Il paraît que la télévision et la radio font l’opinion. Il semble donc logique qu’une instance de régulation se charge de vérifier l’équilibre des infos émanant du petit écran. Partant de cette idée l’INRIC a rédigé un texte afin de mettre en place une Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (HAICA). Petite présentation de cette instance, définit par le décret-loi 2011-116, voté en novembre dernier.

La Haute Autorité Indépendant de la Communication Audiovisuelle (HAICA) est une « instance publique indépendante dotée de la personnalité civile et de l’autonomie financière » comme on peut le lire dans l’article 6 du décret-loi du 2 novembre 2011.

Cette autorité est « chargée de garantir la liberté et le pluralisme de la communication audiovisuelle » toujours selon le même décret-loi. Elle dispose de ce fait d’un rôle assez large.

Elle a des attributions consultatives, donnant ainsi son avis sur des projets de loi, proposant des mesures d’ordre juridique, donnant un avis quant à la nomination des personnes à la tête des établissements publics de la communication audiovisuelle, par exemple. Mais elle a également un rôle de décideuse puis qu’elle octroie les licences et les fréquences de diffusion.

La HAICA a également un rôle de contrôle et donc de sanction. En effet l’article 5 du décret loi 2011-116 énonce les principes à partir desquelles la liberté de communication audiovisuelle s’exerce. La HAICA doit donc veiller au respect de ces principes tels que la liberté d’expression, l’égalité, le pluralisme d’expression ou encore l’objectivité…

En cas de manquement de la part d’un organisme la HAICA jouera un rôle de juridiction de 1er degré. C’est à dire qu’elle pourra sanctionner un organisme audiovisuel qui enfreindrait les règles.

Un rôle de sanction qui semble logique. Sans cette possibilité l’autorité n’aurait qu’un rôle consultatif sans effet. « Elle serait alors vidée de sa substance. » C’est en tout cas ce que pense le professeur de droit public, Mustapha Ben Letaief. Il a participé à la commission communication de la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, l’instance qui a rédigé le brouillon du décret-loi, avant que l’INRIC ne le reprenne.

Pour lui cette autorité est un très bon modèle : impartiale, autonome, objective. Tout a été fait pour que la Tunisie bénéficie d’une autorité de régulation de la communication audiovisuelle efficace et compétente.

Il suffit de regarder la manière dont est constituer son organe collégial : il s’agit de « neuf personnalités indépendantes, reconnues pour leur expérience, leur compétence et leur intégrité dans le secteur de l’information et de la communication » comme l’énonce l’article 7 du décret-loi.

Un membre est choisi par le président de la république, après consultation de la HAICA, deux membres par le président du pouvoir législatif, deux par un magistrat et un conseiller auprès du tribunal administratif, deux sur proposition des organisations professionnelles représentatives des journalistes, deux par des organisations représentatives des professions audiovisuelles non journalistiques et un membre par les propriétaires d’entreprises d’information et de communication.

Le mandat est d’une durée de 6 ans et il est non renouvelable. Une manière de s’assurer qu’un travail efficace sera fait, en toute impartialité. Le membres n’étant pas reconduits à leur poste ils n’auront aucune raison de faire leur travail en fonction des goûts et des envies de la personne les nommant, explique le professeur Ben Letaief.

Par ailleurs de part son mode de financement la HAICA s’assure de son autonomie. Ainsi l’article 23 énonce : « La HAICA est dotée d’un budget autonome ». Ce budget se divise en deux parties : la partie I concernant les dépenses de fonctionnement et les recettes ordinaires, constituées par les fonds propres, les subventions accordées sur le budget de l’Etat, les contributions, dons et legs et les ressources diverses. La partie II concerne les dépenses et les recettes de développement.

Et pour une vraie transparence et une bonne gestion toutes les dépenses de la HAICA sont soumises à un contrôleur d’état de la cour des comptes.

Comparaison CSA et OFCOM :

Pour mettre la HAICA en place différents modèles ont été observés partout dans le monde. « C’est un système original parce que nous nous sommes inspiré de différentes expériences, nous n’avons pas regardé le monde à travers les lunettes d’un seul pays. Il a fallu partir de la réalité du monde audiovisuel tunisien » rapporte le professeur Ben Letaief.

Il semble donc intéressant de comparer la HAICA avec deux modèles très différentes : le CSA français et l’Ofcom britannique.

La HAICA s’inspire par exemple du CSA quant à l’idée d’être une l’instance de régulation indépendante avec trois pouvoirs : consultatif, décisionnel et de sanction. En ce sens la HAICA s’inspire de cet aspect positif du CSA.

Là où elle rompt avec lui c’est, en autre, dans la nomination des membres de son collège, le modèle tunisien ne permettant pas au pouvoir politique d’avoir une main mise sur ce collège, ce qui est le cas dans le modèle français où 3 membres sont choisit par le parlement, trois par le sénat et trois par la présidence. « Chez nous c’est le point de vue des acteurs du monde audiovisuel qui prime, même si il est complété par le point de vue des magistrats et des pouvoirs publics » explique le professeur Ben Letaief

Deuxième différence d’avec le modèle français : le modèle tunisien se rapproche du modèle britannique dans sa conception de la régulation. En effet son statut se rapproche de celui des  independant agencies, qui  sont de tradition anglo-saxonne.  « Ici nous avons une vraie agence de régulation qui a un pouvoir réglementaire, décisionnel plus fort, au delà de la simple commission administrative » précise le professeur Ben Letaief.

De fait le choix a été de faire de la HAICA une autorité de régulation quasi-juridiction. Elle a des attributions à caractère juridictionnelles : elle prononce des sanctions comme un juge avec le respect du droit de la défense, le respect du principe du contradictoire, la possibilité de faire appel à un avocat et la possibilité de faire appel de la décision devant les autres juridictions. Il y a ainsi une effectivité réelle de la HAICA qui ne se contente pas d’émettre de simples avis.

La où la HAICA rejoint également le modèle britannique c’est en matière de sélection des dirigeants des médias publics, en ce qui concerne l’organisation de la gouvernance des entreprises publiques de médias. En France c’est maintenant le président de la république qui nomme les personnes à la direction des médias publiques, pouvant ainsi avoir d’une manière indirecte une influence sur le traitement de l’information.

Par rapport au modèle anglais il est un peu trop tôt pour être compétent en matière de télécommunication. Surtout qu’il y a déjà une instance de régulation des télécommunications en Tunisie. Si bien que pour l’instant la mise en place d’une coordination entre les deux instances suffit.

Le modèle de la HAICA semble permettre de sortir de la méfiance vis-a-vis du gouvernement, qui tenterait d’avoir une main mise sur les médias. La HAICA permettrait également de sortir des mauvaises habitudes de travail des médias, surtout en ce qui concerne le manque d’équilibre quant au traitement de l’information avec, souvent, un faux pluralisme quant aux points de vue ou avec des problèmes liés à la déontologie.

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