Rim Guermassi, interprète en langues des signes

Parce que les personnes handicapées ne sont pas prises en considération en Tunisie, l’Organisation Tunisienne de Défense des Droits des Personnes Handicapées a décidé d’en être le porte-parole. Lors d’une conférence de presse organisée le 18 avril à la Cité des Sciences, l’OTDDPH a voulu mettre en avant son expérience autour des élections du 23 octobre 2011 et faire entendre ses revendications.

Dans un coin de la salle de conférence une jeune fille agite ses mains dans tous les sens, pendant que les intervenants parlent, installés sur l’estrade. Rim Guermassi est entrain de rendre le monde accessible aux personnes mal entendantes présentent dans la salle. Elle est interprète en langues des signes et est souvent sollicitée pour des conférences ou des rencontres. On pourrait croire que le fait d’être en train de valider un Master à Ibn Charaf dans le domaine qui lui donne une telle dextérité. Mais le fait est que c’est à la maison que Rim a eu ses premiers contacts avec cette langue.

Rim n’est pas sourde, pourtant elle a besoin de maîtriser ce langage.

Pour moi c’est facile c’est ma langue maternelle. Mes parents comme mon frère, sont sourds, j’ai grandi avec cette langue. Mais ce qu’il faut savoir c’est qu’il y a des signes propres : dans ma famille il y a un langage, un autre avec les amis, un autre à l’école… Moi je fais le pont entre tous ces langages. En fait pour bien maîtriser cette langue il faut être immergé dans la communauté sourde.

En fait il suffirait d’une plus grande mixité dans la population pour que les personnes handicapées soient mieux comprises. Difficile quand on sait que le handicap fait peur et c’est une thématique rarement abordée. Il suffit d’essayer de trouver des chiffres pour comprendre. Interrogée sur le nombre de personnes dans cette situation dans le pays Sihem Badi, Ministre des Affaires de la femme sèche

Je ne le connais pas malheureusement, mais ça n’a rien d’étonnant quand on voit qu’on ne connaissait pas le vrai nombre de pauvres, de femmes violentées…Aujourd’hui ça fait partie de notre nouvelle politique que d’avoir des vrais chiffres pour mettre en place des actions.

Anwer Heni, vice trésorier de l’Organisation tunisienne de défense des droits des personnes handicapées (OTDDPH) lui a une idée :

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé en 2011 les personnes handicapées représentaient 10% de la population tunisienne. Un chiffre bien loin des 1,5 ou 2% dont parlait le gouvernement Ben Ali.

C’est qu’il ne fallait pas donner à voir, qu’il fallait cacher. La personne handicapée, dans l’imaginaire collectif, c’est un poids pour la famille et la société, une charge, jamais un acteur. Cette image négative l’OTDDPH est en train de la changer à travers diverses actions. Wafa Loumi, secrétaire générale de l’OTDDPH en parle :

Pour les élections nous sommes allés voir l’ISIE par exemple, pour que des aménagements aient lieu. Nous avons fait quelques recommandations : garantir l’accès à l’information pour les personnes sourdes et mal voyantes, garantir l’accès aux salles de vote pour tous, un meilleur éclairage des bureaux de vote, un accompagnement des personnes qui le nécessitent… Il y a aussi une campagne de sensibilisation au vote et une campagne d’observation le 23 octobre

L’idée c’était d’assurer la pleine participation des personnes handicapées à la vie politique. Le premier pas a été de discuter de l’article 61 de la loi électorale qui ne donnait droit à un accompagnateur qu’aux personnes avec un « dégât visible ». Ici il a fallu se battre sur deux plans : le changement sémantique et la mise en place d’un réel accès au vote, pour les personnes avec tous types de déficiences. « Il y a eu des améliorations mais tout n’était pas parfait. On espère en tout cas que cette expérience servira pour les prochaines élections » dit M. Loumi.

Avec ce type d’action l’OTDDPH s’implique pour que la situation des personnes handicapées en Tunisie change. Un changement qui doit passer par le cadre législatif comme par une éducation de la population. « Ce travail doit aller dans les deux sens. Si les lois ne garantissent pas notre participation alors le regard ne change pas par exemple. Et dans l’autre sens si on ne change pas le regard des décideurs politiques, le regard de la société civile et même le regard des personnes handicapées envers elles-mêmes, alors les lois ne changent pas » explique la SG de l’ OTDDPH.

Sur papier, la Tunisie est engagée depuis 2008 à respecter la Convention Internationale Relative aux Droits des Personnes Handicapées. Sur papier seulement. La rédaction de la nouvelle Constitution semble être un moment propice pour qu’un vrai changement intervienne. Reste à voir si les députés seront être à l’écoute de cette partie de la population.

Ci-dessous vous pouvez lire la Convention relatives aux Droits des Handicapés et Protocole facultatif

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