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III- Béji Caïd Essebsi tente de réintégrer le Gouvernement, le 7 novembre 1969, mais il en a été exclu rapidement pour la deuxième fois, le 17 juin 1970.

Cette période a débuté lorsque Béji Caïd Essebsi a rallié Bahi Ladgham et ses amis pour pouvoir réintégrer de nouveau le Gouvernement.

En fin d’année 1969, Bourguiba était décidé de changer d’équipe gouvernementale en écartant les amis d’Ahmed Ben Salah et mettre ainsi fin à sa politique collectiviste. Également, Bourguiba était décidé de changer de politique économique en favorisant l’émergence d’une nouvelle politique économique libérale. Il voyait en la personne de Hédi Nouira l’homme qui est capable de mener à bien ce changement de politique économique favorisant le libéralisme et mettant fin à la politique collectiviste menée par Ahmed Ben Salah durant la décennie des années 60.

Mais les amis d’Ahmed Ben Salah, appuyés discrètement par Bahi Ladgham ont réapparu de nouveau à la scène politique à la suite des élections législatives et présidentielles du 2 novembre 1969. C’est alors que Béji Caïd Essebsi va tenter son forcing en se ralliant à Bahi Ladgham afin de réintégrer le Gouvernement. En effet, Ahmed Ben Salah, Bahi Ladgham, Béji Caïd Essebsi, et leurs alliés ont en majorité réussi le 2 novembre 1969 à être élus comme députés à l’Assemblée Nationale et ont pu conserver leurs mandats en tant que membres au Comité Central du P.S.D, mandats déjà confirmés lors du 7ème Congrès de Bizerte tenu du 19 au 22 octobre 1964. Quant à Bourguiba, il est réélu ce 2 novembre 1969 comme Président de la République jusqu’à la fin de l’année 1974, ce qui lui a conféré de nouveau une légitimité pour contrer ses Ministres qui sont opposés à sa politique.

Après les élections législatives et présidentielles, Bahi Ladgham a présenté son nouveau Gouvernement le 7 novembre 1969. Dans cette nouvelle composition gouvernementale, Bahi Ladgham a essayé de réintégrer une partie de ses alliés en les nommant comme Ministres dans son Gouvernement, comme Mondher Ben Ammar, Béji Caïd Essebsi, Bourguiba Junior.

Dans cette nouvelle composition du Gouvernement de Bahi Ladgham, Béji Caïd Essebsi a été nommé Ministre d’Etat, délégué auprès du Premier Ministre, chargé de la Défense Nationale.

Mais cette nouvelle composition du gouvernement de Bahi Ladgam a reçu l’opposition de Bourguiba qui voulait tourner définitivement la page aux séquelles de sa politique des années 60, conduite par Ahmed Ben Salah, Bahi Ladgham, Béji Caïd essebsi, etc…

Dans ce contexte, un nouveau gouvernement de Bahi Ladgam a été de nouveau présenté les 12-17 juin 1970 et Béji Caïd Essebsi a été démis de sa fonction de Ministre de la Défense et a été remplacé par Hassib Ben Ammar. Béji Caïd Essebsi a été nommé le 1er août 1970 comme Ambassadeur de Tunisie auprès de la France, à Paris. Cette fois-ci, Béji Caïd Essebsi s’est rendu à Paris comme Ambassadeur de Tunisie auprès de la France. Mais très mécontent de cette désignation, il démissionne de nouveau le 14 décembre 1971 de sa fonction d’Ambassadeur pour pouvoir rejoindre la Tunisie; estimant que son éloignement de la Tunisie compromettait son parcours politique (voir infra sous V).

Le 6 novembre 1970, Hédi Nouira a présenté son gouvernement en conservant dans le gouvernement le clan d’Ahmed Mestiri tout en excluant Bahi Ladgham et ses amis Béji Caïd Essebsi, Mondher Ben Ammar, Bourguiba Junior, etc…

IV- Exclu du Gouvernement, Ahmed Mestiri et ses alliés dont Béji Caïd Essebsi ont tenté de prendre le contrôle du P.S.D.

Cette période apparaît lorsque Béji Caïd Essebsi qui était un proche collaborateur de Bahi Ladgham et d’Ahmed Ben Salah, après avoir été écarté par Bourguiba du Gouvernement, tente de nouveau d’intégrer ce gouvernement en faisant cette fois-ci alliance avec Ahmed Mestiri et ses amis comme Habib Boularès, Hassib Ben Ammar… Les membres de cette nouvelle alliance vont diriger leurs efforts en revendiquant l’ouverture politique au sein du P.S.D. en essayant de diminuer l’influence de Bourguiba dans toutes les institutions tunisiennes.

