Femmes regardant des panneaux électoraux à Tunis avant les élections, 18/10/11 © TF1/LCI

Le 23 octobre 2011 les Tunisiens ont élu 217 députés chargés de rédiger une nouvelle Constitution. Parmi ces députés, 59 sont des femmes arrivées à ces postes suite à un engagement militant ou au gré de tractations politiques. En effet la loi concernant l’organisation de l’élection a instauré un début de parité : toutes les listes se devaient de compter autant d’hommes que de femmes pour être validées. Mais sans cette loi sur la parité, est-ce que les femmes se seraient présentées d’elles-mêmes ? La réponse serait affirmative. Il semblerait que les tunisiennes sont très intéressées par la scène politique.

L’impression générale, suite au résultat final des élections, est mitigé : 27% de femmes dans l’hémicycle, une participation plus importante que celle que l’on retrouve dans de nombreux pays du monde, mais un résultat décevant au vu des attentes quant à la parité en Tunisie. Sur les 1500 listes candidates seules 7% comptaient une femme en tête de liste, les hommes occupant, eux, 93% des places. Or la fragmentation du vote, du fait de la présence d’un trop grand nombre de listes candidates, n’a permis, dans de nombreux cas, d’élire que la tête de liste. Et voilà comment malgré les efforts les femmes se retrouvent évincées.

Pourtant les femmes s’impliquent dans la scène publique. En février dernier par exemple, l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates a organisé pendant tout un week-end, un parlement de femmes . Une liste de recommandations a été rédigée et déposée à Mustapha Ben Jaafar, le président de l’ANC. L’association y demande, entre autre, la constitutionalistaion de l’égalité homme-femme et du principe de parité et lance quelques recommandations qui balayent tous les champs de la vie des femmes : présence sur la scène publique et politique, santé, éducation, accès au travail mais aussi lutte contre les violences.D’autres projets, rédigés par des femmes, ont également vu le jour, que ce soit celui du Collectif 95 ou celui du groupe Coalition, un regroupement d’une quarantaine d’association et d’ONG qui travaillent spécifiquement sur les libertés individuelles. Tous ces projets se retrouvent sur un point : la mise en avant des femmes pour une société plus juste.

Sur un autre plan, Faiza Skandrani, présidente de l’association Egalité et Parité, qui milite pour la parité en Tunisie, a organisé un concours sur Facebook un mois seulement avant les élections d’octobre : « 1000 CV de femmes pour la Constituante » pour montrer que les femmes tunisiennes avaient un intérêt pour la politique. Contre toute attente elle a reçu 800 CV de femmes intéressées par son projet en un très court laps de temps. Des femmes de toute la Tunisie. Un projet qui a permis à certaines listes de « piocher » des candidates pour respecter la parité dans leur liste. Les femmes postulent donc.

Et elles s’engagent aussi. Il n’y a qu’à regarder le parcours de Maya Jribi, qui a été secrétaire générale du parti PDP en 2006. Elle a été la première femme tunisienne en charge d’un parti politique. Elle est aujourd’hui députée au sein de l’ANC. Jamais elle n’a considéré le fait d’être une femme comme une faiblesse dans l’univers politique. Elle n’a d’ailleurs pas non plus considéré le fait d’être une femme comme un atout. Elle se positionne simplement comme militante syndicaliste et politique. Elle est un exemple pour beaucoup car elle est la preuve que l’on peut durer en politique du fait de ses compétences.

Enfin au sein même de l’ANC un projet d’inter-groupe femme est en cours. C’est la vice-présidente de l’ANC qui a suggéré cette idée. Elle a voulu la mise en place d’une commission de femmes d’horizons politiques différents, qui se pencheraient sur les problématiques féminines et tenteraient d’y apporter les solutions les plus adéquates.

Petit à petit la femme tunisienne prend ses marques et fait doucement son entrée dans le champs politique. Une manière de consolider sa place durement acquise. Et comme la pratique permet la formation il est fort à parier que ces femmes députées, en se lançant ainsi, vont ouvrir la voie à des générations de femmes, qui pourront, de manière complètement naturelle, accéder au champ de décision politique sans entrave.

* article paru en anglais le 8 mai sur le site CGNews