Deux jeunes garçons vendant des fleurs sur le bord de la route de Tabarka. Crédit image : Malek Khadhraoui | nawaat.org
Deux jeunes garçons vendant des fleurs sur le bord de la route de Tabarka. Crédit image : Malek Khadhraoui | nawaat.org

C’est une situation difficile : des gamins qui vous agrippent et vous demandent quelques pièces. Sur l’avenue Bourguiba ils vendent des petits bouquets de jasmin, veulent vous embrasser sur la joue pour vous apitoyer. Aux feux rouges ils prennent un air triste en s’approchant des vitres des voitures et tendent la main pour quémander quelques pièces… ce sont des gamins à qui on apprend à faire du cinéma. Les parents sont souvent dans un coin et surveillent d’un œil.

Des parents qui, sans doute, ne s’en sortent pas financièrement et hypothèquent la vie de leurs enfants en leur apprenant inconsciemment que l’école ne sert à rien et qu’il vaut mieux quémander. Un moindre effort qui rapporte tout de suite.

Et puis il y a aussi des gamins seuls, qui errent dans les rues. Ils sont entre 60 et 80 000 à quitter les bancs de l’école chaque année avant leur 16 ans, sans qu’aucune structure ne les accueille et ne les prenne en charge.

La Tunisie est pourtant signataire de conventions sur le Droit des enfants, une législation nationale quant à la protection des enfants existe même. Ainsi l’article 20 du Code de la Protection de l’enfant, promulgué en 1995, dispose que l’exposition de l’enfant à la mendicité est considérée comme une situation menaçant sa santé, son intégrité physique ou morale.

L’article 26 de la même loi définit l’exploitation économique comme :

« l’exposition de l’enfant à la mendicité, ou son emploi dans des conditions contraires à la loi, ou le fait de le charger d’un travail susceptible de le priver de sa scolarité, ou qui soit nuisible à sa santé, ou son intégrité physique ou morale. »

Avant la mise en place de ce Code la Tunisie avait ratifié en 1992 la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Une convention qui peut faire office de cadre législatif si le pays n’en a pas.

Avant la révolution le phénomène des enfants mendiants et « travaillant » dans les rues était moins visible. Les solutions de l’époque étaient radicales : les policiers chassaient les enfants ou les plaçaient directement dans des structures.

Aujourd’hui la situation et différente et il est temps d’apporter une vraie réponse à ce problème. La mendicité et le travail des enfants sont dus, en partie, à une inéquité sociale et à leur vulnérabilité économique. Mais il faut également prendre en compte d’autres facteurs comme l’abandon de l’école.

La signature de la CIDE a un aspect contraignant. Tous les 5 ans le pays signataire doit présenter un rapport faisant état de la situation devant le Comité des Droits de l’Enfant. Le dernier rapport produit pas la Tunisie date de juin 2010. Dans une des recommandations le Comité appelait l’Etat tunisien « à faire tout le nécessaire pour prévenir et combattre avec efficacité le travail des enfants et à rendre compte dans son prochain rapport périodique de la nature et de l’ampleur du travail des enfants ainsi que les mesures prises en vue d’appliquer les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) n°138 de 1973, sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et n°182 de 1999, concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants en vue de leur élimination immédiate. »

Le prochain rapport doit être rendu dans deux ans. Est-ce que d’ici là des efforts auront été fait ?

Le Ministère des Affaires de la femme et de la famille a organisé une conférence internationale en septembre dernier pour discuter de la place du droit des enfants et réfléchir à la mise en place d’un ombusdman, un médiateur, une institution qui permettrait de réellement protéger les enfants.

Une institution à laquelle Moez Cherif, président de l’Association tunisienne de défense des droits de l’enfant tient beaucoup : « Nous avons beaucoup de loi en Tunisie pour la protection de l’enfant mais il n’y a pas de vérification de leur application. Par ailleurs les gens et les enfants eux-mêmes ne sont pas au courant de l’existence de droits spécifiques. » La mise en place d’une telle institution permettra de mieux les faire connaître et de mieux les protéger.

Et puis il y a l’article 9 de la dernière version du projet de Constitution, qui permettra peut-être de faire avancer les Droits des enfants. Cet article stipule que l’Etat garantit les droits des enfants. Reste à voir ce qu’il adviendra de cette responsabilité dans la pratique.