Mon bassin minier, tu as mon âme et mon sang. Même si on nous marginalise, je te serai toujours fidèle

Le samedi 14 avril 2012, le ministère de l’intérieur décrète le couvre-feu de 19h à 5 h du matin à Om Larayes, une délégation de la ville de Gafsa. En colère contre les résultats du concours de la Compagnie de phosphate de Gafsa (CPG), un affrontement s’est déclenché entre des habitants de la région avec les agents des forces de l’ordre. Dans cette ville 605 agents ont été recrutés, cependant ceux qui ont été recalés ont de suite protesté ce qui a généré l’intervention des forces de l’ordre.

La Compagnie de Phosphate de Gafsa fait partie du Groupe Chimique tunisien (GCT), une entreprise publique constituée également de quatre autres sociétés, à savoir la Société industrielle d’acide phosphorique et d’engrais à Sfax, Industries chimiques maghrébines à Gabès, la Société arabe des engrais phosphatés et azotés à Gabès et Engrais de Gabès et Industrie chimique de Gafsa.

Le PDG du Groupe Chimique de Gafsa, dont le chiffre d’affaires en 2011 a atteint 1530000,00 k de TND, a déclaré récemment sur radio Shems FM que la production a augmenté de 60% lors du premier trimèstre de l’année 2012 comparée à celle de 2011. Néanmoins, les ventes ont baissé de 7%.

Dans la tourmente de ces chiffres colossaux, pour un habitant de la ville minière qui vient de passer le concours de la CPG, le salaire de 380 dinars par mois qu’il s’attend à avoir lui semble déjà beaucoup d’argent… Pour lui, les critères imposés, quels qu’ils soient, lui paraîtront toujours injustes.

Marginalisation et colère

D’abord, ce fut le colon depuis 1886, année de la découverte des couches de phosphate de calcium, ensuite ce fut le régime de Bourguiba qui a perpétré la marginalisation pour finir par celui de Ben Ali… Trois périodes bien distinctes dont le mot d’ordre n’a été que marginalisation et spoliation des richesses minières au détriment des habitants de la Région.

L’antagonisme entre un bassin minier qui fait de la Tunisie le cinquième producteur mondial de phosphate, réalisant par là des bénéfices colossaux au Groupe Chimique tunisien, et la misère dans laquelle vit la population reflète une injustice sociale évidente.

En outre la politique de la répression qui a eu lieu ces derniers jours à Om Larayes a rappelé aux habitants les évènements de 2008 où la police a sauvagement persécuté les contestataires provoquant des morts dont on ignore encore le chiffre, des centaines d’arrestations et des séquelles irrémédiables. La révolution du 14 janvier n’a fait que générer une attente d’un avenir meilleur qui tarde encore à se réaliser « Rien n’a changé, la misère et l’injustice sont encore notre quotidien » nous a confié un habitant de Gafsa.

Les résultats du dernier concours où 605 ouvriers ont été embauchés n’ont pas servi à calmer une région où un tiers de la population vit sous le seuil de la pauvreté. Brûler des postes de police, des pneus, jeter des pierres sur les agents des forces de l’ordre n’est qu’un cri de détresse.

Politique gouvernementale et transparence ?

Afin de rendre l’information plus accessible, le ministère de la formation professionnelle et de l’emploi a lancé le 5 mars 2012 un site internet pour rendre les résultats des concours de la CPG. On peut y trouver le nombre d’ouvriers qui seront recrutés ainsi que les critères d’embauche.

Mdhila : 580 agents
Om Larayess : 605
Redayef : 454
Metlaoui : 1000

Les résultats du concours de la CPG relatifs à la délégation du Redeyaf qui seront rendues aujourd’hui provoqueront probablement un nouvel affrontement entre les forces de l’ordre et ceux qui seront recalés. En attendant une politique plus efficace pour résoudre le problème du chômage, les citoyens tunisiens, notamment ceux du bassin minier, continueront à s’opposer à tout un système qui les a marginalisés pendant des décennies. Un projet concret et une gestion transparente de la crise qui sévit à Gafsa, sont une priorité absolue pour instaurer un minimum de communication entre la population et le gouvernement provisoire.