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A peine deux ans après le départ de Ben Ali, la Tunisie est passée du culte de la Première dame, instauré par Leila Trabelsi et ses zélés thuriféraires, au culte du secret le plus absolu autour de l’état civil du président.

En effet, l’état civil de Moncef Marzouki, semble être le secret le plus gardé de la République. Un secret qui alimente les rumeurs les plus folles allant jusqu’à inventer au Président des présumées aspirantes.

L’état civil du Président : un secret bien gardé

La page wikipédia de Moncef Marzouki, le présente comme “divorcé père de deux filles”. Son blog comme “citoyen tunisien, né le 7 juillet 1945, père de deux filles”. Pas de trace non plus sur la page wikipédia consacrée aux Premières dames de Tunisie. Au moment où nous avons commencé cette enquête aucune trace non plus dans sa biographie officielle sur le site de la présidence.

Mais voilà que lors de la visite présidentielle en France au mois de juillet dernier, certains médias tunisiens annonçaient timidement que “ C’est à l’occasion de la visite officielle de Moncef Marzouki en France que les Tunisiens découvriront l’épouse de leur Président”.

Le Président n’est donc plus divorcé. Mieux, les Tunisiens pourront “découvrir” son épouse. Le voyage a bien eu lieu mais aucune trace de l’épouse du Président. Toujours rien non plus dans la biographie officielle de Moncef Marzouki.

Une présence pourtant bien confirmée par une source proche de l’Elysée. “La Première dame” était bien à Paris pour accueillir le Président. Elle l’a également accompagné au moins lors d’un dîner officiel donné par François Hollande en l’honneur du Président Marzouki. La presse n’a pas été conviée à ce dîner et le service presse de l’Elysée n’en a pas fait mention dans le compte rendu de la visite, publié sur le site officiel de la présidence française. Impossible donc de savoir à quoi ressemble Mme Marzouki.

Finalement, c’est une lettre envoyée à l’épouse la compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler qui nous donne plus d’informations sur cette visite officielle.

Dans cette lettre, Mme Rhein apporte son soutien à la Première dame de France suite à la publication d’une biographie non autorisée de cette dernière. Mme Rhein s’adresse à Mme Trierweiler, “à titre tout à fait personnel” et la remercie pour son accueil lors de sa visite à l’Elysée :

Lors de la visite officielle de mon mari en juillet dernier, j’ai apprécié votre accueil à l’Elysée ainsi que le temps de nos échanges avant le dîner. Je n’avais pas eu vraiment l’occasion de vous remercier du cadeau qui m’a été offert à cette occasion et que j’ai beaucoup aimé et viens ici combler cette lacune.

Cachez-moi cette épouse, qu’on ne saurait voir…

Intrigué par autant de mystère, nous avons fait notre petite enquête. Il s’avère que le Président n’est effectivement plus divorcé depuis le mois de décembre 2011. Deux semaines après son investiture. Lors d’une cérémonie intimiste, devant un notaire convié au Palais pour l’occasion, le Président a convolé en justes noces avec Dr Béatrix Rhein, éminent médecin exerçant dans un centre hospitalier de la banlieue parisienne.

Un an après, la Présidence n’a toujours pas fait d’annonce suite à ce mariage pourtant célébré au sein du Palais présidentiel. Il semble même que les Tunisiens soient les derniers à être informés de cette union.

Contacté par téléphone sur son lieu de travail, Mme Rhein, visiblement surprise, a refusé toute déclaration. Prétextant une réunion en cour, l’épouse du Président a coupé court à la conversation.

Une demande d’interview laissée sur la messagerie de son téléphone portable s’est soldée par un coup de fil de la Présidence nous signifiant que

“L’épouse du Président ne désire pas faire de déclarations publiques. Elle souhaite garder son anonymat pour continuer à vivre normalement et exercer son métier.”

