FTDES

Pour commémorer la journée internationale des migrants, qui aura lieu demain 18 décembre, le Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES) organise toute une journée de rencontre sur l’avenue Bourguiba. En amont de cette journée d’activité, le FTDES a tenu aujourd’hui une conférence de presse pour présenter un bilan de son action de l’année 2011. Une conférence qui a permis de parler, entre autres, des migrants tunisiens disparus en mer et exiger des réponses de la part d’un gouvernement qui reste muet.

Sur la quatrième de couverture du rapport distribué par le FTDES, on peut lire : « Un silence insupportable ». Insupportable, irrespectueux et bientôt un silence fruit du temps qui passe et qui efface les mémoires. Malgré cela, les mères ne se taisent pas et veulent toujours savoir ce qu’il est advenu de leurs enfants. En 2011, suite à la révolution 40 000 Tunisiens seraient partis vers l’Italie sur des embarcations de fortune, et d’après le FTDES, 1000 d’entre eux auraient disparus depuis. Que sont-ils devenus ? Sont-ils morts en mer ou sont-ils internés dans des camps de rétention en Europe ? Ont-ils été interceptés puis renvoyés ? Où sont-ils arrivés en Italie ? Qu’est devenu Fourat El Garchi, 18 ans à peine, lorsqu’on perd sa trace ainsi que celle des 155 autres migrants embarqués dans la nuit du 29 au 30 mars 2011 ?

Dans son rapport concernant les migrants morts en mer, le FTDES explique que la plupart d’entre eux étaient des jeunes hommes, élèves ou étudiants, issus de quartiers défavorisés. Loin de l’image de délinquants ou de partisans de l’ancien régime qu’on a voulu coller aux migrants tunisiens dans les médias européens, on se retrouve confronté à la réalité de la vie d’une jeunesse désabusée partie chercher ailleurs ce qu’elle ne trouvait pas ici. Car, c’est le manque de perspective d’avenir qui a poussé ces jeunes à partir. Comment expliquer sinon que 46% des partants avaient entre 15 et 24 ans ?

Pour le FTDES, les morts en mer sont « des victimes d’une politique européenne de refus des visas, d’enfermement et d’expulsion des migrants, doublée d’un contrôle de plus en plus étroit des frontières terrestres et maritimes. » Car, s’ils prennent la mer et qu’ils y meurent, c’est parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Ces jeunes disparus sont l’incarnation du déséquilibre qui existe entre les peuples : ceux du nord sont libres de voyage quand ceux du sud voient leur déplacement soumis à condition.

Les frontières sont partout, difficile de bouger sans être attrapé, la mer méditerranée est surveillée. Entre le travail de l’agence européenne Frontex, les douaniers tunisiens et italiens et la surveillance de l’OTAN, qui patrouillait pour faire observer l’embargo sur la Libye, on peut s’étonner du fait que ni la Tunisie, ni l’Italie, ni l’Europe, ni l’OTAN n’aient de renseignements sur les disparus.

Le FTDES recommande au gouvernement tunisien la mise en place d’une commission mixte concernant les disparus qui pourrait être composée de membres des familles des disparus, d’experts de la société civile ainsi que d’experts étrangers. Car, comme l’explique Abderrahmane Hedhlil, président du FTDES, lorsqu’il y a des disparus, il est difficile pour la société civile de travailler seule, étant donné que cette démarche implique l’administration, des gouvernements, ainsi que des institutions que la société civile ne peut pas contraindre.

Pour M. Hedhlil la mise en place d’une commission est nécessaire, ne serait-ce que par respect pour les familles des disparus qui ont besoin d’avoir des réponses et de voir qu’une démarche a été entreprise.
Le silence insupportable du gouvernement est un mutisme d’incompétence et de manque de considération face au peuple dans le besoin. Une mère de disparu le soulignait : ce ne sont pas des fils de médecins qui sont morts, ce sont les enfants du petit peuple.

Le FTDES recommande également que les autorités européennes et que l’OTAN fournissent les données permettant d’éclaircir le sort des disparus.

A l’occasion du 18 novembre décembre et de la journée des migrants, les familles continuent d’espérer que le gouvernement tunisien prenne ses responsabilités. Les populations des deux rives, comme la société civile, sont mobilisées autour de la question des disparus. Il est donc plus que temps que le gouvernement se penche sur la question et donne des réponses à ces mères qui cherchent encore leurs enfants.