Les articles publiés dans cette rubrique ne reflètent pas nécessairement les opinions de Nawaat.

En précurseurs de la visibilité homosexuelle en Tunisie, vous faites acte de civisme, car le militantisme auquel vous vous adonnez courageusement concerne non seulement votre propre cause, mais aussi celle de toutes les minorités. Un magazine comme le vôtre est en effet nécessaire et utile dans le paysage médiatique tunisien dans le cadre du combat de tous pour la diversité et le droit de tous les citoyens tunisiens aux libertés, toutes les libertés.

Or, c’est au niveau des choses du sexe que ce combat est le plus délicat, non pas tant du fait d’une prétendue résistance de la société ou d’un supposé anathème de la religion, comme on le conclut par trop vite — car cela ne relève que du pur mythe —, mais bien pour cause de résistance farouche des serviteurs d’intérêts égoïstes, ces ennemis irréductibles de l’émancipation des couches populaires de leur contrôle et magistère moral.

En effet, ni l’islam dont je fais une lecture postmoderne ni la société que j’étudie en profondeur ne sont opposés à l’homosexualité en tant que telle, une homosexualité que je qualifierai de responsable; et j’aurai l’occasion de le démontrer dans de prochains articles.

Je dis responsable, car il est une tendance dans le milieu gay, dictée certes par le rejet dont ils font l’objet, et qui verse allégrement dans l’outrance. Passe encore s’il ne s’agit que d’outrance gratuite ! Or, cette outrance viole parfois des principes intangibles comme le droit irréfragable que tout un chacun possède sur sa propre image.

Je m’explique. À la faveur de la liberté retrouvée par le pays, certains de nos jeunes se sont adonnés, moyennant finances parfois, à des séances intimes filmées et ils croyaient naïvement qu’elles devaient rester dans le cadre strictement privé, en tout cas confidentiel. Or, ils se rendent compte après coup que leurs ébats (qui sont, rappelons-le, des délits selon les lois du pays encore en vigueur) se retrouvent sur internet, et ce directement ou par ouï-dire, car les sites concernés restreignent généralement leur accès pour ce qui concerne la Tunisie.

Il va de soit que l’on est ici en face d’une violation caractérisée d’un principe essentiel du droit. Ainsi, ces sites, s’ils prennent la précaution d’insister sur le fait qu’ils ne mettent en scène que des jeunes majeurs, ne disent rien sur le second élément essentiel relatif à l’obtention nécessaire de l’accord des jeunes concernés à être ainsi affichés.

De fait, ayant souvent payé les séances en question, les responsables de ces sites se considèrent déliés de tout devoir de respect envers ces jeunes censés s’être vendus à eux, corps et âmes, comme des esclaves et ne possédant désormais plus le moindre droit sur leur image, devant ainsi accepter sans broncher le fait accompli d’être exposés au regard de tout-venant. Et ce qui les encourage à agir de la sorte est l’impossibilité de fait comme de droit dans laquelle se retrouvent les jeunes ainsi blousés de prétendre faire prévaloir leur droit à l’image et de faire cesser tout usage non autorisé de celle-ci.

Or, Gayday Magazine qui n’a pas manqué de se faire l’écho de ma lettre en arabe adressée au cheikh Ghannouchi dans laquelle j’ai évoqué le droit des minorités, y compris les homosexuels, n’a rien dit de la seconde lettre en français ni surtout de celle adressée à Monsieur Dilou dans lesquelles j’ai évoqué en détail cette question, appelant à ce que l’on tende la main aux jeunes tunisiens victimes innocentes d’arnaques caractérisées, mais ne pouvant rien faire du fait de l’état actuel de notre législation.

Pareil silence de la part du magazine, s’il n’est pas coupable, ne peut que traduire une gêne, car ce dont je parle n’a certainement pas dû échapper à l’attention des militants que sont ses membres, eu égard à la nature de microcosme du milieu homosexuel, surtout en Tunisie. Or, en véritables militants des droits, ils ne peuvent ignorer la gravité de la question soulevée par mes articles.

Aussi, au nom de leur combat pour une vie homosexuelle normale en Tunisie, un combat auquel tous les militants des libertés et des droits de l’Homme adhèrent, j’en appelle à leur conscience pour donner l’exemple de la responsabilité, non seulement en dénonçant les pratiques évoquées ici, mais aussi en agissant pour y mettre fin. Leur combat pour les droits intangibles des homosexuels gagnera alors en crédibilité.

C’est ainsi et ainsi seulement que les gays de Tunisie seront pris au sérieux et respectés par le pouvoir en place qui ne voit pas en eux un partenaire sérieux, estimant qu’ils sont bien plus concernés par une pratique sexuelle particulière qu’engagés dans une saine hygiène de vie transcendant les caractéristiques sexuelles des uns et des autres et ayant pour règle majeure le respect des droits essentiels de tout un chacun.