Ahmed Mestiri était sincère dans ses revendications de réformer le P.S.D. et ses structures. En revanche, Béji Caïd Essebsi a été contraint de rejoindre Ahmed Mestiri uniquement par nécessité et opportunisme, tout simplement parce qu’il a été écarté du Gouvernement par Bourguiba, en deux reprises successivement, le 8 septembre 1969 et le 17 juin 1970 ( voir supra sous II et III).

Ce qui contradictoire révèlant un retournement de veste, c’est que Béji Caïd Essebsi quand il était dans le gouvernement de Bourguiba en tant que Ministre de l’intérieur jusqu’à au 8 septembre 1969, il était un défenseur de la politique de Bourguiba, dans le litige qui l’opposait à Ahmed Mestiri dès le début du mois de janvier 1968 concernant la gestion du système coopératif d’Ahmed Ben Salah et sur le manque des réformes politiques…A l’époque, Béji Caïd Essebsi s’est rallié sur la position de Bourguiba qui a rejeté les critiques d’Ahmed Mestiri, appuyant sans réserve la politique et les réformes engagées par son Ministre Ahmed Ben Salah. Le voilà, retournant sa veste, il rejoint Ahmed Mestiri.

Donnant satisfaction à la coalition d’Ahmed Mestiri et ses amis Hassib Ben Ammar, Habib Boularès, le Président Bourguiba a promis, lors de son discours du 8 juin 1970, d’introduire des réformes politiques en annonçant la constitution d’un nouveau Gouvernement et d’une Commission Supérieure du parti “P.S.D”. Ce même jour du 8 juin 1970, le bureau politique du P.S.D. a été dissous et par conséquent Béji Caïd Essebsi qui était jusqu’à ce jour membre du bureau politique quitte ce bureau politique.

Ces réformes promises par Bourguiba était déjà revendiquées par Ahmed Mestiri.

Les membres de cette Commission supérieure du P.S.D. sont désignés par le Président Bourguiba.

Cette Commission Supérieure du parti du P.S.D. qui tient lieu de bureau politique du P.S.D. sera chargée :

– de préparer des amendements à la Constitution,

– de préparer les assises du prochain Congrès,

– et de gérer les affaires du P.S.D.

Le 10 novembre 1970, Bouguiba a achevé la désignation des membres composant la Commission Supérieure du P.S.D.qui devrait comprendre les membres suivants :

Héd Nouira en tant que Président, Ahmed Mestiri en tant que Rapporteur, Mohamed Masmoudi, Bahi Ladgham, Bourguiba Junior, Abdallah Farhat, Habib Achour, Hassib Ben Ammar, Béchir Zarg El Ayoun,Tahar Belkhoja, Chedly Ayari, Mohamed Ben Amara.

Bourguiba a essayé d’introduire ses amis parmi les membres de la Commission Supérieure du P.S.D. comme Béchir Zarg El Ayoun, Habib Achour, Mohamed Ben Amara, Chedly Ayari, Tahar Belkhoja, etc.

La Commission Supérieure du P.S.D. a remis son rapport à Bourguiba le 15 octobre 1970.

Les réformes proposées par le groupe d’Ahmed Mestiri visaient à atténuer le régime présidentiel en permettant à l’Assemblée de contrôler le Gouvernement et opposer une motion de censure à son égard en cas de besoin. Mais ces propositions tout en reconnaissant le monopartisme du P.S.D. comme étant le seul garant de la stabilité politique, demandaient à ce que les désignations au sein du Comité Central et du Bureau politique du P.S.D soient l’oeuvre des élections et non pas à travers des nominations faites par Bourguiba…

Telles ont été les principales propositions des amis d’Ahmed Mestiri, Habib Boularès et Hassib Ben Ammar. Mais ces propositions n’introduisent pas, en réalité, une réelle démocratie en Tunisie puisqu’elles écartent le multipartisme et maintiennent le monopartisme du P.S.D. comme étant le seul garant de la stabilité du régime de Bourguiba. En quelque sorte, ces propositions de réformes maintiennent l’organisation absolue du pouvoir de Bourguiba sur le territoire tunisien à travers les cellules du parti du P.S.D. mais elles tendent timidement à introduire au sein du Gouvernement un équilibre du pouvoir qui reste faussé par la prépondérance des prérogatives du Président à la fois sur le Gouvernement que sur l’Assemblée Nationale.

