Crédit : Calem

L’homosexualité reste un grand sujet tabou dans beaucoup de pays. Quand on se découvre homosexuel alors que l’on est croyant, l’acceptation est encore plus difficile, car en plus de devoir faire avec le regard des autres on doit combattre ses propres idées reçues. Ludovic-Mohamed Zahed est passé par là. Il milite aujourd’hui au sein de l’association qu’il a crée en France et d’une confédération d’associations qu’il a réussi à mettre sur pied.

La mer a beau être une barrière physique, ce qui se passe d’un côté de la méditerranée a forcément un impact sur l’autre rive. Et quand les membres de l’association Homosexuels Musulmans 2 France (HM2F) reçoivent chez eux des hommes et des femmes du monde entier, persécutés et fuyant pour une vie libre, ils sont alors persuadés qu’en travaillant pour un Islam de paix et de tolérance, qu’en luttant contre l’islamophobie et l’homophobie ils peuvent permettre à beaucoup de vivre sans se cacher.

Il est aujourd’hui encore difficile de parler d’homosexualité, surtout par ici. S’afficher et vivre libre n’est pas permis. Alors les membres de la communauté homosexuelle cultivent l’entre-soi et le masque. C’est ce qu’explique Ludovic-Mohamed Zahed fondateur de HM2F et coordinateur international de la Confederation of Associations LGBTQI European and Muslim (CALEM). Un confédération d’associations internationales autour de l’homosexualité, l’islamophobie et contre les discriminations en générale.

« En 2009 Tarik Ramadan a publié Islam et homosexualité, un article où, pour défendre l’Islam il explique qu’elle n’est pas la seule religion au monde a considérée l’homosexualité comme une perversion et un déséquilibre. J’étais outré de voir cet homme parler au nom de l’Islam. Il parlait là au nom de ma religion avec laquelle j’ai eu beaucoup de mal, que j’ai rejeté avant d’y revenir. »

Voilà comment est née l’association HM2F.

Adolescent Ludovic-Mohamed était très pratiquant. Quand en grandissant il se découvre homosexuel il lui faut une longue réflexion avant d’arriver à s’accepter. Il est passé par un long travail d’auto-définition et d’auto-détermination. Car il faut du temps et du recul pour réussir à y voir clair… quand autour de soi tout dit que l’homosexualité est une tare, quand on a grandit imprégné de cette idée.

Via l’association Homosexuels Musulmans 2 France, il travaille sur deux axes : la lutte contre l’homophobie au sein de la communauté musulmane principalement en s’attachant à déconstruire les préjugés, à désamorcer l’utilisation de textes religieux servant à justifier l’homophobie ou la misogynie ; la lutte contre l’islamophobie, le racisme et toute forme de discrimination au sein de la communauté LGBT.

« Le but essentiel de l’association HM2F c’est avant tout d’aider les musulmans qui appartiennent à une minorité sexuelle, à pouvoir vivre leur héritage culturel et vivre leur sexualité de manière apaisée sans avoir à rejeter ce qu’il sont ou essayer de se convertir à l’hétérosexualité, des solutions qui ne marchent pas et qui ne font que torturer les gens » explique-t-il.

L’association comptent différentes commissions orientées vers la réflexion, la publication et la communication : réflexion et Islam, prière et méditation ou encore sexualité prévention et sérodifférence… Ces commissions publient des articles, organisent des rencontres, des événements, des colloques.

« On invite des gens, on débat librement. Nous ne sommes pas dans la provocation car en fait nous donnons dans le témoignage personnel. Il est donc difficile d’aller à l’encontre de ce que les gens disent, car ils racontent leur vécu. C’est difficile de condamner les gens pour toutes les choses qu’ils n’ont pas choisi dans leur vie. Même les plus extrémistes sont souvent démunis devant ces situations. On passe ainsi par dessus l’homophobie et par dessus la dogmatique religieuse sclérosée et conservatrice. »

La confédération s’est mise en place à partir du moment où Ludovic-Mohamed a constaté qu’il existait peu d’action visant à défendre la communauté homosexuelle et musulmane : « Il y avait une association en Afrique du Sud et une aux USA, mais rien d’autre pour aider les musulmans homosexuels, alors que la société musulmane est en grande partie homophobe. »

Après avoir organisé plusieurs conférences dans différentes villes d’Europe CALEM se prépare pour une conférence à Paris, avant d’essayer de venir ouvrir le débat à Tunis.

« C’est compliqué mais on avance car il faut aider des gens »

explique Ludovic-Mohamed.

CALEM travaille d’abord en Europe, mais des associations et des représentants d’association d’Afrique du Nord sont souvent invités. Ludovic-Mohamed le sait bien : il faut un travail collectif.

Un travail de débat de fond avec des portées pratiques et réelles. « Il faut lutter pour des droits au quotidien. Dans les conférences CALEM les gens témoignent souvent de leur parcours personnel, même si il s’agit d’intellectuels. Il est essentielle d’insister sur la liberté individuelle et sur l’autodéfinition : « C’est à moi de dire qui je suis. C’est à moi de dire ce que je suis et ce que je veux en faire dans la vie. » Et en fait ceci s’applique pour tout le monde. »