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Le triomphe de la révolution islamique iranienne a redonné de l’espoir à l’islamisme sunnite dominant, mais son influence idéologique a été marginale. Le caractère confessionnel de cette révolution a limité son aura aux minorités chiites. C’est le Centre capitaliste, et en particulier le néo-libéralisme triomphant aux Etats-Unis qui influencera en profondeur les mouvements islamistes.

Confortant les courants conservateurs, le libéralisme ambiant a mis en sourdine toute la problématique de la justice sociale. Désormais, c’est la réussite individuelle qui est le moyen d’atteindre l’objectif final : l’instauration d’un pouvoir islamique.

Les couches populaires ne sont mobilisées que contre la corruption et la tyrannie du pouvoir en place. La justice est devenue synonyme d’intégrité et de probité. La redistribution des richesses est réduite à l’aumône et à l’assistance fournie par l’Etat et les particuliers fortunés.

La confrontation avec les régimes nationalistes arabes, se réclamant du socialisme, a renforcé les tendances conservatrices. L’anticommunisme notoire des Frères s’est doublé d’une hostilité radicale à l’égard de toute forme de collectivisme économique et d’intervention étatique dans l’économie. L’idée de justice sociale a été mise en veilleuse au profit de l’initiative individuelle et de la défense acharnée de la propriété privée.

L’asile et la protection offerts aux cadres de la Confrérie, par les monarchies du Golfe, ont rapproché idéologiquement les Frères du courant Salafiste et fourni les moyens financiers nécessaires à la mise en place d’un réseau d’entreprises et de services sociaux en Egypte, en Palestine, en Jordanie et au Soudan.

Le revirement des régimes en place, passant du socialisme arabe au libéralisme économique, a été une aubaine pour la Confrérie qui a réussi à s’implanter sur le terrain économique et social pour pallier les déficiences de l’Etat dans les quartiers défavorisés et les villages abandonnés.
Hostile et méfiante à l’égard des Syndicats ouvriers, la Confrérie a jeté son dévolu sur les Syndicats des professions libérales (avocats, médecins..) qu’elle a progressivement investis.

La vague néo-libérale, suscitée en Occident par les dirigeants anglo-saxons, a eu des échos au sein même de la Confrérie. Des prédicateurs New-look en costume-cravate ont supplanté les prédicateurs traditionnels à barbe et Jellaba.

Le discours est devenu plus Soft insistant sur la réussite individuelle : l’enrichissement est désormais un signe de grâce, une preuve de la bienveillance divine et un objectif louable.
Le succès de la Communauté est la résultante du succès des individus qui la composent.
Le Manager est le nouveau Saint.

L’ascension sociale des enfants de la petite et moyenne bourgeoisie s’est accompagnée d’une mutation dans l’organisation et dans le discours. Les cadres moyens, acquis au libéralisme économique, se démarquent du discours tenu par les chefs historiques.

La société de Classes n’est plus à remettre en cause, les inégalités sociales ne sont plus décriées et les aspects sociaux sont devenus limités à des actions de secours portés aux plus démunis.

Plus perméable à l’influence Anglo-Saxonne, cette approche de l’économie et de la société, allie piétisme et défense des privilèges, moralisme et apologie de la libre entreprise, conservatisme social et foi dans les vertus du marché.

S’insérant dans l’ordre capitaliste international, le nouveau credo de l’islamisme militant s’accommode de l’hégémonie économique et politique de ceux qu’il qualifiait hier des « ennemis de la Oumma musulmane ».

Son objectif n’est plus de contester cet ordre mais d’y trouver une place qui lui permet de caresser son rêve de rétablir « le Régime de Califat » en réunissant sous sa bannière tous les peuples musulmans.

Cette mutation idéologique ne cherche plus la confrontation avec un monde, autrefois jugé hostile, mais à tirer avantage de la puissance économique et organisationnelle pour s’imposer à l’intérieur, comme force dominante, et s’intégrer, à l’extérieur, à l’ordre politique mondial avec la bénédiction de ceux qui le dominent.

La réussite de l’AKP turc, lui-même issu de la mouvance islamiste, a consacré ce triomphe de l’idéologie libérale et des vertus de l’économie de marché.

Désormais la conception économique de la Confrérie s’inscrit dans le cadre capitaliste.
La seule différence avec le Capitalisme mondial est que celui de l’AKP comme celui de la Confrérie est un capitalisme qui se réclame de la Religion.

Capitalisme pieux ou feignant de l’être, il n’est qu’une variante de ce qui prévaut ailleurs sans fards ni masque.