justice-transitionnelle

Par Héla Boujneh

Après 23 ans de dictature voir plus, la Tunisie a connu la révolution du 14 janvier 2011. En effet Ben Ali a présidé la Tunisie (1987-2011) suite à un coup d’Etat qu’il a mené contre le Président Habib Bourguiba (1959-1987), durant ces deux périodes des atteintes aux droits de l’Homme étaient innombrables sous un régime politique hégémonique et absolu. Avec la chute du régime Ben Ali, il y a eu le déclenchement d’un processus de transition démocratique porteur de promesses d’élections libres, du respect des libertés individuelles et l’introduction, par ailleurs, de la notion de justice transitionnelle.

La justice transitionnelle a été, pour plusieurs pays la réponse pour passer d’un conflit interne ou d’une dictature vers l’établissement d’une nouvelle démocratie ou un système basé sur le respect des droits de l’Homme et l’Etat de Droit.

En Tunisie, le choix de recourir à un modèle de la justice transitionnelle a été clair depuis les élections de l’Assemblée Constituante du 23 Octobre 2011.

L’heure est à la recherche de la vérité de cette ère de torture et d’atteintes à la liberté et à la dignité du peuple tunisien avant le passage à un Nouvel Etat démocratique.

Le concept a vu le jour au sortir de la 2ème Guerre mondiale, il s’est développé durant la deuxième moitié des années 80 , et on a même attribué la compétence à la Cour Internationale de Justice en la matière.

Le phénomène de justice transitionnelle s’est développé pour tracer un chemin vers la démocratie et réparer les erreurs commises sous le joug des régimes autoritaires ou les atteintes commises sur les personnes et contraires en droits de l’Homme , crimes de guerre, crimes contre l’humanité.

Parmi les buts de la charte interarabe des droits de l’Homme c’est « d’enraciner le principe selon lequel tous les droits de l’Homme sont universels, indivisibles, interdépendants et indissociables »

La charte précise aussi que certains droits sont indélogeables : droit à la vie, interdiction de la torture physique ou morale, le droit à un procès équitable devant une juridiction indépendante et intègre avec toutes les garanties nécessaires, interdiction à la privation de la liberté en dehors des cas prévus par une loi antérieure etc…

« Le déclenchement du processus démocratique est avant tout une affaire de volonté politique au présent, de détermination des acteurs concernés : les peuples mais aussi des « gendarmes du Monde . »

En général, la situation post-autoritaire ou post-conflictuelle d’un pays, génère une culture de méfiance à l’égard des institutions juridiques, politiques et sécuritaires au niveau des composantes de la société.

En effet, l’héritage de violations massives, d’atteinte à la dignité humaine, des blessures issues de l’autoritarisme et des séquelles produites par l’oppression produisent une crise institutionnelle profonde et une perte de confiance dans le système étatique appelant à une réforme transitionnelle qui ne sera efficace et durable que si elle est structurellement générale et profonde.

Dans les régimes autoritaires, la violation, en outre de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 Décembre 1948, a engendré la suspension des garanties fondamentales, la restriction arbitraire de la liberté, de la sécurité et les droits fondamentaux de l’individu.

Les droits de l’homme économiques, sociaux, politiques, intellectuels et autres ont été écrasés.
Les violations des droits humains en Tunisie s’est faite à sous un régime caractérisé par l’oppression et la corruption.

Le propre de ces crimes est qu’ils sont restés impunis dans leur ensemble, engendrant ainsi frustrations et humiliations pour les victimes .

Plusieurs atteintes ont été commises au détriment des principes fixées par la loi en matière de procédures judiciaires, tels que le principe de légalité, nécessité et la proportionnalité de la peine.

Mais la promesse d’un avenir meilleur ne peut se faire sans une mise au point des atteintes et injustices commises dans le passé.

Le jugement de ces crimes est indispensable.

Cependant le recours à la justice ordinaire, ne suffisant plus pour sortir des guerres civiles et des conflits, l’on a ressenti la nécessité d’autres mécanismes pour garantir un avenir viable à des sociétés déchirées.

C’est ainsi qu’un un processus complexe comportant plusieurs phases : la recherche de vérité et l’établissement des faits, la définition des responsabilités, la sanction des auteurs, la réparation-réhabilitation des victimes, la réconciliation, est lancé il engendre l’enchaînement de plusieurs étapes transitionnelles parmi ces étapes, ce qu’on s’accorde à appeler la justice transitionnelle.

« La justice de transition ou la justice transitionnelle » est un moment déterminant de l’histoire d’un pays, d’un processus plus global dit « de transition politique » : il concerne aussi bien l’exécutif, le législatif que le pouvoir judiciaire.

-Au Maroc : Le recours à la justice transitionnelle avait pour but d’affronter les traces des atteintes des droits de l’Homme et la garantie des indemnisations la violence politique et des violations graves des droits de l’homme commises après l’indépendance du pays en 1956. Dans un premier temps, le Maroc a établi, en 1999, l’Instance indépendante d’arbitrage chargée d’indemniser les victimes des violations du passé avant de créer, en 2004, l’Instance équité et réconciliation (IER) au mandat beaucoup plus large, qui consistait à enquêter sur les violations graves et systématiques des droits humains et à formuler des recommandations pour prévenir de nouvelles violations. L’IER a cherché à introduire la perspective de genre dans son approche.

Ces éléments nous penchent à réfléchir tant sur la création, que sur la fonction et la composition de ces commissions. Sans oublier les décisions prononcées par ces dernières.

Exemple:

Au Rwanda , après les violations graves des droits de l’Homme (le génocide qui a fait plus d’un million de morts rwandais), le choix entre l’amnistie, les poursuites pénales et une commission de vérité (H/L/VD/E), était difficile à faire.

On a opté au recours judiciaire, qui une fois paralysé a laissé place aux juridictions Gacaca , qui est une forme de justice participative visant à :

• établir la vérité sur ce qui s’est passé lors du génocide
• accélérer le cours de la justice
• mettre un terme à la culture de l’impunité
• réconcilier les Rwandais »

La cohérence de la justice transitionnelle renforce l’efficacité et la crédibilité de l’effort de réforme.

Par ailleurs la justice transitionnelle laisse envisager deux choix stratégiques à adopter, c’est ou bien punir les coupables en leur infligeant une sanction ou bien recourir à l’amnistie, cela dépend aussi de la politique adoptée.

A suivre Part II : Quelle est la situation de la justice transitionnelle en Tunisie?