En clair, l’objectif de ces réformes n’était pas d’introduire une réelle démocratie en Tunisie mais tendaient plutôt à diminuer les pouvoirs de Bourguiba et aussi de permettre aux Ministres qui sont en course d’accéder plus facilement à la Présidence de la République en cas de vacances, en raison de la fragilité de la santé de Bourguiba. C’est pour cette raison que Bourguiba a vu dans ces propositions une tentative de complot visant à prendre le pouvoir émanant d’Ahmed Mestiri qui était à l’époque de ces propositions le Ministre de l’intérieur.

Finalement, Bourguiba a accepté de convoquer le 8ème Congrès du P.S.D. qui s’est tenu à Monastir du 11 au 15 octobre 1971, baptisé ” Congrès de la réflexion et du décollage” pour examiner le rapport des propositions des réformes de la Commission Supérieure du P.S.D.. Plus de 1200 délégués des cellules du P.S.D. étaient présents pour former le 8ème Congrès du P.S.D.

Prenant la parole pour annoncer l’ouverture du Congrès, Bourguiba affirme que l’ouverture politique préconisée par Ahmed Mestiri n’est pas au rendez-vous en raison de l’absence de maturité du peuple et doit se faire progressivement par étapes. Bourguiba donne la priorité à la démocratisation économique plutôt que politique. Le 14 octobre 1971, devant les membres du Congrès, Bourguiba affirme ainsi :

Il est évident que je ne crains nullement d’être un jour déchargé de la Présidence de la République, au profit d’un autre, et il est moins évident que tant que je serai de ce monde, je serai maintenu à la tête de l’Etat…Ainsi, est-ce avec confiance que j’entrevois le jour où mon passage dans ce monde venait à son terme, M.Nouira me succédera, tout comme plus tard, M.Ahmed Mestiri, M.Mohamed Masmoudi, etc…

En bref, Bourguiba désavoue Ahmed Mestiri, préférant que sa succession serait son oeuvre en désignant Hédi Nouira à cet effet, pour le succéder….Il n’est pas du tout prêt à accepter que son futur successeur soit élu comme Vice-Président en même temps que lui, lors des élections présidentielles.



Le même jour du 14 octobre 1971, le 8ème Congrès du P.S.D. a procédé à l’élection des 58 membres du Comité Central du P.S.D.

Pour la première fois le Congrès du P.S.D. a procédé à l’élection des membres du Comité Central du P.S.D. d’une manière démocratique sans le recours de Bourguiba pour leur désignation.

Mais les résultats des élections ont fait apparaître le retour massif du clan de Bahi Ladgham ainsi que du clan d’Ahmed Mestiri, au détriment des alliés de Bourguiba, en première de la manière suivante ;

1- Bahi Ladgham 2- Ahmed Mestiri, 3-Sadok Mekaddem, 4-Jallouli Farès, 5- Hédi Nouira, 6- Mohamed Ben Amara, 7- Béji Caïd Essebsi, 8- Mohamed Masmoudi, 9- Hassib Ben Ammar,10-Taëb Slim, 11-Rachid Driss, 12-Ferjani Bel Haj Ammar,13- Taïeb Sahbani, 14-Habib Boularès, 15-Sadok Ben Jemaâ, 16-Mustapha Filali, etc….

Comme on le voit, Béji Caïd Essebsi a été de nouveau élu comme membre du Comité Central ce jour du 14 août 1971.

En plus de ce vote des membres du Comité Central du P.S.D., les Congressistes du P.S.D ont voté une résolution allant à l’encontre du voeu de Bourguiba en prévoyant qu’en cas d’absence du Président, ou décès, l’intérim serait assuré par l’Assemblée Nationale. Également, les Congressistes du P.S.D. ont voté une deuxième résolution prévoyant que les membres du bureau politique du P.S.D. devrait être élu par le Comité Central du P.S.D. durant la tenue du Congrès du P.S.D. et non désigné par Bourguiba en dehors du Congrès. Mais Hédi Nouira a repoussé l’élection des membres du bureau politique pour qu’elle puisse se faire en présence de Bourguiba qui n’était pas présent.