Rubrique préparée en collaboration avec Marsad.tn, l’observatoire de l’Assemblée Nationale Constituante
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La plénière du 31 janvier est largement consacrée à l’instance chargée de superviser la justice. Le président de la commission des juridictions, Fadhel Moussa, commence par la présentation des travaux de sa commission. Composition, mode de nomination, rôle : de nombreuses questions se posent sur ce Conseil supérieur de la Magistrature.

Désaccords persistants au sein de la commission

Le rapporteur, Latifa Habachi énonce le rapport initial en insistant sur le fait que les débats au sein de la commission se sont déroulés avec un souci de recherche du consensus entre ses membres, mais cela n’a pas permis de dépasser quelques désaccords.

L’indépendance financière et administrative du conseil supérieur de la magistrature (CSM) constitue un point de ces points de désaccord au sein de la commission. La députée Sana Mersni (Ennahdha) a insisté sur la nécessaire parité de la composition de ce conseil et a insisté sur la nécessité de criminaliser toute atteinte à l’indépendance de la justice. Elle appelle par ailleurs à garantir l’équité entre les collectivités locales dans un esprit de justice justement.

La députée Fattoum Lassoued (Ennahdha) est intervenue ensuite pour faire un exposé des quelques points de divergence du projet, notamment l’indépendance de la justice. Le 3e pouvoir doit être doté selon elle d’un contrôle interne à travers une bonne composition du conseil supérieur de la magistrature. Elle a aussi insisté sur la nécessité de garantir la réforme de la justice pour qu’elle restaure son capital de confiance, ce qui nécessite la participation à cette instance de parties autres que les seuls magistrats, notamment la société civile. Elle s’est en revanche montrée méfiante sur la proposition de la séparation entre le parquet et le ministère de la Justice.

Un projet également critiqué en séance

Nafissa Marzoukia (Ennahdha) critique plusieurs points de cet avant-projet, notamment l’absence d’immunité des magistrats, la dévalorisation du pouvoir judiciaire et la non-instauration du principe d’élection au sein du conseil supérieur de la magistrature. Une question se pose également, celle du mode de nomination des membres non magistrat du conseil, qui représente les trois quarts du conseil, une représentation disproportionnée selon Faiza Kidoussi, préfère également un système d’élection plutôt qu’une désignation.

La place des experts auprès des tribunaux et surtout l’intégration de la justice militaire dans le champ de compétence du CSM ont aussi été évoquées, eût égard aux polémiques qu’elle a provoquées par ses verdicts depuis la Révolution. Haythem Belgacem (CPR) a ainsi demandé à limiter le champ de compétence des juridictions militaires de sorte qu’elles n’aient pas le droit de juger des civils.

Pour le président de la commission, Fadhel Moussa, les interventions sont pertinentes et devraient être présentées sous forme d’amendements pour être constructives. La porte de sa commission est ouverte aux propositions jusqu’à la fin du débat sur ce chapitre, a-t-il ajouté. Hichem Hosni (indépendant) a insisté dans son intervention sur l’importance de prendre en considération les avis exposés lors du débat national.

Abondances de propositions et de remarques sur le projet de la commission

Parmi les intervenants, le deuxième rapporteur adjoint de la commission, Selim Ben Abdesselem (bloc démocratique), a plaidé pour la dualité de juridiction, permettant à la justice administrative de préserver son indépendance et son domaine de compétence. Par ailleurs, le rôle de la cour constitutionnelle sera selon lui différent de celui l’ancien conseil constitutionnel quasi inexistant sous Ben Ali.

La séance concernant les juridictions a été levée le 30 en soirée afin de laisser la place le lendemain aux travaux des commissions et surtout à la réunion du comité de sélection des candidatures de l’ISIE. Les débats en séance plénière ne reprennent que le 31 au matin.

Les propositions se sont alors suivies sur les missions du futur CSM. La garantie de son indépendance, de sa transparence et de sa neutralité suscite l’inquiétude d’élus de tous bords, notamment de la part de Hasni Badri (Aridha), Hajer Mnifi (Ennahdha), Haythem Belgacem et Faiza Kidoussi (indépendante). Cette dernière suggère même que les prochains ministres de la Justice doivent être indépendants de tout parti/courant politique. Rabeh Khraifi (bloc démocratique) ajoute qu’au même titre que l’indépendance de la Justice, l’exécution des jugements redus doit être garantie.

Les discussions concernant ce chapitre de la constitution sont prévues pour durer durant les prochaines séances et s’annoncent encore longues, tant les élus sont conscients de l’importance des différentes juridictions sur le fonctionnement des institutions.

Rached Cherif avec Marsad.tn