Crédit TF1/LCI

Le 1 août dernier a eu lieu, au sein de la commission des droits et libertés de l’ANC, un vote sur des la protection des droits de la femme. Une protection édictée en des termes ambigues puisque la femme y est décrite comme « la partenaire de l’homme ». Selma Mabrouk, une député du parti centriste Ettakatol (TKTL) qui siège au sein de cette commission a d’ailleurs publié une note témoignant de sa frustration sur facebook, juste après le vote : « Mauvaise Journée à la Commission Droits et libertés ».

On peut y lire *:

L’Etat assure la protection des droits de la femme et ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l’homme au sein de la famille et en tant qu’associé à l’homme dans le développement de la patrie.
L’Etat garantit l’égalité des chances pour la femme dans toutes les responsabilités.
L’Etat garantit la lutte contre la violence faites aux femmes, quelqu’en soit la sorte.

La clause a été approuvée par le vote 12 députés, dont 9 du parti islamiste Ennahda. Les votes des député de ce parti se sont fait à l’unanimité, comme toujours à l’Assemblée.

Même en laissant de côté le langage cru et vulgaire utilisé par la clause, il reste que le fait que la constitution d’un pays qui définit la femme et ses droits comme complémentaires à l’homme est une grande injustice. Le vrai débat ne doit pas être centré sur les droits des femmes. Il devrait se concentrer sur les droits humains, sur les droits des citoyens. Reléguer le rôle de la femme à la complémentarité d’un homme peut avoir de graves répercussions sur les générations à venir. La clause insinue que les femmes ne peuvent pas être autonomes et complètes par elles-mêmes et qu’elles sont dépendantes des hommes.

D’innombrables philosophes, psychanalystes, historiens ont défini les hommes comme des êtres humains et les femmes comme de simples femelles. L’homme est l’être humain modèle, tandis que la femme, elle, ne peut qu’espérer le devenir un jour ou être reliée à un d’entre eux. Aujourd’hui, au XXIeme siècle, allons-nous tomber dans le même piège ?

En définissant les femmes comme étant complémentaires, nous volons une partie du potentiel de la femme tunisienne et ceci est autant préjudiciable à la société qu’aux femmes elles-mêmes. Dites-moi dans quelle partie la constitution mentionne-t-elle les hommes comme « complémentaires » des femmes?

La clause est encore à l’état de proposition, même si elle a été votée et approuvée par la commission, chaque copie finale des commissions devant être approuvée par « un comité central de coordination », puis passer une nouvelle fois au vote au sein de l’Assemblée plénière.

La note de la députée Selma Mabrouk a rapidement circulée sur les sites de réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter et les citoyens ont été rapidement mis au courant de la polémique. L’indignation exprimée en ligne en réponse à la clause permet donc de garder espoir. Alors que la majorité des tweets au sujet de la clause était plutôt sarcastiques (le hashtag # Complémentarité a été repris sur les comptes Twitter tunisiens), on sentait qu’il y avait au fond une grande préoccupation. De tous les aspects de la constitution qui inquiétés les Tunisiens, les droits des femmes était le dernier sur la liste, les acquis des femmes en Tunisie étant inégalés dans le monde arabe et les Tunisiens en étant trés fiers.

Une députée membre du parti de centre-gauche du Congrès pour la République (CPR), qui fait partie de la coalition au pouvoir avec Ettakatol et Ennahda, a voté en faveur de la proposition. Ce vite a crée une polémique au sein des instances du parti, surtout parmi les jeunes. Dans l’ensemble, la clause (qui était à l’origine une proposition de Ennahda) ne semble être approuvée que par ses défenseurs. Ce qui n’est pas vraiment significatif puisque le parti islamiste constitue la pluralité de l’Assemblée.

Terminons ici avec une définition de la femme de Simone de Beauvoir, d’une grande simplicité :

« Pour nous, la femme est définie comme un être humain en quête de valeurs dans un monde de valeurs. »

Si seulement les députés de l’Assemblée qui ont voté pour cette clause pouvaient le comprendre !

Traduit de l’anglais par Sana Sbouaï