Pareillement, militants gays de Tunisie, c’est ainsi que vous convaincrez de votre sérieux les pans de la société les moins ouverts, y compris les plus bigots parmi eux, qui ne sont encore en mesure de voir en vous rien que des bêtes sexuelles. Alors, même dans les rangs de vos pires ennemis que sont les salafistes, il pourrait y avoir d’honnêtes gens pour vous soutenir et même rallier votre combat. Je ne veux pour exemple que le cas de Ludovic-Mohamed Zahed, auteur du livre Le Coran et la Chair (paru chez Max Milo en mars 2012), qui a flirté un moment avec ces intégristes avant de finir par militer aujourd’hui pour la même cause que vous.

En effet, il est un fait qui ne peut échapper au scrutateur de l’âme de ce peuple et ses profondeurs psychologiques, les salafistes tunisiens ne sont pas tous dogmatiques, fous d’Allah. Nombreux parmi eux sont fous de la vie tout simplement, égarés dans ses méandres, pris aux filets de sirènes enchanteresses; et pour peu qu’ils aient affaire à quelqu’un pour leur parler de leur vie autrement, savoir aussi les enchanter, réenchanter leur monde, alors ils ne manqueraient pas de lui prêter l’oreille et même de tourner casaque.

Pour terminer, je reviendrai à l’ex-salafiste — militant gay aujourd’hui — pour le citer après avoir assuré que, d’un point de vue de l’analyse sociologique, le sexe sera en Tunisie une des armes efficaces pour assurer et stabiliser sa nouvelle modernité ou sa postmodernité, ainsi que celle de l’islam. « Les gays musulmans, note Zahed (qui anime depuis 2010 l’association HM2F : Homosexuels Musulmans de France), n’ont d’autre choix que de constituer l’avant-garde d’une réinvention de la représentation de cette religion ».

Pour cela, homosexuels de Gayday Magazine, vous vous devez d’être non seulement attentifs à votre droit à une libre pratique sexuelle en Tunisie, mais aussi au respect des droits de tout un chacun s’adonnant en ce pays à une telle pratique et de lui prêter secours et assistance s’il est lésé dans ses moindres droits, dont celui qu’il a sur son image.

Ce faisant, vous ne manquerez certainement pas de faire partie des acteurs incontournables de la société tunisienne, ces maçons responsables et infatigables de la société civile en train d’édifier une Nouvelle Tunisie respectueuse de toutes et de tous dans une diversité jubilatoire.

Appel à tous les jeunes tunisiens lésés dans leur droit à l’image

Des témoignages réitérés et concordants nous signalent une sérieuse atteinte au droit de certains jeunes tunisiens à leur image utilisée contre leur gré par des sites érotiques et/ou pornographiques.
Notre volonté est de venir en aide à ces jeunes, dans le respect le plus total de leur droit à l’anonymat, et leur permettre d’obtenir réparation, soit en faisant cesser l’usage indu de leur image soit en les rétribuant pour un tel usage, si telle est leur volonté.
Aussi, nous invitons tous les jeunes tunisiens et tunisiennes lésés de se manifester auprès de l’auteur de l’article afin d’instruire cette délicate question portant sur le respect de leur droit à une vie privée totalement libre.
Il est à noter ici que l’action en question n’est nullement contre la liberté des sites érotiques ou pornographiques, liberté que nous respectons, mais entend mettre fin au non-respect flagrant des droits fondamentaux de tout Tunisien, ces droits impliquant le droit imprescriptible à l’image et à la vie privée.
Dans ce sens, une action de clarification est déjà engagée auprès du site indiqué ci-après et signalé par certains jeunes. Si les faits signalés s’avèrent justes, toutes les actions juridiques qu’autorise le droit national et international seront envisagées.
Les défenseurs des droits de l’homme, notamment les juristes, qui souhaitent rejoindre notre combat sont bien évidemment les bienvenus.

Dans le cadre de mon action en aide aux jeunes évoqués dans cet article, j’ai écrit au site que certains de ces jeunes m’ont signalé comme bafouant leur droit à l’image (site inaccessible depuis la Tunisie).
Ci-après, une copie de ce message posté sur le site à l’adresse suivante : http://arabstraightboys.com/USC2257.htm)

Message au site : http://arabstraightboys.com/

Bonjour,

Vous notez sur vos sites que les jeunes affichés sont majeurs et que vous en avez la preuve. C’est à votre honneur. Mais avez-vous aussi leur accord pour que leurs images soient ainsi publiques?
Certains jeunes tunisiens parmi ceux que vous affichez se plaignent d’une atteinte à leur droit à l’image.
Avant de donner la suite que le droit permet à leur prétention, nous avons tenu à avoir votre réaction. Avez-vous l’accord des jeunes affichés et pouvez-vous le produire?
Nous attirons votre attention que notre action n’entend pas restreindre votre liberté ni celle des jeunes concernés, mais de faire respecter le droit à l’image et au respect de la vie privée. Or, seul un comportement responsable de part et d’autre peut y aider.
Merci d’avance pour toute réponse.

Cordialement

F. OTHMAN