Une journaliste française tabassée par la police. 9 avril 2012. Crédit photo lepoint.fr

Six mois que l’Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse travaille à recenser les violences faites aux journalistes sur tout le territoire tunisien. Six mois et le résultat semble déjà positif. Au mois de mars le nombre d’agressions a diminué en comparaison avec les premiers mois du recensement, et surtout, grande fierté de l’équipe : les journalistes contactent maintenant directement l’Observatoire, ce qui signifie que cette organisation tunisienne a réussi en peu de temps à s’imposer comme association incontournable dans la défense des journalistes tunisiens, même si pour l’instant les résultats judiciaires se font attendre.

Au mois de mars il n’y aura eu « que » 16 agressions contre des journalistes en Tunisie, selon le rapport de l’Observatoire du CTPL. Une vraie diminution par rapport aux 32 agressions rapportées au mois de février, témoigne Ahlem Bousserwel, en charge du projet : « c’est une bonne baisse, même si le chiffre de 16 agressions reste un chiffre élevé » souligne-t-elle.

Et ce qui l’a préoccupe surtout c’est la nature de cette violence, car le rapport répertorie des menaces de mort proférées à l’encontre de cinq journalistes.

Au-delà de la violence physique une pression est faite sur les journalistes : certaines affaires en justice courent toujours, même si là aussi on observe un recul. Le rapport du mois de mars note également des ingérences dans le domaine de l’information publique avec l’immixtion du directeur général de la radio nationale dans la ligne éditoriale de radio Monastir et ce en plus d’avoir fait des affectations arbitraires de journalistes.

Lu seul, ce rapport de l’Observation du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse est assez sombre, mais comparé à ceux des mois précédents on note une amélioration. En effet en février le rapport répertorie 32 agressions. 13 des abus étaient commis par les forces de l’ordre qui ne semblent toujours pas avoir appris à gérer des manifestations. A moins qu’il ne s’agisse là de méthode ayant elles aussi pour but d’exercer des pressions sur les journalistes.

Le rapport du mois de janvier a relevé 28 abus ayant touchés 50 journalistes. Par ailleurs il notait une augmentation des convocations judiciaires par rapport aux mois de décembre et de novembre.

En décembre on comptait 24 abus et c’est durant ce mois que les poursuites judiciaires à l’encontre des journalistes ont explosé « En effet, 7 journalistes ont été convoqués à comparaître devant la justice et un huitième l’a été pour enquête judiciaire » note le rapport.

En novembre pour le lancement le rythme des dépassements pendant le mois était « en constante évolution ».

Une violence qui se banalise

Cette observation faite sur le long terme permet à Ahlem Bousserwel d’avoir une bonne visibilité de la situation. Finalement après ces quelques mois de travail elle constate que la violence à l’encontre des journalistes se transforme et se banalise : « Au début il y avait violence de la part des groupes politiques, maintenant on observe de la violence spontanée. Il y a une culture de la violence qui se développe et qui vient de la part des citoyens et c’est très dangereux, le citoyen prend une position négative par rapport au journaliste quelque soit le journaliste ou le média. »

La Tunisie n’éradiquera pas les violences faites aux journalistes rapidement, au contraire, car en plus de se banaliser les abus sont impunis.

Un problème que Ahlme Bousserwel déplore et explique par une raison simple : « malheureusement il n’y a pas assez de dépôt de plaintes, les journalistes ont tendance a attendre que la société civile le fasse pour eux, il n’y a pas encore de pas en avant de leur part. »

Mondher Cherni, le consultant juridique du CTLP relève que quand il y a plainte l’affaire ne donne pas vraiment de suite : « Certains portent plainte par le biais de leur avocat. Il y a quelques journalistes qui ont été entendus, mais il n’y a pas eu de suite, surtout dans les affaires qui les opposent aux forces de l’ordre. »

Mais tout de même il tient à souligner le fait que l’Observatoire a une action positive « Grâce à l’Observatoire le lieu de plainte est centralisé. Et surtout le recours à l’Observatoire est devenu automatique, les journalistes appellent aussi bien de Tunis que de l’intérieur du pays. »

Ahlem Bousserwel note aussi que l’Observatoire a réussi, en quelques mois, à s’implanter : « Au début de notre activité nous devions appeler les journalistes nous mêmes lorsqu’ils étaient agressés, alors que nous sommes censés recevoir les appels.  Maintenant le cap est passé et les journaliste appellent seuls pour nous dire ce qui leur arrive et décrire les abus en détail. »

Six mois après son lancement l’ Observation du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse a donc réussi à se connaître des journalistes tunisiens, ce qui est une bonne et une mauvaise nouvelle pour la défense de la liberté de la presse, car si les professionnels savent maintenant où s’adresser il serait plus heureux qu’aucun abus n’est a être déclaré.