Festival de la Mémoire Tunisie

Organisateurs

Pour la première fois en Tunisie, un festival traitant de la mémoire aura lieu très bientôt, du 6 au 8 décembre à Tunis. Un retour vers le passé, vers l’Histoire du pays, sera l’objet de cette initiative pionnière de l’association Labo’démocratique, co-organisée avec le Mémorial Berlin-Hohenschönhausen et soutenue par le ministère des Affaires Etrangères allemand. Des personnalités telles que Mokhtar Trifi, Slaheddine Jourchi, Mokhtar Yahyaoui et Hubertus Knabe, directeur du Mémorial Berlin- Hohenschönhausen, seront présentes.

Objet

L’objet du festival se concentre sur la mémoire, notamment des régimes dictatoriaux qu’à connu la Tunisie et la question des droits de l’Homme. L’évènement sera abordé non seulement avec une approche nationale mais sera tourné également vers l’expérience de l’Allemagne de l’EST, la RDA où la censure, la torture et la Stasi (police politique à la RDA) étaient les mots d’ordre.

Programme à découvrir !

Dans le programme de la première édition du Festival de la Mémoire (Cliquez ici pour lire le programme), dix associations seront conviées à présenter leurs activités tout au long des trois jours du festival. Des projections de films, des agoras de débats mais aussi de la poésie- groupe des jeunes Klem Echeraa– sauront agrémenter les visiteurs et aborder la mémoire sous un angle à la fois artistique et culturelle.

Où se déroulera les festival ?

L’endroit où se déroulera cette manifestation est tout à fait inédit. Autrefois symbole des tours de contrôle de la dictature et de la corruption où se rassemblaient les thuriféraires du Président déchu, c’est au local même du RCD de la Casbah, près du coeur du pouvoir, à savoir la Place du gouvernement, qu’aura lieu l’évènement. S’approprier cet endroit pour organiser un tel festival n’est autre q’une revanche de l’Histoire, de citoyens volontaires comme Farah Hached, Hamza Chourabi, Marouan Zbidi, Sameh Kricheh et Asma Laabidi pour offrir aux visiteurs la possibilité de récupérer un bien public longtemps confisqué par les sbires du système.

Interview avec Farah Hached, Présidente de l’association Labo’Démocratique et organisatrice du festival

Nawaat : Mme Farah Hached, l’initiative du Festival de la Mémoire est pionnière en Tunisie, quel est son objet ?

Depuis le 17 décembre 2010, c’est la première fois dans l’histoire de la Tunisie que les Tunisiens écrivent enfin leur propre histoire et ont l’opportunité de définir leur mémoire collective, qui a été souvent confisquée, voire niée par les dictatures successives, y compris celle de l’époque coloniale.

Nous pensons, au Labo’ Démocratique, que la question de la mémoire doit appartenir à la société et non pas aux gouvernants, aux partis politiques, aux experts ou à un individu seul. L’intervention de ces différents acteurs est nécessaire mais elle ne doit pas exclure la société du débat, toute la société.
C’est pour cela que nous avons lancé un festival, par nature ouvert à tous, qui traitera des thèmes mémoriels non pas uniquement avec des conférences d’experts mais aussi à travers des activités artistiques et culturelles.

Le festival permettra également aux associations travaillant dans le domaine de la justice transitionnelle de se faire connaître.

Nawaat : Vous avez crée l’Association Labo-Démocratique et vous poursuivez des actions inédites dans le domaine de la mémoire et du traitement des Archives de la police politique. Cette tâche est loin d’être facile, pouvez-vous nous parler de vos motivations ? ( d’ordre personnel de préférence-qu’est ce qui vous a poussé, vous personnellement, à entamer ce travail gigantesque avec votre équipe ?)

Notre travail consiste à créer le débat et faire des propositions sur des questions tournant autour de la notion de démocratie. Le thème de la mémoire et des archives et fichiers de police fait partie de notre domaine d’intervention.

Nous avons choisi ce thème car nous pensons que les services de renseignement ont été au cœur de la dictature. On ne peut avoir une démocratie si on ne crée pas des lois particulières relatives aux services de renseignement et leurs archives/fichiers. Dans le cas contraire, les futurs gouvernants utiliseront le même système mis en place par la dictature et deviendront des dictateurs.

Pour ce qui concerne mes motivations personnelles, je pense que c’est mon histoire familiale qui m’a poussé vers ce thème. Mon père, qui a passé toute sa vie à chercher la vérité sur l’assassinat de son père, Farhat Hached, m’a transmis la même soif de découvrir la vérité. Je sais combien il est important pour les familles de ceux qui ont perdu un proche à cause de l’agissement d’un Etat d’obtenir au moins reconnaissance.

Sur le site du festival de la mémoire qui aura lieu à Tunis du 6 au 8 décembre, on trouve le programme en intégralité. Vous m’avez parlé de votre souci de diversité des invités, pouvez-vous en dire plus à nos lecteurs ? Et pourquoi êtes-vous sourcilleuse sur ce point ?

La question de la mémoire touche tous les citoyens. Elle ne doit pas être instrumentalisée. Sinon, elle peut engendrer une division profonde de la société, ou un retour à la dictature. Nous souhaitons, en tant que membres de la société civile que toutes les sensibilités s’expriment lors de notre festival pour que les débats soient les plus riches possibles, dans la sérénité.

Le rôle de la société civile est de s’intéresser aux hommes et aux femmes et non pas à aux idées partisanes. Elle doit être une courroie de transmission entre la société d’une part et les gouvernants d’autre part. Dans ce cadre, elle se doit de rester neutre et d’être à l’écoute de toutes les sensibilités politiques.