieurs reprises des militants jeunes d’Ennahdha au cours de séminaires et formations politiques. Beaucoup d’entre eux sont frustrés de la lenteur des réformes au sein de leur parti et se posent beaucoup de questions sur les transformations nécessaires en matière de gouvernance et projet politique. J’ai un respect pour ces jeunes et certains d’entre eux sont devenus des amis. Nous avons certes des visions différentes et nous défendons des projets de société opposés mais nous pouvons échanger dans le cadre du respect mutuel.

Pour Ettahrir, contrairement à l’idée répandue, les militants de ce parti rejettent toute idée de violence. Le problème c’est que le débat avec eux atteint vite ses limites car ils ne croient pas en la république ni aux fondements mêmes de la démocratie qui leur permettent d’exister en tant que parti. Je pense donc que faute d’un processus et réflexion et de réformes, ce parti est voué à rester marginalisé ou à devenir un danger pour la démocratie tant qu’il continuera à rejeter les valeurs de la république.

Pour les salafistes, la question est bien plus complexe. Beaucoup de jeunes que j’ai eu l’occasion de rencontrer sont perdus. Ils sont dans le rejet de l’autre, dans une vision monochrome de la société et sont prêts à imposer cette vision par tous les moyens quitte à utiliser la violence. Nous sommes donc face à un enjeu important, faire valoir l’Etat de droit dans lequel tous les courants de pensée ont le droit d’exister et de s’exprimer en toute liberté tant que leur discours bannit les appels à la haine, le racisme et la violence et en même temps, être ferme face à la violence qui ne peut être permise quelle que soit son origine et appliquer la loi pour tous.

Pour Ansar Al Chariaa, il s’agit là d’une organisation dont les fondateurs ont pour la plupart un passé criminel et de lourds soupçons de proximité avec la dangereuse nébulleuse terroriste Al Qaida, il est pour moi absolument dangereux de laisser ce mouvement s’organiser, se structurer et peut-être même s’armer et continuer à endoctriner une partie de la jeunesse en perte de valeurs.

La jeunesse d’Al Joumhouri est de plus en plus active sur terrain, quel est votre apport dans votre parti et êtes-vous vraiment écoutés par vos dirigeants ?

En effet, les jeunes se sont imposés dans le parti depuis sa création et continuent à le faire à un niveau national et régional. Nous n’avons pas besoin « d’être écoutés par nos dirigeants » puisque Al Joumhouri est un parti réellement démocratique dans le sens où les décisions sont prises par les instances. Ces instances sont le comité central (véritable parlement du parti et l’unique instance souveraine entre deux congrès), le bureau politique (qui trace les orientations politiques majeures) et le bureau exécutif (direction du parti qui tire sa légitimité du mandat que lui confèrent les autres instances.). Les jeunes sont représentés dans ces différentes instances et sont donc au cœur même de la décision même si nous ambitionnons une représentativité plus importante dans l’avenir.

D’un autre côté, nous avons organisé un congrès des jeunes qui a accouché d’une instance élue : le secrétariat national des jeunes, véritable instance autonome qui se charge de la structuration des jeunes dans les régions via la création de bureaux jeunes dans toutes les sections du parti ainsi que leur organisation dans les universités. Ces deux facteurs font qu’un important lobby jeune existe au sein du parti qui influe sur toutes les décisions importantes et gagne à asseoir et à consolider son influence.

Il semblerait que les partis politiques en Tunisie n’ont pas de vrais programmes à présenter au peuple, que des principes généraux sans études et stratégies claires. Où peut-on lire le programme d’Al Joumhouri ?

Ceci n’est pas vrai dans la mesure que nous ne pouvons pas parler de programme électoral sans une date pour les élections. Il existe au sein d’Al Joumhouri différents groupes de travail regroupant les compétences du parti qui se penchent depuis des mois sur le programme du parti (groupe « santé », groupe « économie et finances », groupe « Emploi », groupe « agriculture », groupe « environnement », groupe « politique étrangère », groupe « réformes sécuritaires », groupe « réforme de l’éducation », groupe « réforme de la justice » etc.).

Suite à la création de l’Union Pour la Tunisie, ces groupes travaillent en commun avec les autres partis de

l’UPT pour l’harmonisation du programme afin de pouvoir présenter au peuple un programme commun ambitieux mais réaliste sur la base duquel les électeurs pourront faire leur choix.

Mais pour qu’un tel programme bien existant puisse être présenté, il faut d’abord éclaircir les horizons à travers une date pour les élections et la définition de la période de campagne électorale. D’ici là nous avons quand-même présenté depuis le 23 Octobre 2012 des propositions concrètes telles qu’un projet de loi sur la justice transitionnelle, un projet de loi sur la réforme des médias, un projet de loi sur l’ISIE et bien d’autres propositions constructives restées dans les tiroirs du président de l’assemblée constituante pour des raisons qui m’échappent.

Quel est votre livre “référence” en matière de politique ?

Au risque de vous surprendre, mon livre « référence » en matière de politique est un livre de sociologie politique : « La Révolution française et la psychologie des révolutions » du médecin anthropologue et sociologue français Gustave Le Bon publié en 1912.

Comment voyez-vous la Tunisie dans un an ? Y-aurait-il des élections et une justice indépendante ?

Malgré les difficultés, je reste assez optimiste quand à l’avenir de la Tunisie. Cette révolution n’a pas d’autres choix que de réussir. L’enjeu majeur pour permettre des élections dans des conditions acceptables est d’œuvrer pour une police républicaine qui garantira la tenue des élections dans un climat serein et de garantir une justice indépendante et des médias libres, garanties essentielles pour des élections libres et transparentes.

Je pense que nous avons le potentiel et les ressources nécessaires pour y arriver, il faudra par contre reconquérir la confiance du peuple, avec toutes ses composantes, afin qu’il puisse encore croire en une Tunisie meilleure.

Propos recueillis par Lilia Weslaty

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[1] : Pendant que la Troïka subissait une crise face au remaniement ministériel, une coalition électorale “Union pour la Tunisie”(UPT) est née le 21 janvier 2013. Constituée de trois partis, Nidaa Tounes, dont le chef n’est autre que Béji Caid Essebsi, d’Al Massar et du Parti républicain (Al Joumhouri ex-PDP) d’Ahmed Néjib Chebbi, cette union, notamment l’une de ses composantes “Nidaa Tounes”, subit une quasi-diabolisation des “anti-destouriens”, qui la considèrent comme le “retour programmé de la dictature.”