Quant au secret qui entoure l’état civil du Président, l’attaché de presse du cabinet présidentiel explique :

“Le Président a toujours tenu à préserver sa vie privée pour éviter le mélange des genres. Il souhaite qu’on respecte cette volonté.”

Pourtant le mélange des genres a bien eu lieu en célébrant le mariage au sein du Palais présidentiel, lieu d’exercice du mandat présidentiel. Reste à savoir qui a payé pour les frais induits par cette cérémonie. Là encore aucune réponse de la part de la présidence.

Suite à cet échange, j’ai fait une demande d’interview du Président pour lui permettre, entre autre, de s’expliquer en personne sur cette affaire. Mes demandes sont restées sans réponses.

Impossible donc d’en savoir plus. Mais ce qui est certain c’est que l’épouse du Président continue à exercer en tant que médecin en France avec des séjours plus au moins longs en Tunisie. Mme Rhein ne semble pas participer aux cérémonies officielles aux cotés de son époux, à l’exception d’une visite de ce dernier à la faculté de médecine de Sousse et de certaines invitations d’ordre privé.

On m’a également fait savoir que le cabinet présidentiel a demandé à la garde présidentielle de diligenter une enquête pour savoir comment l’identité de l’épouse du Président a été découverte et d’étudier les risques pour la sécurité de la « Première dame ».

Autre conséquence de cet échange : l’état civil du Président a été modifié sur le site de la présidence où l’on peut désormais lire que le Président est “marié et père de deux filles”.

Aucun statut officiel pour la « Première dame »

Béatrix Rhein Marzouki est donc la 5e « Première dame » de Tunisie. Après Moufida Bourguiba, née Mathilde Clémence et Wassila Ben Ammar, première et deuxième épouse de Habib bourguiba et de Naïma Kéfi et Leïla Trabelsi, les deux épouses successives de Ben Ali.

Mme Rhein aura la difficile tâche de succéder à Leila Trabelsi, un des personnages les plus haï de l’histoire de la République tunisienne. C’est d’ailleurs certainement une des raisons de son désir de discrétion.

Malgré l’importance du rôle joué par les différentes premières dames en Tunisie, il n’existe aucun statut officiel régissant son rôle et ses prérogatives. Il existe bien dans la mission de la garde présidentielle, celle de protéger la famille du Président mais aucune information sur la prise en charge des frais liés à ses déplacements par exemple.

S’il n’y a aucune formule juridique, il existe bien des règles tacites. “Des usages”. Avec une présence pour les réceptions de chefs d’Etat étrangers. Un rôle en aucun cas politique. Un modèle calqué sur nos voisins français où le rôle de la Première dame n’est régi par aucun cadre légal.

Les usages se retrouvent aussi au quotidien. Les anciennes Premières dames disposaient d’un bureau à Carthage où elles étaient aidées par un chef de cabinet et un certain nombre de conseillers. Des cabinets qui jouaient le rôle d’un gouvernement parallèle, faisant et défaisant les ministres et les carrières.

Avec la nouvelle épouse de l’actuel Président provisoire, ces pratiques semblent appartenir au passé et le couple présidentiel tient farouchement à préserver son intimité, comme l’explique Mme Rhein dans sa lettre à Valérie Trierweiler :

Les mœurs politiques tunisiennes ne sont pas encore atteintes par la «peopolisation” et mon mari et moi avons réussi, pour le moment, à éviter tout étalage de notre vie privée sur la place publique […]

Sur le fond, nous respectons ce besoin d’intimité mais cette sur-discrétion pourrait entretenir les présomptions et les rumeurs. Mais ce qui demeure le plus surprenant c’est certainement de voir notre Président présenter son épouse à un chef d’Etat étranger et la « cacher » aux Tunisiens.

[NDLR] : Cette article a été mis à jour pour y intégrer la mention de la lettre envoyée par Mme Marzouki à Valérie Trierweiler, l’épouse la compagne de François Hollande.