Une grenade du type Triple Chaser grenade du fabriquant Federal Laboratories, contenant du gaz CS, utilisée par les forces de l'ordre contre les manifestants à Siliana. Crédit image : Malek Khadhraoui | www.nawaat.org

Suite au premier article rédigé le 30 novembre dernier Siliana : un composant chimique nocif dans les bombes lacrymogènes concernant le composant chimique CS, présent dans les grenades lacrymogènes utilisées par les forces de l’ordre lors des événements de Siliana, nous avons continué nos recherches grâce aux indications d’une lectrice. Il existe de nombreux articles, rapports et documents sur le CS et sur ses effets sur la santé. En voici quelques uns.

Les manifestations ont cessé à Siliana, les gaz lacrymogènes se sont dispersés depuis longtemps mais leurs conséquences, elles, peuvent encore se faire sentir. L’utilisation des gaz lacrymogènes à base de CS est un véritable danger pour la santé si bien qu’il y a un peu plus d’un an, en juillet 2011, un parlementaire européen grecque, Michail Tremopoulos, s’inquiétait de l’utilisation de gaz lacrymogène à base de composant chimique CS. Ces gaz avaient été utilisés au mois de juin 2011 contre des manifestants grecs. Or comme l’explique M. Tremopoulos : les conventions internationales comportent des dispositions interdisant formellement leur utilisation en temps de guerre (Protocole de Genève de 1925, Décision de l’ONU no 2603/16-12-1969, Convention de Paris de 1993).

M. Tremopoulos se base sur différents rapports détaillant les effets immédiats de l’utilisation du CS. Notamment un rapport d’un manuel de chimie utilisé par l’armée allemande qui explique que : «Ce gaz provoque une irritation intense des yeux et du système respiratoire supérieur. En l’espace de quelques secondes, il occasionne une vive brûlure, et une inflammation douloureuse. L’empoisonnement par ce gaz provoque un sentiment de panique tendant à aggraver les symptômes, si bien que les personnes atteintes ne sont plus capables ni d’inspirer ni d’expirer. »

Il se base également sur une description de l’Institut national de recherche et de sécurité en France pour les effets à long terme : « Irritation de la peau, des yeux et des voies respiratoires, troubles de la digestion, maux de tête, réaction allergique probable, brûlures de l’épiderme. En cas de toxicité chronique, la substance peut être cancérigène, occasionner des ulcères de la peau et de la cloison nasale et, en cas d’ingestion, provoquer des lésions aux reins

En 2001 c’est un communiqué de Quebec Medical Team qui met en garde quant à l’utilisation des gaz lacrymogènes et s’indigne du fait que 70 pays auraient interdit l’utilisation des gaz lacrymogènes alors que le Canada continue à l’utiliser.

Le communiqué canadien reprend les informations developpées dans un rapport du Parlement Européen. Un rapport datant de 2000 explique que le CS cause une sensation de brulure oculaire qui peut obliger à fermer les yeux, des irritations au niveau des voies respiratoires, des sensations de brûlures au nez, de la toux, qu’il irrite la peau, des perforations de l’estomac, des oedemes pulmonaires qui peuvent être mortels, les personnes touchées finissant par s’étouffer, des problèmes cardiaques, des problèmes au foi et que même une légère exposition augmente la pression sanguine et provoque, chez certaines personnes, une peur temporaire de la lumière,

Rapport du Parlement Européen sur Les technologies de contrôle de foule

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Au milieu de la page xxi de ce rapport on peut lire un avertissement de la part de Federal Laboratories, concernant un des projectile de gaz lacrymogène qu’il fabrique qui existe à base de CS : « One US based CS manufacturer, Federal Laboratories, has warned that “Firing one Federal No. 230 Flite-Rite [tear gas projectile] in a room [eight-feet by eight-feet by seven-feet], could endanger the life of an average subject if he stayed in the room for seven minutes. »

« Une entreprise américaine fabricant du CS, Federal Laboratories, prévient qu’un « tir d’une Federal n° 230 Flite-Rite [projectile de gaz lacrymogène] dans une pièce de [huit pieds par huit pieds par sept pieds], pourrait mettre en danger la vie d’un individu normal si il reste dans cette pièce durant sept minutes. »

En continuant les recherches on se rend compte que le département des vétérans du gouvernement australien a également rédigé un document sur le CS. Ce document condense différents résultats de recherches menées sur les effets du CS. Des conclusions qui émanent aussi bien de scientifiques que d’un rapport de 1999 du Ministère de la Santé britannique par exemple.

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Dans sa question au Parlement Européen Michail Tremopoulos demandait, à juste titre, comment une arme chimique interdite d’utilisation en temps de guerre pouvait être utilisée contre des citoyens par les autorités du pays en temps de paix ?

Il se trouve qu’en 1967 la Tunisie a également ratifié le Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques. Pourquoi alors utiliser de manière aussi disproportionnée des gaz contre des civils en temps de paix ? D’autant plus que la dangerosité du composant CS est avéré ?

Impossible pour l’instant de recueillir le point de vue de BAE System, ancien propriétaire de Armor Holdings, qui avait acheté Federal Laboratories, le fabricant d’une des grenades de gaz à base de CS, utilisée la semaine dernière à Siliana.

Nous avons tenté de joindre un responsable de Safariland, compagnie qui possédait Defense Technology, qui produisait les grenades Triple chaser lorsque Federal Laboratories, tout comme Safariland, appartenait à BAE System. Personne ne nous a répondu pour le moment.

Et comme nous l’expliquions dans le précédent article le chargé de communication du ministère de l’Intérieur, Khaled Tarrouche, n’était pas en mesure de répondre à nos questions quant au matériel utilisé par les forces de l’ordre.